Manifestation gratuite, mais inscription obligatoire
8h30 Accueil
9h00 Mots de bienvenue et introduction, par Anne-Christine Favre, professeure de droit public, Université de Lausanne
Panel 1
Limites planétaires, durabilité et droit, Présidence Rahma Bentirou Mathlouthi, chercheuse post-doc FNS, Université de Barcelone, chercheuse associée à l'IODE, Université de Rennes 1, et au CEDAT Université Rovira i Virgili de Tarragona, chargée d'enseignement magistral, Université de Grenoble Alpes
9h10 « Repenser la norme et la justice » dans le domaine des limites planétaires, de la durabilité ou de la vulnérabilité, par Alain Papaux, professeur de philosophie du droit, Université de Lausanne
9h40 Repenser le droit international à l’aune des limites planétaires, par Sandrine Maljean-Dubois, directrice de recherche au CNRS, Sociologie et sciences du droit, Aix-Marseille Université (DICE, CERIC)
10h10 Les théories sociopolitiques de l’allocation des ressources, par Stéphane Nahrath, professeur de politiques publiques et durabilité, Université de Lausanne
10h40 Pause
11h10 Limites planétaires et droits d’usages ou d’accès aux ressources, par Anne-Christine Favre, professeure de droit public, Université de Lausanne
11h40 présentation de sa thèse intitulée Vers une économie circulaire « durable » en Suisse – Analyse systémique et prospective des apports et limites du cadre juridique, par Dunia Brunner, doctorante FNS, Université de Lausanne
Échange avec les doctorant·e·s
12h20 Pause de midi
Panel 1 (suite)
14h00 La concrétisation des objectifs orientés vers les limites planétaires, une théorie juridique et politique des principes et instruments d’allocation des quotas environnementaux – application aux changements climatiques, par Thierry Largey, professeur de droit public, et Valérie Dupont, chargée de recherche, Université de Lausanne
Panel 2
Vulnérabilité et durabilité : quelles normes, quelle justice ?, Présidence Véronique Boillet, professeure de droit public, Université de Lausanne
14hh30 Réinterroger la durabilité à l’aune des vulnérabilités en droit de l’Union européenne : l’urgence de nouvelles solidarités juridiques avec le vivant, par Nathalie Hervé-Fournereau, directrice de recherche CNRS – IODE - Institut de l’Ouest : Droit et Europe, Université de Rennes 1, directrice adjointe de l’École doctorale Droit et Science politique Bretagne Loire
15h00 Formuler des scénarios en droit, pour mieux répondre aux enjeux de durabilité à venir ?, par Adélie Pomade, maître de conférences HDR, Droit public, Université de Bretagne occidentale
15h30 Pause
16h00 Repenser la responsabilité internationale de l’État pour les omissions des législateurs nationaux dans l’Anthropocène, par Evelyne Schmid, professeure de droit international public, Université de Lausanne
16h30 (Re)Penser la « justice climatique » : la lutte contre le changement climatique doit-elle passer par le juge ?, par Sabine Lavorel, maître de conférences HDR, Droit public, co-directrice de l’École doctorale Sciences juridiques, Université Grenoble Alpes
17h00 Conclusion, par Anne-Christine Favre
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Présentation
9h10-12h20 Panel 1 : Limites planétaires, durabilité et droit
Alain Papaux : « Repenser la norme et la justice » dans le domaine des limites planétaires, de la durabilité ou de la vulnérabilité
Le séminaire débutera par une présentation d’Alain Papaux, professeur de philosophie du droit et d’introduction au droit, à l’École de droit, de la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique de l’Université de Lausanne. Le thème des limites planétaires, corrélé à la durabilité et la vulnérabilité, ouvre deux séries de questions dans la perspective de la philosophie du droit de l’environnement :
D’une part, peut-on repenser la norme et la justice en matière environnementale sans connaître le fonctionnement de la science ? C’est le problème d’épistémologie, en particulier les rapports entre droit et science, entre juste et vrai. Ainsi de la réception de l’écologie ou science des niches (vrai) en politique et en droit (juste) : GIEC ou Taskforce COVID n’ont rien à dire en matière de juste.
