Conférencière : Frédérique Biville (Professeure émérite à l'Université Lumière - Lyon 2. Philologue, linguiste et historienne de la langue latine)
Comme pour la plupart des savoirs techniques, la science médicale romaine s’est développée dans le sillage des traités de médecine grecque préexistants et des médecins grecs installés à Rome, dans un empire où le grec était « l’autre » langue, de communication et de culture, du monde romain. Ce substrat grec a déterminé l’émergence d’une forme spécifique de traités adaptés ou directement traduits du grec, des traités « sous influence », dans lesquels la langue latine, langue de traduction, de transfert des connaissances, est fortement conditionnée par le grec sous-jacent et métissée de grec. On y trouve de nombreuses références aux textes sources. Les citations explicites sont rarement données directement en langue originale, mais elles mêlent des traits typologiques grecs aux formulations latines (code-switching, code-mixing, calques). On constate surtout un apport massif de mots grecs, qui définissent et structurent le champ du savoir. Pour pouvoir être introduits et intégrés en latin, ces hellénismes doivent être explicités sémantiquement, par des formules autonymiques bilingues, et transcrits ou adaptés, d’un point de vue graphophonétique et morphosyntaxique, aux structures de la langue latine. Devenues incompréhensibles dans la latinité tardive, les différentes formes de grec ont été très malmenées par la tradition manuscrite et ont parfois donné lieu à l’insertion de gloses en latin.