Dans le cadre des séminaires de recherche du laboratoire, le THEMA a le plaisir d'accueillir Romain Huët, Maître de conférences, de l'Université de Rennes.
Romain Huët est l’auteur de nombreux livres et publications qui couvrent un large éventail de terrains empiriques et de questionnements théoriques, notamment La fabrique de l’éthique et la responsabilité sociale des entreprises, CNRS Editions, 2012, Le vertige de l’émeute. De la Zad aux gilets jaunes, PUF, 2019, et De si violentes fatigues. Les devenirs politiques de l'épuisement quotidien, PUF, 2021. Il a sorti, en février dernier, La guerre en tête. Sur le front, de la Syrie à l’Ukraine, Puf, 2024.
Couvrant plusieurs terrains ethnographiques, les recherches de Romain Huët portent sur le rapport entre souffrance et luttes sociales. Comme il le montre dans ses travaux, un des ressorts principaux des luttes sociales est le caractère injustifié, douloureux voire intolérable de l’existence. A partir d’un travail empirique sur l’énonciation de la souffrance ordinaire au sein de dispositifs technologiques d’écoute (S.O.S Amitié, S.O.S Suicide), ainsi que d’une ethnographie des lieux de contestation (Syrie, Ukraine), il déploie ainsi les différentes manières dont l’espace moral et potentiellement politique de l’intolérable se constitue, discursivement, émotionnellement et corporellement. Cette dimension corporelle de l’expérience est au cœur de son ethnographie phénoménologique des situations de guerre.
Témoin embarqué au cœur de deux guerres de notre temps, il propose une réflexion inédite sur la façon dont elles transforment celles et ceux qui la vivent, et sur ce que ces enfermements dans la violence disent des troubles de notre époque tout comme de la difficulté de vivre la paix. Grâce à une immersion dans des groupes de combattants ou de volontaires en Syrie (2012-2018) et en Ukraine (2022-2023), il cherche à comprendre comment un individu ordinaire, c’est-à-dire non préparé à la guerre, accepte de tuer et de mourir pour des raisons politiques. En approchant la vie quotidienne de ces engagés volontaires, leur vécu intime, leurs passions, leurs déterminations, leurs tiraillements et parfois leurs hésitations ou leurs renoncements, il décrit la guerre à hauteur d’hommes, au milieu des explosions et de leur cortège de destructions, plongé dans le tunnel noir de la violence et d’une réalité à chaque instant mouvante. Partout, il relève cette constante : la guerre ne fait pas que traumatiser les hommes, elle commence par les enchanter, par captiver leurs sens et gonfler leurs espoirs, avant de les lasser puis de les enfermer dans un monde clos, rempli de désespoir et de haine.