Dies academicus 1999

 

Discours du professeur Jean-Marc Rapp

recteur de l'Université

Mesdames et Messieurs,

Au moment de m'exprimer pour la première fois lors d'un Dies au nom du Rectorat que l'Université s'est choisi en juin 1998, et qui vient d'entrer en fonctions, j'aimerais en tout premier lieu rendre hommage ici à l'équipe rectorale sortant de charge. MM. Eric Junod, Oscar Burlet, Pascal Bridel et Jacques Diezi &endash; lequel, vous le savez, a accepté un nouveau mandat &endash; ont notamment proposé à l'Université de Lausanne des orientations stratégiques majeures conformes à ses intérêts et à sa mission fondamentale: le partenariat institutionnel avec l'Université de Genève, puis plus récemment et dans le prolongement de ce partenariat, le projet de coordination et de développement entre ces deux Universités et l'EPFL. Ces choix majeurs sont devenus ceux de l'Université de Lausanne. Le Rectorat nouveau y adhère pleinement, avec reconnaissance pour le courage de ses initiateurs. Avec la communauté universitaire lausannoise, il entend se mettre à leur réalisation.

Pourquoi cette adhésion? Parce que le projet réunissant les trois hautes Ecoles lémaniques constitue, pour notre Université, un moyen d'atteindre son objectif essentiel de développement, au service de la collectivité. J'aimerais m'arrêter sur cet objectif de l'Université de Lausanne, et vous faire partager nos réflexions sur ce qu'il signifie et sur ce qui le menace.

Si je devais, en quelques mots, décrire sans ambage la situation de l'Université vaudoise aujourd'hui, je dirais ceci: notre Université est un service public ambitieux et innovateur, mais c'est un service public menacé, qui a besoin rapidement de signes forts du canton, pour que se recréent des liens de confiance en voie d'érosion.

Un service public ambitieux et innovateur

Notre Université est d'abord, il vaut la peine de le rappeler, un service public. Non pas une entreprise privée soumise aux modes ou aux retournements des marchés ou de l'opinion. Non pas non plus une puissance publique qui entendrait traiter avec des subordonnés ou maîtriser l'accès de ses portes. Mais bien une institution au service du public, par quoi il faut d'ailleurs entendre des communautés aux intérêts parfois divergents: Les étudiants, les chercheurs et enseignants, les personnes en formation continue, les destinataires potentiels ou actuels des résultats ou des espoirs nés des recherches sont en effet tous des partenaires de l'Université. Mais ils n'ont pas tous exactement les mêmes attentes à l'égard d'une Université qui doit pourtant s'efforcer de les servir tous et, à travers eux, la collectivité.

Ce service public se veut ambitieux et innovateur.A la différence d'autres services de l'Etat de Vaud, en situation de monopole, l'Université de Lausanne est confrontée à d'autres Hautes Ecoles, en Suisse et à l'étranger. Et aussi bien les enseignants, chercheurs ou bailleurs de fonds que, de plus en plus, les étudiants, comparent les conditions que telle ou telle haute Ecole peut leur offrir. De ce point de vue, et compte tenu de l'importance de la formation dans un pays sans matières premières, l'Université de Lausanne doit bien être considérée comme un atout essentiel dans le développement économique et social du canton, comme une entreprise à laquelle il faut offrir les meilleures conditions cadre possibles.

Jusqu'ici, l'Université de Lausanne n'a nullement à rougir de son bilan. Attirant de nombreux étudiants qui rapportent au Canton un solde créditeur net dans le cadre de l'accord intercantonal, notre Haute Ecole sait aussi attirer des partenariats prometteurs dans le domaine de la recherche. Tout récemment encore, la presse a attiré l'attention du public sur le nouveau contrat conclu avec l'entreprise Glaxo Wellcome, qui soutiendra à hauteur de 8/10 millions les travaux effectués dans le domaine des neurosciences et des maladies neurologiques aux Instituts de biologie cellulaire et de Morphologie (ICBM) et de physiologie de la Faculté de médecine.

