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Ateliers Société Recherche

LES OBSTACLES À L’ETHNOGRAPHIE Comment être ethnographe aujourd’hui?

4ème édition des Ateliers Lausannois d'Ethnographie

Published on 14 May 2019
Place
Amphipôle, 315
Format
On site

Cette quatrième édition des ALE invite à réfléchir, à partir de terrains en cours et dans le cadre de disciplines variées, aux obstacles contemporains à la démarche ethnographique. Penser les obstacles à l’ethnographie, c’est questionner les conditions de son exercice, qu’elles soient sociales, politiques ou économiques, dans un contexte académique et public toujours plus régulé. C’est aussi envisager la dimension épistémologique de ces obstacles et s’interroger aussi bien sur les usages de cette démarche d’enquête que sur les grilles théoriques qu’elle mobilise.
La déontologie de l’enquêteur ou de l’enquêtrice, le cadre éthique d’une ethnographie en amont du travail de terrain, tout comme le respect de l’intégrité des enquêté·e·s – du travail d’écriture à la restitution des résultats d’enquête  –  sont  autant  de  questions  clés  qui  participent  d’un  travail  réflexif  essentiel  au  déroulement  d’une
recherche, et que nous souhaitons questionner à l’aide d’exemples empiriques.

La prise en charge institutionnelle de cette tension entre nécessité de l’enquête et respect des enquêté·e·s, s’est principalement cristallisée dans des questionnements relatifs au statut de l’anonymat des enquêté·e·s et de la  confidentialité des  matériaux  recueillis.  Cette  réflexion propre  au  travail  de recherche  s’est traduite par  une incitation croissante à élaborer des chartes éthiques ou des plans de gestion des données, conditionnant de plus en plus le financement des recherches en particulier au niveau européen. Dans la même perspective, les comités d’éthique,  composés  de  représentant·e·s  de  différentes  disciplines  scientifiques,  au  sein  des  organismes  de recherche  et  à  l’université,  jouent  un  rôle  accru  pour  définir  et  sélectionner  les  objets,  thèmes  et  terrains  de recherche. L'existence d’un filtre éthique en amont de l’ouverture d’une recherche n’est pas exempt de contraintes. Elle apparaît en effet susceptible de restreindre le spectre des recherches de terrain jugées les plus sensibles ou controversées, mais aussi d’exercer un effet de dissuasion sur des chercheur·e·s préoccupé·e·s par la faisabilité d’une enquête, et souvent confronté·e·s à des contraintes pratiques et temporelles importantes, notamment au
niveau post-doctoral.

Plus simplement la diversité des disciplines représentées dans ces comités d’éthique peut faire craindre aux chercheur·e·s en sciences sociales mobilisant la méthode ethnographique que, par méconnaissance, ces comités ignorent la spécificité de leur travail et rendent alors impossible toute enquête. Par exemple, l’exigence de faire signer des formulaires de consentement ou de fournir une liste des personnes enquêtées avant que l’enquête ne commence à se heurter à la réalité de la temporalité de l’approche ethnographique. De même, l’implication totale de l’enquêteur ou de l’enquêtrice auprès des enquêté·e·s - qui peut parfois aller jusqu’à se positionner en faveur de tel ou tel mouvement politique, objet par ailleurs d’enquête - est susceptible de réactiver les interrogations
quant à la nécessité de faire un découpage de la réalité sociale entre le légitimement et l’illégitimement scientifique.

Enfin,  la  tradition  de  l’ethnographie  au  long  cours  est  susceptible  de  rentrer  en  tension  avec  certaines incitations à publier très régulièrement, situées au cœur de l’évaluation contemporaine de la recherche et des universités.
A ces contraintes internes au travail de recherche se conjuguent des contraintes externes, à savoir les résistances au travail ethnographique posées par des organisations ou des individus souhaitant exercer un contrôle continu sur le déroulé du projet, ou rétifs à toute forme d’investigation. La judiciarisation du mécontentement des enquêté·e·s  conduit  les  chercheur·e·s  adeptes  de  la  méthode  ethnographique  à  anticiper  les  moyens  de  se défendre face à certain·e·s enquêté·e·s, en particulier ceux et celles détenant des capitaux culturels et symboliques leur permettant de convoquer le droit pour faire valoir leur point de vue. Ce qui relevait d’interactions fâcheuses, signalant la méconnaissance de la démarche ethnographique ou le désaccord envers les résultats de la recherche
de la part d’enquêté·e·s occupant des positions dominantes dans l’espace social, se concrétise désormais par la menace de procès. Ainsi, les chercheur·e·s sont dès lors amené·e·s à interroger, adapter, ou réformer leur façon
d’enquêter, d’écrire et de réfléchir aux formes de diffusion de leurs travaux et d’interventions dans le débat public.

