Monsieur Dan Sperber reviendra sur les enjeux ontologiques que suscite la nature du social. Un tel questionnement, on le verra, invite les sciences sociales à repréciser les critères et les épreuves de validité qui leur permettent de se définir comme des sciences et à redéfinir les contours, parfois bien troubles, de leur objet.
Nous avons l’honneur d’accueillir la conférence exceptionnelle de Dan Sperber. Actuellement professeur aux départements de sciences cognitives et de philosophie de la Central European University à Budapest et directeur de recherche émérite à l'institut Jean-Nicod (CNRS), Dan Sperber a une renommée mondiale en anthropologie et en linguistique aussi bien qu’en philosophie et en psychologie. Dans ses premiers ouvrages, pionniers à bien des égards, Le Structuralisme en anthropologie (1968), Le Symbolisme en général (1974) et Le Savoir des anthropologues (1982), il insiste sur la capacité des esprits humains à distinguer les différents registres de réalité qui les entourent. Les représentations culturelles, notamment, ne sont jamais confondues avec des faits d’expérience : leur saisie donne lieu à des «croyances symboliques» qui dépendent de la caution des instances d’énonciation culturelles et qui sont prudemment encapsulées «entre des guillemets» qui font office de garde-fou cognitif. Afin de mieux spécifier l’architecture des représentations culturelles et leur contrepartie cognitive, les travaux de Dan Sperber se dirigent par la suite vers les sciences cognitives et la psychologie. Dans La Contagion des Idées (1996), il propose de spécifier, grâce à une démarche naturaliste de type «épidémiologique», les processus cognitifs et communicationnels qui permettent la propagation, la stabilisation et la mémorisation des représentations culturelles. En parallèle, Dan Sperber développe en linguistique, avec Deirdre Wilson, dans La pertinence (1989), une théorie pragmatique de référence qui fait du «principe de pertinence» le ressort clé de l’interprétation des paroles d’autrui. Plus récemment, dans The Enigma of Reason (2017), il oriente, avec Hugo Mercier, ses réflexions sur la nature argumentative, interactionnelle de la raison et la vulnérabilité de la vérité que celle-ci implique.