Désireuse de contribuer par son rayonnement au développement du Canton et de la région, l'Université de Lausanne n'hésite pas à se lancer dans des projets impliquant des risques et des choix difficiles. Le projet tripartite UNIGE/UNIL/EPFL voit ainsi notre Haute Ecole prête à se séparer de sections entières (physique, chimie, mathématiques, pharmacie) pour qu'elles soient regroupées ailleurs avec une meilleure efficacité, et pour pouvoir investir elle-même fortement en sciences du vivant et en sciences humaines. Mesdames et Messieurs, quel autre secteur de l'Etat de Vaud a, jusqu'ici, eu l'audace de prendre ce type de décision, et préféré l'importance d'une tâche au souci de la garder pour lui?

La réalisation de ce projet de développement et de coordination des trois Hautes Ecoles s'accompagnera encore, à l'intérieur de notre Université, d'autres innovations. Je citerai ici uniquement l'accent que nous avons décidé de mettre sur l'introduction de nouvelles technologies pour l'enseignement et la formation, et sur la flexibilisation des cahiers des charges des professeurs, afin que nous tirions le meilleur parti des divers profils de nos enseignants.

...Mais un service public menacé

C'est donc bien un service public ambitieux et innovateur qui fête aujourd'hui la rentrée universitaire. Mais c'est aussi, malheureusement, un service public menacé.

En effet, tout en voyant notamment le nombre de ses étudiants augmenter très fortement ( de 6500 en 1987 à près de 10'000 cette année), l'UNIL a dû consentir ces dernières années à une diminution drastique de son budget: le plan d'économies 1996/2000 qu'elle a négocié en 1995 avec l'Etat devait impliquer, pour l'exercice 2000, une diminution de 18 millions de ce budget. Solidaire des efforts du canton, l'UNIL a strictement respecté son engagement. Au printemps 1998, le Grand Conseil l'avait constaté et n'a pas voulu, pour ce motif en particulier, maintenir une coupe budgétaire supplémentaire touchant les crédits de bibliothèque. Depuis lors, si le Conseil d'Etat a tenu son engagement de 1995 concernant les correctifs à apporter pour le maintien du taux d'encadrement, deux mesures prises cet été sont venu ruiner l'accord de 1995: les mesures de la Table ronde, puis une récente décision du Conseil d'Etat veulent maintenant amputer le budget d'équipement de l'UNIL de plus de 2 millions. Ces mesures s'ajoutent au plan prévu pour l'an 2000. Elles diminuent encore la capacité de l'UNIL, déjà insuffisante, de simplement maintenir son parc scientifique. Et elles risquent fort de tuer dans l'œuf l'ambitieux projet de développement tripartite, la Confédération n'étant pas prête à investir dans un canton qui choisirait de désinvestir.

Tout se passe comme si une pure logique comptable avait maintenant pris le pas sur la réflexion stratégique, pour ne pas dire la réflexion tout court.

En guise de conclusion: des liens de confiance à recréer

J'ose croire et espérer que la catastrophe programmée par les dernières mesures annoncées va s'éloigner, comme un bref orage d'été. Au-delà même des seuls chiffres, il se pose ici une question de confiance. L'UNIL est à une croisée des chemins. Elle a formé un projet ambitieux et courageux, qu'elle voudrait réaliser avec ses partenaires de l'arc lémanique. Elle attend l'élaboration d'une nouvelle loi, dans laquelle l'Etat envisage d'inscrire une convention d'objectifs ou un contrat de prestations. Le préalable à tout futur contrat, c'est la confiance préalable entre partenaires, qui se mesure d'abord à l'exécution du contrat en cours. J'ai été avocat, il y a quelques années. Si je devais aujourd'hui conseiller à ce titre l'Université au moment d'entrer en négociations avec l'Etat, je ne suis pas sûr que je recommanderais l'entrée en matière. Mais, comme Recteur, je suis prêt à poursuivre les discussions pour assurer l'avenir de l'Université de Lausanne, dans l'espoir que son partenaire principal lui adresse rapidement, en corrigeant dans un premier temps le budget 2000, un signe clair permettant de recréer la confiance indispensable. C'est à ce prix que l'Université pourra se développer dans l'intérêt de la collectivité qu'elle veut et doit servir.

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