MesdamesMesdames, Messieurs,
L'année académique qui vient de s'écouler a été marquée par quelques événements importants, qu'il y a lieu de rappeler dans cette séance publique du Sénat.
Tout d'abord le renouvellement du Rectorat: les départs du recteur Pierre Ducrey après douze ans, et des vice-recteurs Jean-Claude Bünzli et Fred Paccaud après un mandat de quatre ans; départs suivis de l'entrée en fonction, dès le 1er septembre 1995, d'une nouvelle équipe formée par le recteur Eric Junod et les vice-recteurs Pascal Bridel, Oscar Burlet et Jacques Diezi. Lors de la dernière séance du Sénat en juillet, j'ai rendu hommage aux membres du Rectorat sortant de charge; je ne me répéterai pas ici, si ce n'est pour leur exprimer notre amitié et les remerciements de l'Université pour l'efficacité et le dévouement dont ils ont fait preuve dans des années devenues de plus en plus difficiles tout au long de leur mandat. Les difficultés ne vont certes pas diminuer à l'avenir; et c'est dans cette perspective que je souhaite aux nouveaux membres du Rectorat bonne route, tout en renouvelant mes félicitations pour leur élection.
Deuxième événement significatif: la nouvelle composition du Sénat, où siègent désormais, à côté des professeurs, les délégués du personnel administratif et technique, du corps intermédiaire et des étudiants. Le Sénat nouvelle formule a tenu quatre séances ordinaires et une séance extraordinaire: c'est peut-être trop tôt pour en tirer des conclusions, mais je crois que l'expérience s'annonce prometteuse; la participation a fait entrer de l'air frais dans nos séances et a bousculé un peu nos habitudes, en nous obligeant à réagir différemment, à nous confronter avec des points de vue qui peuvent quelquefois nous surprendre, si ce n'est déconcerter; on peut penser que, une fois passé la phase de rodage, nos débats en tireront un profit certain. On a peut-être parfois l'idée que la tâche principale du président est d'éviter que les séances soient trop longues; c'est une tâche à laquelle j'essaie de m'appliquer, mais c'est une tâche secondaire, car la tâche primaire est de permettre aux différentes sensibilités de s'exprimer. Mais le bon fonctionnement du Sénat et le rôle qu'il pourra jouer à l'avenir dépendront surtout de ses membres, de leur disponibilité à ne pas céder à la tentation de l'indifférence et de la résignation.
L'année qui s'écoule a vu aussi la constitution, au Département de l'instruction publique et des Cultes, d'un groupe de travail mixte chargé d'une réflexion en vue de l'élaboration d'une nouvelle loi universitaire; je voudrais remercier le conseiller d'Etat Jean Jacques Schwaab de sa disponibilité à prêter une oreille attentive à la voix de l'Université, qui est représentée, dans ce groupe de travail, par le recteur, par un étudiant, Monsieur Koppenburg, et par moi-même. La concertation que j'appelais de mes vux ici même, il y a un an, semble être en train de se faire.
Une nouveauté qui va sans doute laisser son empreinte dans la vie universitaire est la mise sur pied d'une procédure d'évaluation des enseignements et des instituts. Procédure qui est devenue incontournable en période de restrictions budgétaires. Il est par ailleurs salutaire de devoir de temps en temps se remettre en question, s'interroger sur le travail que l'on fait; l'évaluation permettra de canaliser et structurer cette mise en question. Je crois toutefois qu'une certaine prudence est opportune, quand on entend les échos qui nous viennent de certains pays où l'évaluation s'est révélée une sorte de compétition plus ou moins sportive, un hit-parade des enseignants, avec toutes les conséquences que l'on peut facilement imaginer pour ce qui est des relations personnelles à l'intérieur des facultés. Il nous arrive souvent, en Suisse, de mettre en pratique avec un certain retard les expériences faites dans d'autres pays, quelquefois au moment même où ailleurs on commence à prendre les distances (songeons par exemple à certains aspects de l'enseignement secondaire). Ce retard pourrait se révéler un avantage s'il nous permettait de faire ces expériences d'une façon critique, de séparer le son de la farine, en profitant des erreurs et des exagérations faites par les autres.
Cela peut paraître plus facile à dire qu'à faire. En effet, le président du Sénat a, dans un certain sens, un rôle privilégié: il est à la tête de l'autorité supérieure de l'université, mais cela ne comporte pas pour lui l'exercice périlleux du pouvoir. Il peut donc s'adonner de bon coeur aux critiques et surtout aux mises en garde, introduire une pincée de scepticisme, sans devoir apporter la preuve qu'il sait mieux faire. Il peut jouer le rôle du fou du roi, un rôle qui n'est pas pour me déplaire et dont j'espère qu'il aura quelque utilité; ou, si vous préférez des métaphores plus illustres, il joue le rôle d'Antigone, qui peut affirmer des principes, tout en laissant au Rectorat le rôle de Créon, qui doit se préoccuper de la réalité et de la raison d'Etat.
Laissez-moi donc jouer ce rôle aussi pour aborder mon dernier propos: un point que je ne peux pas ne pas évoquer dans ce bref bilan d'une année académique, le spectre qui nous hante tous; vous avez bien compris qu'il s'agit d'une opération à connotation floréale, source de préoccupations pour ceux qui pourraient en être les "victimes" aussi bien que pour ceux qui sont appelés à la mettre en uvre. J'ai déjà dit l'an dernier que nous ne pouvons pas en tant que citoyens refuser notre contribution aux mesures d'austérité. La difficulté consistera à établir des priorités judicieuses, pour que les restrictions nuisent le moins possible à l'enseignement et à la recherche (et il n'est pas superflu de rappeler que ces deux volets sont étroitement liés); le danger d'un déclassement de l'université est réel et ce ne serait pas seulement une perte de prestige: il rendrait nos licenciés et nos docteurs de moins en moins compétitifs. La fleur dont je parle est considérée comme un symbole de perfection et de pureté spirituelle; mais elle est aussi un symbole de fécondation, comme l'indique le mot grec d'où l'orchidée tire son nom: orchis, un mot que je ne me permettrais pas de traduire devant cette solennelle assemblée; espérons donc qu'elle favorise la fécondation de la relève intellectuelle et scientifique, plutôt que de l'entraver. C'est bien là le grand défi qu'il s'agira de relever dans l'intérêt de notre pays et des générations futures. Mais nous en sommes, bien sûr, tous conscients; j'arrêterai donc ici mon propos.