Journée d’études organisée dans le cadre du programme doctoral « Humanités numériques » de l’Université de Lausanne. Les interventions de cette journée porteront sur les enjeux méthodologiques et épistémologiques liés à la numérisation des sources et à l’utilisation croissante d’outils informatiques dans le domaine de l’histoire.
Le programme « Humanités numériques » de l’Unil nous invite à la « réflexion sur la manière dont l'informatique a modifié les pratiques de recherche en sciences humaines et sociales ». Cette réflexion a déjà été engagée depuis quelques années par nombre d’historiens, conscients que la saisie des notes sur ordinateur autant que la numérisation des sources, etc., transforment profondément leurs pratiques de recherche (voir par exemple la Revue d’histoire moderne et contemporaine, n°58-4bis, 2011, intitulé « Le métier d’historien à l’ère numérique : nouveaux outils, nouvelle épistémologie ? »).
De fait, l’informatique a permis, par la numérisation, un accroissement inédit de l’accessibilité de la documentation, à l’initiative d’institutions patrimoniales comme de sociétés privées (voir par exemple Ngram Viewer de Google, base de 500 milliards de mots, tirés de 5 millions d’ouvrages publiés depuis le XVIe siècle), en même temps que de nouvelles modalités de consultation des sources (recherche full text, réduction de la taille d’un document au format d’un écran d’ordinateur, mise en relation algorithmique de documents entre eux, etc.). Ce contexte permet aussi de procéder à des appels au public pour numériser des documents privés et donc de faire réapparaître des sources oubliées, peu consultées.
Ces nouveaux moyens de procéder matériellement (bien que dé-matériellement) à la recherche ont des effets méthodologiques : effet de massification des corpus disponibles, intérêt croissant (provoqué sans doute partiellement par la possibilité des recherches full text) pour les interrogations lexicologiques, terminologiques, etc. Ces pratiques méthodologiques ne sont pas nécessairement nouvelles, mais elles peuvent prendre des formes inédites, induites par le numérique : la sérialisation des documents peut devenir fonction moins d’une logique de corpus que des disponibilités numériques des sources ; les interrogations terminologiques se concentrent parfois davantage sur l'histoire des mots que sur celle des notions (c’est-à-dire les mots + leurs valeurs, leurs usages etc.), et l’on s’expose à manquer la multitude de sens qu'ils peuvent avoir, le contexte qui précède leur apparition, et donc le problème, nécessairement antérieur, auquel répondent leur apparition, leur usage, etc.
Pour autant, cette journée voudrait moins avoir pour but de juger de ces effets que d’en discuter, en partant du constat que les réflexions des historiens sur ces questions, dans des revues et des ouvrages scientifiques, se sont peu adressées aux étudiant-e-s, et qu’elles ont fait jusqu’ici peu de cas des singularités propres à chaque territoire de l’Histoire. On souhaiterait donc, avec cette journée, se demander « ce que la numérisation fait à la pratique de l’histoire » en conviant à intervenir, et à échanger, aussi bien des enseignants-chercheurs expérimentés que des doctorants (parfois plus au courant de ces pratiques numériques que certains professeurs) et des archivistes, et de tous horizons (histoire, histoire de l'art, histoire de la littérature, histoire du cinéma...).