Prendre place dans une salle de prière musulmane

Résumé

Suite aux tournants matériel et spatial, la recherche en sciences sociales et humaines des religions se questionne davantage sur la constitution des espaces dans lesquels les individus croient et donnent formes à leur religion. Pour ce qui est de l’islam et des musulman∙e∙s en Suisse, un grand nombre de lieux de prière ont été aménagés dans des bâtiments de types commercial ou technique, nécessitant la transformation des locaux en vue des différentes activités rythmant la vie des communautés. Si la recherche en Suisse a principalement approché l’islam et les musulman∙e∙s à partir de ce concept de « communauté » ou selon des approches discursives, en se concentrant sur les individus, rares sont les travaux d’inspirations formelle et microsociologique, questionnant la production sociale de l’espace associatif musulman et revenant sur le rôle de l’environnement matériel dans les conduites des femmes et des hommes qui s’occupent d’islam. 

Dans le cadre de ma recherche doctorale, j’ai mené une enquête de terrain dans un centre culturel islamique albanais, fondé au début des années 2000 en Suisse romande et locataire d’une salle d’une centaine de mètres carrés dans laquelle différentes activités ont lieu (prières individuelles, collectives, lectures mais encore repas communautaires et réunions). En tant que chercheur-observateur, prendre place au sein de cette salle de prière s’est rapidement accompagné d’une réflexion sur la configuration spatiale de l’association et ce, notamment à partir de données photographiques produites au cours de l’enquête. Cette réflexion a été le pendant des enjeux que représentent pour le groupe lui-même l’aménagement et la gestion de son local associatif. 

Après une brève présentation de mon expérience de terrain, de l’usage de la photographie dans ma recherche et de la notion de « configuration spatiale », je me concentrerai sur l’environnement matériel de l’association, à savoir le cadre matériel pré-donné aux activités des utilisateurs de la salle de prière. J’y repérerai trois logiques sociales (l’entre-soi, le chez-soi et la relation à Dieu) dont il s’agira encore d’examiner la mise en forme en situation. En fin d’intervention, je prendrai de la hauteur en questionnant l’intérêt d’examiner de si près un espace associatif musulman et ce, en mobilisant la notion de « religion ordinaire » telle qu’elle a été proposée par l’anthropologue Albert Piette.