De nombreux postulats ontologiques et épistémologiques semblent opposer les sciences sociales et les sciences cognitives, même si elles prétendent toutes deux au statut de Sciences de l’Esprit. Ces divergences se retrouvent dans les débats sur la morale. Bien que les approches cognitives et sociales de la morale définissent d’un commun accord la morale comme un système d’évaluations qui permet de jauger les conduites en termes de bien ou de mal, de juste ou d’injuste, elles divergent sur l’étendue et la spécificité du domaine moral. Dans cette présentation, je montrerai que le désaccord des approches cognitives et sociales de la morale ne résulte pas seulement de leur enracinement ni de leurs présupposés disciplinaires ; il découle de la dualité cognitive et ontologique de “ ce que moral veut dire ”. C’est cette dualité et ses implications que je me propose de discuter.
Laurence Kaufmann est Professeure de sociologie de la communication et de la culture à l’Institut des sciences sociales de l’Université de Lausanne et chercheuse associée à l’institut Marcel Mauss de l’EHESS. En recourant aussi bien à la sociologie qu’à l’histoire, la psychologie, la philosophie et la linguistique, ses recherches explorent la nature du social, l’autorité de la première personne, la constitution des collectifs, le rôle des émotions et le poids des discours publics. Elle vient de publier un ouvrage collectif, Les émotions collectives. Un «objet» impossible (avec L.Quéré), Raisons pratiques, EHESS, 2020.