Discussion avec Bernard Friot autour de la théorie de la valeur dans le cadre du séminaire inter-labos « valeur, valuation, valorisation » (UNIL-EPFL)

15h-17h

Université de Lausanne – Géopolis 5799

Discussion autour de la théorie de la valeur dans l’œuvre de Bernard Friot, avec Bernard Friot dans le cadre du séminaire inter-labos « valeur, valuation, valorisation » (UNIL-EPFL)

Bernard Friot est sociologue et économiste, professeur émérite à l’Université Paris-Nanterre. Il est fondateur de l’Institut Européen du Salariat et animateur de l’association d’éducation populaire « Réseau salariat ». Depuis plus de 20 ans, sa relecture radicale de la protection sociale et de son histoire renouvelle en profondeur nos conceptions du salaire, de la valeur, du travail, du capitalisme et des voies de l’émancipation.

A 20h, Bernard Friot donnera également une conférence publique à La Datcha (café culturel, Lausanne), organisée par le Groupe Regards Critiques et le Réseau Salariat de Suisse Romande.

Séminaire inter-labos Valeur(s), valuation, valorisation

La question de la valeur fait l’objet actuellement d’un intérêt accru de la part de la sociologie. Ainsi, la recherche actuelle s’intéresse-t-elle aux différentes formes d’évaluation et de « valuation », à la formation des prix, à la pluralité des « grandeurs », aux modalités effectives de l’appréciation et du jugement, etc. Ces investigations s’inscrivent dans le cadre d’une mutation des modalités de définition de « ce qui vaut » dans toute une série de domaines (travail, santé, art, économie, etc.), mais aussi dans celui d’une incertitude grandissante sur ce à quoi il convient de conférer de la valeur (éducation, nature, santé, amour, capital).

Sur le plan économique, on assiste à une reconfiguration des ordres de la valeur en dehors de ses standards classiques (valeur-travail). Sous le coup d’une production « post-industrielle » associée à des formes atypiques d’organisation du travail en rupture avec le salariat, d’une montée des biens « enrichis » sans liens avec leur coût de production, mais aussi de la multiplication de marchandises virtuelles et de biens numériques dont le coût de circulation est quasi nul, le contexte industriel et organisationnel dans lequel les questions de la valeur se posent actuellement semble profondément renouvelé. A ces questions relatives à la valeur-travail s’ajoute la prolifération de dispositifs d’évaluation au sein de sphères d’activités diverses (travail, école, santé, etc.) et la multiplication d’équipements et de formats comptables participant à l’actuelle hégémonie du gouvernement par l’évaluation des personnes et des choses. Ces phénomènes s’opèrent incontestablement dans le cadre d’une emprise accrue des modes de valorisation capitalistes sur tous les domaines de l’activité sociale.

Si la question de la valeur fut longtemps le cheval de bataille de la sociologie, d’autres disciplines en ont également fait une préoccupation centrale, comme l’économie politique, l’esthétique, la théorie morale, la psychologie morale, soit autant de domaines avec lesquels un questionnement sur la valeur mérite d’être mené. Différentes perspectives théoriques se sont en outre penchées sur cette question, du marxisme avec sa « critique de la valeur », au pragmatisme centré sur la question des valuations, en passant par les sociologies de l’appréciation ou de la « valeur symbolique ». Le renouveau de l’économie politique et l’essor récent des valuation studies, à la croisée de la socio-économie et de la sociologie culturelle, incitent à mettre en discussion les cadres théoriques permettant de repenser la production, la circulation ainsi que l’appropriation de la valeur économique. Une discussion de ces approches et de ces questions, échappant à la fois de l’objectivisme de l’économie politique et du subjectivisme des théories « néolibérales », permet d’explorer sous un jour nouveau un cadre de questionnements ancien.

Enfin, last but not least, les déplacements récents des questions de la valeur incitent à penser d’autres voies que celles des « tyrannies de la valeur », et d’autres domaines de valuation échappant à la valorisation capitaliste.