Mesdames, Messieurs,
Cela va peut-être vous surprendre, mais je vous demande de me laisser rêver quelques instants.
Rêver à une université qui soit ouverte à toutes et tous: hommes, femmes, suisses, étrangers, individus issus de milieux aisés, défavorisés...
Une université qui soit ouverte sur le monde et les idées. Une université qui propose des enseignements dans les domaines les plus divers. Et des domaines qui ne doivent pas forcément rapporter, au sens économique du terme. Une université qui puisse développer de nouvelles disciplines. Une université qui soit en relation avec son milieu social. Une université où les décisions seraient prises de façon collective, avec l'accord de tous les corps dont les étudiants bien sûr.
Je vous propose maintenant de regarder en quoi ces rêves ont un pendant réel plutôt cauchemardesque.
Une des principales barrières à l'accès à l'université c'est la question financière. Les revendications de gratuité des études a disparu puisque maintenant la tendance est plutôt d'augmenter les taxes ou d'en créer là ou il n'y en avait pas. Ce qui est une attaque frontale à la démocratisation des études. L'enquête socio-économique que la FAE a faite en 1993 a montré que plus de la moitié des pères des étudiants étaient des cadres supérieurs et que seuls 15% d'entre eux étaient employés ou ouvriers. Et cette différence n'est pas prête d'être gommée. D'autant que le système des bourses dans le canton de Vaud est largement insuffisant. La nouvelle enquête que la FAE est en train de terminer sur les aides financières montre que les bourses et autre aides financières s'élèvent en moyenne à seulement 585 francs par mois.
Cela fait des années que la FAE lutte pour remédier à ce problème. Il y a même eu un groupe de travail qui s'est penché sur la révision de la loi sur les bourses d'études et auquel la FAE a participé. Mais malheureusement, le projet de révision a été rejeté en raison des pressions budgétaires. Nous ne désespérons pas que le nouveau conseil d'Etat remette ce projet à l'ordre du jour.
Les mesures d'économies semblent de plus en plus tout dicter à l'Université. On ne crée pratiquement plus de nouvelles chaires et on en élimine même pour causes d'économies. Le critère de suppression est parfois loin d'être scientifique. Il se limite simplement à cette question: quel est le prochain professeur qui part à la retraite.
Dans mes rêves, j'ai notamment évoqué une université ouverte sur le monde et les idées, c'est dire qu'il faut aussi s'ouvrir à nos voisins du bout du lac, les Genevois. Malheureusement ce rapprochement s'effectue avant tout dans le but de faire des économies et d'être plus rentables. Une rentabilité qui est un grand enjeu de définition et qui est surtout définie par des critères économiques et non dans un véritable but d'ouverture. Une ouverture qui passe, selon nous, par la pluralité. Ce qui est contraire au projet de collaboration Lausanne/Genève qui va justement limiter l'offre et donc l'ouverture sur des idées différentes.
Enfin, j'ai songé à une université où les décisions seraient prises de façon collective. Mais la réalisation de la collaboration que je viens d'évoquer implique une limitation des pouvoirs des différents corps de l'université et renforce celui du rectorat. Nous observons déjà cette évolution, puisque pour le projet de collaboration entre les Universités de Lausanne et Genève, les deux rectorats n'informent que très peu ou même pas du tout, les membres de la communauté universitaire et ils ont refusé la participation des assistants, des professeurs, des membres du personnel administratif et technique et des étudiants à une commission planchant sur ce projet.
Pourtant ce rêve de prise de décision collective aurait pu devenir réalité. En effet, depuis deux ans, la participation de tous les corps de l'université aux organes décisionnels existe. Et a beaucoup apporté à Lausanne tant au niveau d'une certaine transparence dans les décisions qu'au niveau de l'information.
Voilà quelques-unes des raisons qui nous empêchent malheureusement de rêver.
Mais malgré tout, nous croyons toujours que des rêves peuvent devenir réalité. Il faut pour cela élargir le champ du possible et du pensable. Je citerais cette phrase prononcée par la journaliste algérienne Salima Ghelazi lors d'une conférence organisée par la FAE, le contexte était certes différent, mais sa teneur nous concerne directement: "il faut allier le pessimisme de l'intelligence avec l'optimisme de l'action".
C'est pour cela que nous organisons du 25 au 29 novembre, dans le cadre des 75 ans de l'UNES (Union nationale des étudiants), une semaine sur le thème des mesures d'économies et de leurs conséquences pour l'université. Un thème repris en même temps dans d'autres universités de notre pays. Il y aura de nombreux débats, conférences... et vous êtes bien sûr tous conviés à cette semaine, puisque prônons la pluralité.
La réflexion et l'action ne se limitent pas à l'université et comme je le disais dans mon rêve, l'université doit être en relation avec son milieu social. C'est une des raisons pour laquelle, l'UNES et également la FAE soutiennent la manifestation qui réunit tous les services publiques et qui va se dérouler cet après-midi à Berne. Et comme jusqu'à nouvel ordre, l'université est encore un service public, nous ne pouvons que vous encourager à vous y rendre.
Je terminerai en vous souhaitant une bonne journée et faites de beaux rêves en oubliant un instant de compter vos sous et de ne penser qu'au terme rentabilité.