Dans le cadre des séminaires de recherche du laboratoire, le Laboratoire d'anthropologie culturelle et sociale (LACS) a le plaisir d'accueillir André Chapatte de l'Université de Genève.
Résumé de la présentation par André Chapatte:
"En 2021, quand j’ai annoncé à un collègue de l’Université Julius Nyerere de Kankan (capitale de la Haute-Guinée) que je comptais ouvrir un nouveau terrain de recherche sur l’association Ansar Dine dans la Région de Kankan, zone mandinguophone de la République de Guinée, ce dernier a répondu avec étonnement : ‘Ansar Dine, comment déjà ?’. Ce collègue guinéen ne connaissait que le groupe terroriste du même nom, apparu au Mali en 2012 et dissous par fusion en 2017. A Kankan, lors de ma première visite au siège de l’association Ansar Dine National de Guinée (ADNG), branche de la Fédération Ansar Dine Internationale (FADI), j’ai été surpris qu’aucun panneau indiquait sa présence. Pourtant les branches de la FADI sont populaires dans les pays voisins. Chérif Ousmane Madani Haïdara, prêcheur malien de renom, a créé Ansar Dine (AD) dans les années 1980 à Bamako. En 30 ans cette dernière est devenue une organisation musulmane de masse, la FADI, présente dans tous les pays de l’Afrique de l’Ouest.
En Haute-Guinée, ADNG, une des premières créations associatives d’une branche d’AD hors du Mali, est sur la défensive. Dans toutes les zones mandinguophones de l’Afrique de l’Ouest, langues des prêches de Haidara, les structures associatives de l’association-mère Ansar Dine sont bien implantées, des villes jusqu’aux villages, sauf en Haute Guinée. Par exemple, la ville de Kaye au Mali regroupe plus de 1000 ‘Ansars’ (membres d’Ansar Dine), tandis que dans toute la Guinée les Ansars ne dépassent pas le nombre de 400. Comment se fait-il qu’ADNG n’a pas encore pu obtenir son ‘agrément national’ auprès du Ministère des Affaires Religieuses de la Guinée ? AD, toute puissante au Mali voisin, n’est même pas reconnue comme une association légitime en Guinée. Membres d’un simple réseau de musulmans, les prêcheurs d’ADNG ne peuvent opérer dans l’espace publique sans systématiquement demander une ‘autorisation de prêcher’ auprès des autorités religieuses concernées. Basé sur un terrain effectué « tel un détective », j’explore dans cette intervention comment une régulation étatique étroite, un nationalisme religieux local, et des rivalités personnelles ont jusqu’à présent empêché l’implantation de la toute puissante Ansar Dine en en Haute-Guinée."