Monsieur Maho Sebiane (chercheur EHESS) interviendra dans le cadre du cours "Notions et thèmes en anthropologie" de la professeure Irene Maffi.
Le Golfe arabo-persique constitue aujourd’hui un champ d’études privilégié pour l’étude de la
transformation des sociétés traditionnelles et des transferts culturels. En effet, en moins d’un siècle, les populations locales, de culture nomade à économie de subsistance, se sont progressivement sédentarisées. L’exploitation pétrolifère a permis l’émergence des grands centres urbains modernes, propulsant irrémédiablement ces sociétés dans un monde monétarisé et consumériste. Il reste que cette région est également connue pour être historiquement un carrefour d’échanges commerciaux, humains et culturels entre l’Asie et l’Afrique. Un phénomène global qui a participé à l’émergence de croyances, de pratiques culturelles et musicales très diversifiées dont des rites de possession, qu’ils fussent en lien
avec la sphère religieuse islamique ou en dehors.
Ainsi, deux types de pratiques rituelles originaires d’Afrique de l’Est, en lien avec la possession par des entités immatérielles, sont formellement identifiées et étudiées aujourd’hui dans cette région du monde. La première, le zâr, connue depuis la fin du XIXe siècle serait originaire d’Abyssinie (Éthiopie). La seconde, le leiwah, serait originaire du territoire swahili (Kenya et Tanzanie). Ces deux pratiques rituelles, largement ancrées dans la vie sociale des populations de descendants d’esclaves Est-africains d’Arabie, sont considérées comme thérapeutiques à l’instar de la Roqya, un rite d’exorcisme, la seule pratique rituelle en lien avec la possession reconnue en Islam. Toutefois, si la finalité de ces pratiques fait consensus, leurs caractéristiques formelles ainsi que leurs composants divergent à bien des égards, d’autant que le zâr et le leiwah renvoient à des références culturelles exogènes à la culture arabo-islamique du Golfe. Comment expliquer ces convergences et divergences relatives la question de l’identification du rituel ? De quelle manière les acteurs des rites d’origines
africaines situent-ils leur pratique de la possession tout en restant en accord avec le dogme islamique ?
Cette intervention exposera tout d’abord, comment le leiwah et le zâr se retrouvent intriqués dans la compréhension locale de la possession comparativement au rite d’exorcisme islamique Roqya. Puis à travers une présentation comparative de ces réalisations rituelles, j’indiquerai de quelles façons ces cultes sont des modes indépendants des uns des autres pour la mise en relation avec des esprits. Nous verrons enfin que loin d’être que de simples instruments thérapeutiques, les rites de possession sont des révélateurs de la transformation de l’intime dans les sociétés traditionnelles.
Mots-clés:
Anthropologie – Histoire – Esclavage – Analyse du discours – Catégorisation – Interactions sociales – Ritualisation – Possession rituelle.