Le legs marxien. Séminaire avec et autour de Dick Howard

Parmi les nombreuses recherches de Dick Howard, plusieurs questionnements se dégagent dans le domaine de la philosophie politique et de l’histoire de la pensée politique. On peut en mentionner trois. Son ouvrage The Marxian Legacy (1977) signait tout d’abord une intervention majeure dans la gauche américaine de l’époque – la New Left –, par son insistance sur l’importance – et simultanément le déficit – de la question démocratique chez Marx et dans la tradition marxienne. En revenant sur les pensées marxiennes en Allemagne (École de Francfort, Bloch, etc.) et en France (Merleau-Ponty, Lefort, Castoriadis), Dick Howard abordait la question de la démocratie comme la question clé du marxisme, et comme le point critique de toute une tradition de lecture de ce dernier.  Que reste-t-il de ce legs marxien, et comment le revisiter? Quelle est son actualité? N’est-il pas négligé à l’heure actuelle, alors qu’il demeure plus que jamais le socle d’une critique fondamentale? 

Dans le prolongement de ses travaux sur le legs marxien, Dick Howard se penche sur la relation entre la philosophie et la politique, à travers une réinterprétation de Kant, Hegel et Marx. Dans le rapport entre Kant et Marx, il relit le second à travers le premier (De Marx à Kant, PUF, 1985), et développe une conception (kantienne) de la théorie marxiste, comme «critique» consciente de ses origines et de ses limites, ainsi que de son enracinement historique. Sur la base d'une lecture rétrospective de la théorie du jugement réflexif de Kant, il repense les conditions d’une politique démocratique dans les sociétés modernes. Son ouvrage intitulé Critique du jugement politique (Cerf, 1998) cherche également à dégager les conditions d’une politique démocratique – elles reposent sur la rupture avec une «politique de la volonté» au profit d’une «politique du jugement» passant la chose politique au crible de la critique publique.

Un autre axe majeur de ses travaux porte sur la question de la révolution et sur l’histoire de la pensée politique américaine, en particulier les retombées de la Révolution de 1776. La Révolution américaine est mise en miroir avec la Révolution française, en dégageant leurs différences et leurs similitudes – cf. Naissance de la pensée politique américaine, 1763-1788 (Ramsay, 1987) et Aux origines de la pensée politique américaine: essai (Buchet Chastel, 2004).

Sous le coup de l’élection de Trump en 2016 et de la montée de l’extrême droite, il se penche sur les «ombres de l’Amérique» en investiguant les ambivalences de l’héritage politique américain (Les Ombres de l'Amérique. De Kennedy à Trump, François Bourin, 2018), sans épargner les années Obama. Il revisite ce faisant les enjeux de l’«antipolitique» à travers une relecture des théories du totalitarisme, qui en est l’expression radicale, mais dont les mouvements d’extrême droite actuels en sont aussi des expressions. 

Quiconque tente de penser le rapport de l’héritage marxien à la démocratie, mais aussi de penser les insuffisances et les incohérences de la démocratie libérale, trouvera dans ses travaux une mine de concepts et d’idées, mais aussi de lectures et d’auteur·es, précieuse pour penser les enjeux du contemporain.

Ce séminaire sera précédé d'une conférence, «La république en danger? Trump contre l’histoire», donnée par Dick Howard le mercredi 4 décembre à 18h00 (Géopolis 2227).

Ces événements sont co-organisés par Olivier Voirol (LACCUS, Groupe de recherche en théorie critique) et Antoine Chollet (Centre Walras-Pareto).