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Les fins intermédiaires dans les fictions narratives des XVIIe et XVIIIe siècles

Avec Jean-Paul Sermain. Organisation : Marc Escola, Nathalie Kremer, François Rosset

Published on 11 Jul 2018
Place
Unithèque, 511
Format
On site

Programme

Jeudi 8 novembre 2018

14h45 : Suite du 1er volet

Ouverture du colloque par les organisateurs & mot d’introduction par Jean-Paul Sermain

Préparer la fin : dénouements et inachèvements

  • 15h20 : Adrienne Petit : Romans sans fin(s) : pratiques et effets de l’inachèvement à l’âge baroque
  • 15h40 : Christophe Martin : Dénouement et “fins intermédiaires” dans les Lettres persanes, Les Égarements du cœur et de l’esprit, et Julie ou La Nouvelle Héloïse
  • 16h-16h30 : Discussion

Attendre la mort : récit-cadre et fins englobées

  • 16h30 : Nathalie Kremer : Différer la fin. Stratégies de durée narrative dans Les Mille et une Nuits
  • 16h50 : Justine de Reyniès : Narrer dans une ‘horrible attente’ : Vathek et ses épisodes
  • 17h10-18h : Discussion

 

Vendredi 9 novembre

Prolongations narratives

  • 9h : Joëlle Gleize : Comment ne pas finir ? Balzac et les fins intermédiaires
  • 9h20 : Marc Hersant : Les fins intermédiaires dans les récits à épisodes des Mémoires de Saint-Simon
  • 9h40-10h30 : Discussion et pause

Récits transitionnels

  • 10h30 Hélène Merlin-Kajman : La Mariane interrompue de Scarron
  • 10h50 Catherine Ramond : Fins intermédiaires : quelques cas de récits insérés dans les romans épistolaires au XVIIIe siècle
  • 11h10-11h30 : Discussion

Romans et réécritures

  • 11h30 : Jan Herman : Don Quichotte, un discours ‘commencé tant de fois et interrompu toujours’
  • 11h50 : Jacques Berchtold : Goethe et les Mille et une Nuits
  • 12h10-12h30 : Discussion finale

 

Résumés des communications (par ordre alphabétique)

Jacques Berchtold (Fondation Bodmer – Sorbonne Université) :

Goethe et les Mille et une Nuits

Ugo Dionne (Université de Montréal) : absent au colloque

Temps et tension : les fins de livraisons romanesques périodiques, de l’Ancien Régime au roman-feuilleton

Les fins de livraisons de romans différés – « tomes » baroques, « parties » du XVIIIe siècle, feuilletons ou fascicules du XIXe – présentent un fonctionnement particulier : plus marquées que les fins d’unités internes, elles sont forcément moins définitives que les conclusions d’ouvrages ; en plus de fournir une clôture satisfaisante à la livraison elle-même, elles doivent garder le récit sous tension pour une période plus ou moins étendue (et potentiellement infinie). En abordant un corpus choisi d’ouvrages de l’Ancien Régime et du premier XIXe siècle – selon une approche transhistorique chère à J.-P. Sermain –, on tentera d’identifier certaines caractéristiques de la fin d’unité périodique. On s’attachera notamment aux différences qui peuvent être observées entre la clôture de la livraison et la fin des chapitres qu’elle contient ; on réfléchira aussi au rôle qu’ont pu jouer les fins de parties du XVIIIe siècle dans le développement d’une esthétique de la chute, reprise et radicalisée par les feuilletonistes de la Monarchie de Juillet.

Joëlle Gleize (Professeur émérite à l’Université d’Aix-Marseille) :

Comment ne pas finir ? Balzac et les fins intermédiaires

À partir d’un corpus composé des « romans de romans » balzaciens que sont – à des titres différents - Illusions perdues, Les Rivalités, Les Célibataires ou Splendeurs et misères des courtisanes entre autres, je m’interrogerai sur un des modes de composition et d’écriture les plus étonnants de Balzac : le déplacement permanent des frontières du texte qu’il opère au gré des réécritures et des rééditions, son effet sur la dynamique narrative, sur la réception et l’interprétation sont essentiels à la « pensée-roman » de Balzac.

