Espaces d’échanges dédiés à la présentation et à la discussion collective de recherches en cours avec l'intervention de Frédéric Minner dans le cadre d'un atelier du THEMA
Résumé :
Pourquoi introduire les émotions dans la théorie sociale ? Une réponse à cette question ancienne, mais toujours d’actualité, est que les émotions se présentent comme les « chaînons manquants » entre les structures sociales et l’agentivité : les émotions peuvent être provoquées par des causes sociales et engendrer des effets sociaux par les actions qu’elles motivent. Appelons cela l’hypothèse de la continuité causale entre les structures sociales et l’agentivité via les émotions. Cette communication reconsidère cette hypothèse en développant une variante de la thèse du « chaînon manquant. » L’analyse, située au niveau micro-micro, montre que les émotions sociales fournissent aux agents sociaux, grâce aux composants de l’évaluation, du ressenti subjectif et des tendances à l’action, la faculté de réagir aux informations sociales et normatives et d’agir en conséquence pour en produire des additionnelles. En rendant manifestes dans la conscience des individus les valeurs et formes sociales présentent dans leur environnement social, le composant du ressenti subjectif des émotions sociales signale aux individus leurs positions dans le monde social. Puisque ces ressentis consistent en des perturbations du corps ressenti comme mobilisé à agir, les agents sociaux trouvent des motifs d’agir sur leur environnement social. Par leurs actions sociales, les agents peuvent produire des valeurs et des formes sociales additionnelles, contribuant aux dynamiques de leurs structures sociales. Plus encore, les types d’émotion (culpabilité, pardon, etc.), avec leurs évaluations, ressentis et tendances à l’action typiques, peuvent motiver entre agents sociaux des chaînes causales d’interactions structurées incorporant des valeurs et des formes sociales. Par exemple, Pierre a violé une norme en offensant Marie, Pierre éprouve de la culpabilité, s’excuse ; Marie accepte les excuses, pardonne à Pierre ; Marie et Pierre se réconcilient. On peut donc arguer que les types d’émotions jouent un rôle structurant dans les processus de continuité causale en générant des patterns structurés d’interaction entre agents.