L'orgasme est, a priori, un processus physiologique et son étude devrait donc, en principe, être réservée au champ de la biologie et de la médecine. À première vue, « faire l'histoire » de l'orgasme paraît un non-sens : les historiens ne peuvent pas plus s'emparer de ce processus biologique, qu'écrire l'histoire du réflexe myotatique ou du métabolisme cellulaire. Mais il s'avère que ces « en principe » et « a priori » ne résistent pas à l'examen. Les biologistes et les médecins n'ont en effet jamais réussi à traiter l'orgasme comme un mécanisme physiologique comme un autre. L'orgasme a ainsi été considéré tour à tour comme un objet scientifique illégitime, voire comme un objet inexistant—en particulier pour les femmes chez qui l'orgasme a pu être décrit comme une « illusion », n'ayant aucun fondement biologique « réel ». Sa prise en compte—ou pas—dans le champ de la science a donc été lourdement dépendante de l'évolution des contextes sociaux, politiques et culturels. Cette communication présentera les formes de ce façonnage de l'objet-orgasme dans l'histoire occidentale. Ce faisant, elle interrogera également les biais épistémiques et méthodologiques qui continuent aujourd'hui de peser sur les recherches qui s'effectuent sur le sujet. Aude Fauvel est historienne, Maître d'enseignement et de recherche à l'Institut des humanités en médecine (CHUV-UNIL). Spécialiste de l'histoire de la psychiatrie, elle a notamment beaucoup travaillé sur la question des premiers mouvements de patients au 19e siècle, des contestations antipsychiatriques et des formes de psychiatrie dites "alternatives". Plus récemment, elle s'est également intéressée à l'histoire du crime et des problématiques de genre en médecine.