Conférence publique de l'Ecole des sciences criminelles
Résumé
Au Québec comme au Canada, la libération conditionnelle fait partie intégrante du paysage pénal. Elle est généralement considérée comme une étape essentielle tant pour la réinsertion sociale des personnes judiciarisées que pour la protection de la société et s’inscrit dans la perspective de favoriser la sortie au bon moment et dans de bonnes conditions d’une personne ayant vécu un temps de désengagement et de rupture sociale. Accessible après 1/3 de la sentence, cet aménagement de peine permet à la personne qui a été incarcérée de bénéficier de mesures d’accompagnement, d’encadrement et de soutien, non seulement pour ne pas récidiver, mais encore et surtout, pour (re)trouver sa place dans la société. L’exécution de la peine s’organise ainsi autour de l’offre de programmes et de services destinés à soutenir le cheminement des condamnés. Les taux d’octroi de cette mesure oscillent entre 40% et 45% que ce soit pour les peines provinciales ou les peines fédérales. Toutefois, année après année, les statistiques montrent que près de la moitié des personnes incarcérées renoncent à solliciter une libération conditionnelle, prolongeant délibérément leur temps de détention jusqu’à leur date de libération d’office. Cherchant à comprendre les fondements de ce phénomène préoccupant, nous avons recueilli les expériences, pratiques et points de vue des différents acteurs et actrices concernés qu’ils et elles soient intervenants, décideurs ou personnes condamnées. Nos analyses montrent que, face à un système rempli de contradictions entre des injonctions de performance individuelle et d’importantes barrières organisationnelles, sociales ou personnelles dans les processus d’accès à cette mesure, nombreuses sont les personnes judiciarisées qui vont exprimer et exercer leur empowerment d’une façon pour le peu inattendue.
Cette réflexion s’appuie sur les données d’une recherche menée dans le cadre du projet ADAJ - accès au droit et à la justice du Centre de recherche en droit public. Équipe : Marion Vacheret, Chloé Leclerc, Marianne Quirouette, Joao Velloso.
À propos de la conférencière
Marion Vacheret est professeure titulaire à l’École de criminologie de l’Université de Montréal et également chercheure au Centre de Recherche en Droit Public et au Centre International de Criminologie Comparée de cette même Université. De juin 2018 à décembre 2024, elle a présidé la Société de criminologie du Québec. Ses travaux de recherche portent notamment sur l’institution carcérale ainsi que sur les politiques et les pratiques pénales canadiennes. Ils interrogent plus particulièrement l’expérience des acteurs dans les organisations juridico-pénales; la prise en charge correctionnelle et communautaire des personnes judiciarisées; le sens de la réinsertion sociale et questionnent les fonctions de la peine.