 

Ces formes combinées d’obstacles à la démarche ethnographique posent la question du rapport de force entre les chercheur·e·s, quelle que soit la discipline à laquelle ils et elles se réfèrent, et les individus, organisations qui font l’objet de leurs enquêtes. Cette relation de pouvoir symbolique est matériellement constituée par ce qu’elle induit sur la subvention de la recherche et l’obtention de contrats. Elle se décline aussi sur la définition même des objets  de  recherche  à  présenter  auprès  de  l’institution  académique  avec  quelques  chances  de  succès  d’être financé·e·s.  C’est  donc  la  légitimité  même  de  la  méthode  ethnographique  qui  est  questionnée  dans  cette combinaison d’obstacles qui remettent en cause la capacité des chercheur.e.s à rendre compte de ce que font les individus en tant que sujets uniques et des raisons de leurs actes au sein d’un espace social déterminé.

Aborder la question des obstacles à l’ethnographie, c’est finalement poser des questions sur les liens entre
cette méthode et les appareillages théoriques qu’elle mobilise. La démarche est en effet prise dans les débats épistémologiques qui traversent les sciences sociales, ce qui se traduit par différentes conceptions de ce qu’est l’ethnographie et de ce qu’elle donne à voir. Selon les choix théoriques opérés, les questions d’anonymat, de confidentialité et de réaction des enquêté·e·s ne se posent pas de la même manière et avec la même acuité. On peut  ainsi  se  demander  si  cette  concurrence  définitionnelle  n’est  pas  un  obstacle  à  l’ethnographie,  et  si  les transformations  contemporaines  du  monde  académique  n’encouragent  pas  une  certaine  façon  de  faire  de l’ethnographie  au  détriment  d’autres.  Pour  le  dire  autrement,  une  ethnographie  s’appuyant  sur  une  démarche critique est-elle encore possible ? Comment être ethnographe aujourd'hui ? Dans quelles conditions d’enquêtes, sur  quels  types  d’objets,  sous  quelles  formes  d’écritures ?  Comment  penser  la  formation  des  futur·e·s
ethnographes ?

Les Ateliers Lausannois d’Ethnographie proposent d’explorer l’ethnographie et ses obstacles à partir de
terrains de recherche, selon plusieurs axes :
•    Obstacles bureaucratiques : Les comités d’éthique et les injonctions à la création de chartes éthico- légales sont-elles un frein à l’ethnographie, et si oui, comment s’en accommoder ? De même, comment faire face à l’avènement de normes standardisées du travail universitaire et comment y former les futur·e·s chercheur·e·s ?
•    Obstacles  déontologiques :  Face  à  la  réaction  des  enquêté·e·s  au  regard  de  la  violence  de l’objectivation, ou plus fondamentalement à l’exercice de l’ethnographie, quelles adaptations, postures ou relations peuvent être entretenues ?
•    Obstacles épistémologiques : Dans un contexte marqué par une réglementation accrue et une montée des contentieux, une ethnographie critique ou engagée est-elle encore possible ? Comment défendre et/ou articuler la primauté d’une épistémologie et d’un appareil théorique face à ces nouveaux impératifs
procéduriers ?

Comité d’organisation : Soline Blanchard, Arnaud Frauenfelder, Mélody Pralong, Marie Sautier, Pierre- Emmanuel Sorignet, Armelle Weil
Comité scientifique : Agnès Aubry, Martina Avanza, Sébastien Chauvin, Alexandre Dafflon, Annahita Ehsan, Solène Froidevaux, Morgane Kuehni, Frédérique Leresche, Michaël Meyer, Laurent Paccaud, Marc Perrenoud, Laure Scalambrin, Isabelle Zinn.

Entrée libre sur inscription : ateliers2019@gmail.com


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