D’autre part, peut-on élaborer un droit de l’environnement sans connaître la philosophie politique : Qu’est-ce que la liberté ? Faut-il appliquer aux questions environnementales plutôt la justice commutative ou plutôt la justice distributive ? Notamment, un « bien commun » (qui n’est pas l’« intérêt commun ») est aujourd’hui impossible à fonder en droit, eu égard à la théorie des droits subjectifs d’obédience individualiste.
En bref, la technique juridique actuelle constitue un obstacle à une pensée juridique environnementaliste.
Sandrine Maljean-Dubois : Repenser le droit international à l’aune des limites planétaires
La littérature scientifique sur le système terre et les limites planétaires nous indique que l’humanité est sortie d’un « espace de fonctionnement sécurisé » (a « safe operating space for humanity ») pour entrer dans une zone à risque, éprouvant au-delà du raisonnable les capacités de résilience de notre biosphère. Le passage de certains points de basculement fait craindre des scénarios catastrophiques, allant de la « Terre-étuve » à la fin de la vie sur tout ou partie de la planète. Or, jusqu’ici le droit international de l’environnement, en dépit de quelques succès, s’est montré largement inefficace pour contrer ces évolutions. Une gouvernance environnementale en « silos » et marginalisée par rapport à d’autres régimes essentiels (commerce, investissement, propriété intellectuelle) explique en partie ses faiblesses.
Les frontières planétaires, chiffrées, se présentent comme autant d’objectifs stratégiques, dont la réalisation peut être régulièrement mesurée. Mais, définies par des scientifiques en dehors de tout cadre démocratique, doivent-elles être réellement traduites en des objectifs et actions concrets des politiques publiques et privées ? Peuvent-elles seulement l’être et, si oui, comment ? Comment ces objectifs globaux peuvent-ils pénétrer les arcanes de la gouvernance internationale ? La réflexion participe-t-elle, dans une logique managériale, de la promotion d’un droit international « SMART » ? Comment des objectifs par définition « macro » peuvent-ils ensuite être déclinés concrètement à l’échelle régionale ou nationale (voir par exemple les objectifs de l’Accord de Paris ou la négociation en cours du cadre mondial post 2020 sur la biodiversité) ?
Stéphane Narath : Les théories sociopolitiques de l’allocation des ressources
La question des limites planétaires pose celle des quotas d’allocation des ressources, qu’il s’agisse du droit de polluer ou de s’approprier un bien. Stéphane Nahrath, professeur en analyse comparée des politiques publiques à l’IDHEAP, Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique de l’Université de Lausanne, présentera les différents courants de l'éthique contemporaine qui participent à la définition des différents principes d'allocation des quotas (théorie libertarienne, égalitarienne, utilitariste, marxiste, ou encore celle du grandfathering). Il évoquera également les questions qui se posent pour le calcul et l’utilisation des ressources disponibles, approchées dans le contexte du projet LACE – (Laboratory for Applied Circular Economy), soutenu par le Fonds national dans le cadre du Programme national de recherche PNR 73 - Sustainable Economy.
Anne-Christine Favre : Limites planétaires et droits d’usages ou d’accès aux ressources
D’une manière générale, lorsque les atteintes à l’environnement nécessitent des efforts à un échelon global (que ce soit sur le plan mondial ou local), ou que les ressources se font rares, le droit connaît divers mécanismes de seuils ou des restrictions. Ces règles peuvent entrer en conflit avec les droits d’usage ou d’appropriation existants ou futurs. Anne-Christine Favre, professeure en droit administratif et de l’environnement, à l’École de droit, section de la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique de l’Université de Lausanne, se propose d’examiner comment régler au mieux la question égalitaire dans ce contexte pour éviter que l’on cède au principe du premier demandeur-premier servi et d’approcher ce que l’on entend par « capacité contributive », notion qui est désormais au cœur des réflexions, que ce soit dans le « budget carbone » des États ou les efforts à fournir par les individus lors de prélèvements de taxes ou d’investissements en faveur de l’environnement ou du climat.