Jan Herman (Université de Louvain – KU Leuven) :

Don Quichotte, un discours ‘commencé tant de fois et interrompu toujours’

Comme le montre au début du XVIIe siècle le premier Don Quichotte, un manuscrit peut en cacher un autre. Quand le récit doit s’arrêter parce que le manuscrit transcrit par le ‘second narrateur’ s’interrompt, il est toujours possible qu’on en découvre un autre qui continue l’histoire ou l’oriente dans un autre sens. Même si l’auteur laisse mourir son héros, un autre auteur peut en reprendre l’histoire en se réclamant d’un manuscrit nouvellement découvert. C’est ce que font Filleau de Saint-Martin dans la Suite du Don Quichotte et Robert Challe dans la Continuation de cette Suite.

La mimesis textuelle est une des réponses que le roman prémoderne a inventé à la question des ‘fins intermédiaires’. La série des Amadis en fournit un exemple plus spectaculaire encore que l’œuvre de Cervantès. Nous y ferons allusion en passant.

Marc Hersant (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3) :

Les fins intermédiaires dans les récits à épisodes des Mémoires de Saint-Simon

Dans l’œuvre de Saint-Simon de nombreux fils narratifs sont interrompus pour respecter les unités temporelles de référence de la chronique (le plus souvent une année, parfois moins). C’est donc des dizaines ou des centaines de pages plus loin que ces récits reprennent, et pourtant à chaque fois le mémorialiste tente de trouver un principe d’unité pour l’épisode qu’il relate et de le conduire vers une « fin provisoire ». Au fil de l’œuvre, il renonce presque entièrement à ce dispositif et préfère des récits continus qui dépassent largement le cadre annuel de la chronique. La présence ou l’absence de « fins intermédiaires » dans les Mémoires est donc révélatrice de la tension entre continuité narrative et morcellement référentiel, et de l’instabilité d’un texte qui hésite entre une cohérence narrative globale et la juxtaposition sérielle d’une (quasi) infinité de récits.

Nathalie Kremer (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3) :

Différer la fin. Stratégies de durée narrative dans Les Mille et une Nuits

Si la fin peut être définie comme « la limite d’une durée » (TLF), comment le récit se développe-t-il en tant que durée à l’intérieur de cette limite ? Et comment cette limite elle-même apparaît-elle au sein de la durée, pour autant que celle-ci ne se définisse pas comme abolition sans cesse rejouée de la limite ? Je propose d’étudier cette question de la fin et de la durée dans Les Mille et une Nuits, où la mort de Schéhérazade est inscrite au début du récit comme la fin de l’histoire, mais où l’histoire parvient à faire déjouer cette fin en la différant sans cesse par la narration. La narration des Mille et une Nuits en effet persiste à « faire durer » une histoire en évitant soigneusement de l’amener à sa fin. J’entends ici le terme de « durée » en trois sens différents : celui de continuer (en amplifiant l’histoire), celui de retarder, différer la fin (en déviant vers des histoires secondaires, qui deviennent principales), enfin celui de « gagner du temps » (en interrompant le cours nécessaire des choses par l’interposition d’une autre histoire qui « coupe » la trame existante).

Christophe Martin (Sorbonne Université) :

Dénouement et “fins intermédiaires” dans les Lettres persanes, Les Égarements du cœur et de l’esprit, et  Julie ou La Nouvelle Héloïse

Dans les Lettres persanes, Les Égarements du cœur et de l’esprit et La Nouvelle Héloïse, une péripétie finale, en forme de coup de théâtre, provoque le dénouement, dans les termes de l’époque : amené ou annoncé, complet, vraisemblable. Ce dénouement implique, selon des modalités diverses, de relire l’ensemble comme des anticipations de la fin. On se propose donc de discerner au fil de ces trois œuvres la présence et la fonction de « fins intermédiaires » amenant ou annonçant (ironiquement ou non) le dénouement.

Hélène Merlin Kajman (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3) :

La Mariane interrompue de Scarron

Adrienne Petit (Université de Lausanne) :

Romans sans fin(s) : pratiques et effets de l’inachèvement à l’âge baroque

Alors que le roman d’amour, genre de divertissement à la mode, adopte une forme sérielle, un certain nombre de textes demeurent inachevés à l’âge baroque. Nous nous intéresserons à ses romans sans fin(s), dont Urfé et Gomberville ont laissé de célèbres exemples, pour étudier les pratiques et effets de l’interruption d’œuvres en cours. Quelles logiques éditoriales, auctoriales et génériques président à la publication d’œuvres en plusieurs volumes ? Comment se manifeste l’inachèvement d’une œuvre ? Quels effets cet inachèvement, qui transforme une fin intermédiaire en fin à part entière, produit-il, volontairement ou non, immédiatement ou rétrospectivement ?

