Dans le cadre des séminaires de recherche du laboratoire, le LACS a le plaisir d'accueillir Madame Katiana Le Mentec, CNRS-CECMC.
Bio
Après une formation en ethnologie à l’université de Strasbourg débutée en 1997 et une formation en Chinois à l’université de Strasbourg puis de deux ans à l’université Normale de la Chine Centrale (Wuhan), Katiana Le Mentec a soutenu en 2011 une thèse en anthropologie au LESC, à l’université de Nanterre. Après un premier post-doctorat à l’université de York (Angleterre) auprès de Sharon Macdonald puis un second au Centre d’Études sur la Chine Moderne et contemporaine, elle a été affectée au Laboratoire Chine Corée Japon, comme chargée de recherche au CNRS, en 2015.
Katiana explore les contextes de bouleversements territoriaux à partir d’enquêtes ethnographiques dans le monde Sichuanais. Depuis 2002, elle a vécu 5 années en Chine, principalement entre Wuhan, Hong Kong et Yunyang, comté affecté par la construction d’un barrage et dans lequel elle a réalisé la majeure partie de ses enquêtes, entre avril 2004 et novembre 2018. A partir de 2015, elle commence en parallèle un second terrain d’enquête, à Beichuan, comté affecté par le séisme de Wenchuan survenu en 2008.
Au fil des ans, l’approche néo-boasienne de Katiana Le Mentec l’a menée à explorer de nombreux sujets de recherche, guidée par les phénomènes observés lors d’enquêtes répétées, sur la longue durée.
Résumé de la présentation
Elle porte sur l’argumentaire d’un ouvrage actuellement en préparation et synthétisant 14 ans de recherche sur les déplacements induits par la montée des eaux en amont du barrage des Trois Gorges.
Partie 1 : c’est par une approche ethno-historique que Katiana a étudié le culte rendu à Zhang Fei, héros national constituant une divinité territoriale à Yunyang depuis au moins mille ans. Elle montre comment cette divinité (et avec elles : temples, légendes, miracles, transes médiumniques, interprétation de fengshui, etc.) ont été mobilisé tant par les habitants que les autorités locales pour s’exprimer (et parfois agir de manière performative) dans le cadre des bouleversements induits par la formation du réservoir du barrage des Trois Gorges et le déplacement d’un habitant sur six dans le comté. (travail en partie disponible ici et ici).
Partie 2 : Katiana a examiné un ensemble de mesures de politique culturelle (fondation de fête civique, musées, parcs, expositions, mesures patrimoniales, etc.) réalisées à Yunyang. Centrées sur l’important déplacement de population induit par le barrage des Trois Gorges, ces mesures émanent d’un travail conceptuel, une élaboration innovante d’une équipe gouvernementale locale, bien que s’inscrivant dans des pratiques de gouvernance et de communication politique anciennes. Ce travail s’est appuyé sur un travail d’archives (internes comme ouvertes) et une enquête au long cours auprès notamment des fonctionnaires du bureau de la culture, de la protection des vestiges et de la propagande à Yunyang.
Partie 3 : une fois ces mesures recontextualisées dans leur processus de façonnage par des acteurs locaux aux parcours singuliers et dans l’évolution de leur mise en œuvre, Katiana a étudié leurs effets, leurs réussites et leurs échecs après une quinzaine d’années de forte promotion. Une partie de ce travail, soutenu par une ethnographie muséale notamment, a été présentée dans plusieurs textes (ici, ici et ici).
Une longue interview radio réalisée en 2016 sur ce travail est disponible ici. Parallèlement à l’enquête sur les déplacements à Yunyang Katiana a aussi analysé les discours et interprétations portés sur le barrage des Trois Gorges, le mythe glorieux façonné par les différents niveaux de gouvernement ainsi qu’un ensemble de contre interprétations critiques émanant des habitants, mobilisant les uns comme les autres des références anciennes et locales (cette analyse est disponible ici et dans cet article mis à jour récemment). Dans le cadre d’une mission post-doctorale financée par le CNRS Katiana a également enquêté sur un projet architectural et muséal français : la tour du chien jaune perdu, musée des villes catastrophées et englouties, sélectionné pour l’exposition universelle de Shanghai de 2010. L’enquête examine les réactions à l’égard de ce projet en France et en Chine ainsi que les raisons de son abandon.
Aujourd’hui, Katiana s’intéresse à explorer plus spécifiquement le domaine de l’anthropologie des bouleversements de l’espace et des territoires affectés. Dans le cadre du séminaire Territoire affecté qu’elle a fondé, organisé et animé entre 2019 et 2021, elle a proposé une approche renouvelée sur la manière dont les humains entretiennent des rapports à leurs espaces affectés, à partir d’un outil conceptuel : l’anthropotopie. À terme, son objectif est de mener une réflexion théorique sur les processus anthropologiques qu’induisent les remodelages considérables et profonds de territoires, en s’intéressant notamment aux représentations sociales et pratiques collectives des espaces et de leur transformation, ainsi qu’à celles relatives aux liens à l’espace. Plusieurs travaux sur le sujet ont été déjà été publiés, par exemple sur la mise en patrimoine et en tourisme des lieux détruits et marqués par la mort. Une esquisse d’analyse a été proposée en mai 2020 sur l’événement de la pandémie covid 19 et ses effets sur nos relations aux espaces affectés par le virus et les mesures en vigueur (2 podcasts disponibles ici et là). Enfin, un travail ponctuel sur les ruines urbaines en Chine et un autre plus conséquent sur le déplacement de deux villes chinoise après destruction, sont actuellement en préparation.
Informations et lien zoom disponible auprès de Anne-Christine Trémon : anne-christine.tremon@unil.ch