Dunia Brunner : Limites planétaires et durabilité de l’économie circulaire
Mme Dunia Brunner est doctorante FNS et présentera sa thèse intitulée Vers une économie circulaire « durable » en Suisse – Analyse systémique et prospective des apports et limites du cadre juridique. Cette thèse, à cheval entre les politiques publiques et le droit, sera soutenue le 4 mai 2022, à l’École de droit à Lausanne, de la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique de l’Université de Lausanne.
Mme Brunner présentera les enjeux de sa thèse et ses conclusions. Elle pourra également partager les particularités de son travail, fruit de réflexions interdisciplinaires au sein d’un projet (LACE – Laboratory for Applied Circular Economy) soutenu par le Fonds national dans le cadre du Programme national de recherche PNR 73 - Sustainable Economy. Le but du projet, qui vient de s’achever, était de démontrer dans quelles conditions économiques, juridiques, politiques, écologiques et techniques une économie durable peut prendre forme avec le concept d'une économie circulaire écologiquement bénéfique et économiquement rentable.
14h00 Fin panel 1
Thierry Largey et Valérie Dupont : La concrétisation des objectifs orientés vers les limites planétaires, une théorie juridique et politique des principes et instruments d’allocation des quotas environnementaux – application aux changements climatiques
En application d’une vision du développement durable, il est de plus en plus admis que le développement socio-économique doit respecter les limites imposées par le fonctionnement de la biosphère afin d’éviter des changements irréversibles et d’assurer la résilience et l’intégrité de notre planète. Cette vision du développement durable justifie d’utiliser le concept de limites planétaires pour fixer des limites à l’action humaine et éventuellement réajuster les objectifs environnementaux et les quotas environnementaux globaux. Cela étant, les limites planétaires ont été conçues comme une mesure de l'ampleur et de l'urgence de la situation, et non comme un guide pour résoudre l’urgence en question. Elles ne sont ainsi pas faciles à appliquer à des actions personnelles ou à des politiques mesurables et évolutives. De plus, l’adaptation de ces limites mondiales aux frontières étatiques impliquent nécessairement des choix normatifs permettant de concrétiser à l’échelle locale et individuelle l’objectif global. Au-delà des raisonnements purement scientifiques, le droit ne peut faire abstraction des enjeux redistributifs que suscitent l’allocation des quotas globaux en quotas nationaux et individuels. Dans ce contexte, nous nous proposons de repenser les principes juridiques d’allocation des quotas de CO2 à l’aune du concept de limites planétaires et des enjeux redistributifs. En premier lieu est examinée l’allocation des quotas nationaux, au travers des principes issus du droit international public (équité, responsabilité commune mais différenciée, répartition de l’effort…). En second lieu, l’analyse porte sur les principes d’allocation des quotas sectoriels et individuels (équité, causalité, efficacité…). L’étude examine les principes juridiques qui en dictent la mise en œuvre – en droit positif, mais également en droit désirable.
14h30-17h00 Panel 2 : Vulnérabilité et durabilité
Nathalie Hervé-Fournereau : Réinterroger la durabilité à l’aune des vulnérabilités en droit de l’Union européenne : l’urgence de nouvelles solidarités juridiques avec le vivant
Ne pas nuire et ne laisser personne de côté : simples slogans ou réelles fondations d’un changement radical de paradigme ? Face à l’amplification et l’aggravation des vulnérabilités écologiques et sociales, le Pacte vert de l’Europe dessine-t-il un modèle écosystémique de développement ? Ce nouvel engagement européen laisse entrevoir un changement de perspective en insistant sur la nécessité d’assurer une transition écologique juste. L’ambition européenne d’une « société durable juste et inclusive fondée sur la solidarité » invite justement à apprécier si cette dynamique réinterroge réellement la durabilité à l’aune des vulnérabilités et pose les jalons de nouvelles solidarités juridiques avec le vivant.
Adélie Pomade : Formuler des scénarios en droit, pour mieux répondre aux enjeux de durabilité à venir ?