Catherine Ramond (Université Bordeaux Montaigne) :

Fins intermédiaires : quelques cas de récits insérés dans les romans épistolaires au XVIIIe siècle

Ma perspective se situe dans la continuité du colloque La partie et le tout, co-organisé par Jean-Paul Sermain. Il me semble en effet que la question des fins intermédiaires est liée à celle de la composition romanesque. Celle des romans épistolaires polyphoniques pose la question de leur fin, réservée à une seule voix. Il s’y ajoute, pour un certain nombre d’entre eux, « les fins intermédiaires » éventuelles proposées par des récits insérés dans l’échange des lettres : quel est le statut de leur fin par rapport à celle du roman vu dans sa totalité ? Je me propose d’étudier quelques cas de romans épistolaires polyphoniques présentant des récits insérés et donc des « fins intermédiaires ».

Justine de Reyniès (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3) :

Narrer dans une « horrible attente » : Vathek et ses épisodes

Toutes les versions de Vathek que Beckford a fait paraître de son vivant ne forment, on le sait, qu’une version tronquée de l’œuvre initialement projetée par l’auteur. Dans une chambre du palais d’Eblis où il parvient au terme de sa quête démoniaque, Vathek rencontre cinq inconnus qui, comme lui, viennent de découvrir que, sous ce nom de lieu associé à la promesse de pouvoirs et de richesses inouïs, se cachent en réalité les Enfers. Prenant place parmi ce petit groupe, il écoute alors les damnés conter tour à tour leurs aventures : leur narration devait constituer les épisodes de Vathek, rédigés par l’auteur en vue de leur incorporation au récit principal. Il est aujourd’hui possible de se faire une idée de cet ensemble narratif grâce aux éditions critiques proposées respectivement par Kenneth Graham (2003) et Didier Girard (2003), qui se sont penchés sur les manuscrits des épisodes conservés à Oxford.   

L’insertion des épisodes diffère la clôture de l’histoire de Vathek, qui se trouve ainsi relancée au seuil de sa conclusion. Le dispositif de l’emboîtement génère ici ce qu’on peut considérer comme des fins intermédiaires dans la mesure où l’enchâssement des histoires secondaires permet de résoudre une énigme du récit-cadre : la révélation par chacun des devisants de l’enchaînement des faits qui l’a conduit au « palais du feu souterrain » lève le voile sur le mystère de sa présence en ces lieux et comble l’attente produite par le surgissement de six nouveaux personnages au terme de l’histoire principale. Dans les contes des Mille et une nuits dont s’inspire ce schéma (L’histoire de trois calenders et de cinq dames de Bagdad, par exemple), la relation de ces intrigues secondaires revêt généralement une fonction dramatique : le récit polyphonique de la genèse de la petite société représentée dans la scène-cadre constitue une étape vers un dénouement général. On ne saurait en dire autant de Vathek : les personnages du récit-cadre retracent leurs aventures dans le bref intervalle qui sépare la sentence prononcée contre eux et l’exécution de leur châtiment ; dans cette « horrible attente », « se retracer [leurs] crimes, quoiqu’il ne soit plus temps de s’en repentir, est la seule occupation qui conviennent à des malheureux comme [eux] ». On peut alors se demander ce qu’ajoutent les épisodes à l’économie globale de l’oeuvre, à ses effets et à sa compréhension d’ensemble.    

Cette fin programmée par une situation d’énonciation déclinant le modèle du salon sur un mode macabre confère d’ailleurs leur cohérence aux épisodes. Placé au seuil de sa damnation éternelle, le devisant, qui s’est vu révéler le sens ultime de sa tragique destinée, est amené à interpréter les faits en même temps qu’il les relate. Le point de vue du repenti oriente la lecture des faits et de leur enchaînement selon le schéma de l’endurcissement moral ; la certitude du châtiment conduit à anticiper les bilans en les dispersant tout au long du récit. La question qui se pose est alors celle du conflit existant entre cette lecture rétrospective, « fermée » et conforme aux normes morales, et les leçons implicites du texte. 


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