La question de la temporalité de la norme juridique pose la question de l'adéquation du droit à l'évolution des socio-écosystèmes et des trajectoires de gestion adoptées par les décideurs. Dans ce cadre tourné vers le futur, la norme juridique doit trouver sa place pour réguler, orienter, soutenir et accompagner les pratiques et comportements des acteurs de terrain visant la durabilité des territoires. Peut-on alors envisager de conjuguer la technique juridique au futur en proposant la formulation de scénarios juridiques qui proposeraient des alternatives applicables en fonction des évolutions sociétales locales ?
La contribution portera sur une réflexion en théorie du droit sur l'approche par scénario, en articulant cette approche avec les enjeux et impératifs de durabilité des territoires.
Evelyne Schmid : Repenser la responsabilité internationale de l’État pour les omissions des législateurs nationaux dans l’Anthropocène
Le droit international contemporain des droits humains oblige les États à légiférer pour protéger les personnes vulnérables au changement climatique. Lorsque les États ne le font pas, leurs omissions peuvent engager leur responsabilité internationale, quelles que soient les difficultés internes à adopter une législation adéquate. Cependant, les législateurs de plusieurs États n’ont pas fait d’excès de zèle et peu d’États disposent de législations suffisamment ambitieuses. Dans ma contribution, je démontrerai que la responsabilité internationale des États pour les omissions des législateurs nationaux est relativement bien établie en droit international et qu’elle mérite un regard nouveau. Depuis les premiers efforts de codification des articles sur la responsabilité des États pour fait internationalement illicite par la Commission de droit international, les normes primaires dans le domaine des droits humains ont considérablement évolué. Pourtant, les juristes n’ont pas encore exploré de manière systématique la façon dont le droit de la responsabilité internationale de l’État aborde les omissions législatives de mise en œuvre des obligations positives en matière de droits humains. J’étudierai les conditions d’une telle responsabilité en combinant la doctrine des omissions dans le droit de la responsabilité de l’État d’une part et la littérature et la jurisprudence sur les obligations positives dans le domaine des droits humains d’autre part.
Pour clarifier les conditions d’un manquement aux obligations législatives, je propose que les normes préventives de protection doivent être repensées en deux sous-catégories, les obligations ponctuelles d’intervention d’une part et celles visant à limiter et à prévenir les dommages sur une plus grande échelle d’autre part. À la fin de ma contribution, je conclurai par des réflexions avec trois points sur le potentiel juridique et extra-juridique mais aussi les limites des stratégies visant à établir une responsabilité internationale de l’État pour les omissions législatives en matière de droits humains : i) la structure juridictionnelle de la protection, ii) les effets distributifs de la responsabilité pour les omissions législatives et iii) les conséquences sur l’évaluation de la causalité.
Sabine Lavorel : (Re)Penser la « justice climatique » : la lutte contre le changement climatique doit-elle passer par le juge ?
Ces dernières années ont été marquées par une judiciarisation de la lutte contre le réchauffement planétaire : face à l’insuffisance des politiques climatiques engagées par les États ou des efforts de décarbonation entrepris par les entreprises, le recours au juge apparaît désormais – à tort ou à raison – comme une stratégie porteuse pour inciter les autorités à agir.
Ce recours croissant au juge invite à réfléchir à ce « contentieux climatique » qui se construit sous nos yeux, et qui n’est que l’une des manifestations de ce que la doctrine juridique nomme la « justice climatique ». Ce concept, théorisé depuis le début des années 2000, permet en effet de recentrer les préoccupations liées au changement climatique sur les personnes et les populations les plus vulnérables. En faisant appel au juge, ces personnes dépassent leur statut de victimes et deviennent de véritables acteurs de la lutte contre le réchauffement climatique.
Si ces stratégies contentieuses ont pu, depuis 2015, conduire certains juges à reconnaître la « responsabilité climatique » des autorités publiques ou des entreprises émettrices, et à les enjoindre d’agir plus rapidement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ces décisions demeurent toutefois minoritaires. Dès lors, au-delà de l’analyse de certaines de ces affaires, l’intervention proposée aura précisément pour objectifs de présenter les avancées, mais aussi les limites de ces stratégies : le recours au tribunal est-il un moyen véritablement efficace de faire avancer la lutte contre le réchauffement climatique ?