Spiritualités urbaines. Une topologie sociale de la diversification religieuse à Potsdam.

Après la chute du mur de Berlin, la ville voisine de Potsdam, capitale de la région du Brandebourg d’une taille comparable à Genève, s’est retrouvée face à des changements majeurs. D’une part, elle a perdu le rôle qu’elle jouait pour la République Démocratique Allemande en tant que centre de formation des cadres de la sécurité d’état (Stasi), de l’autre elle a été revalorisée comme lieu de culture, de tourisme (avec plusieurs monuments considérés patrimoine culturel de l’humanité) et de science avec son parc, son château, ses lacs et ses nombreux centres de recherches. Ces changements ont impliqué un processus de gentrification du centre historique ainsi qu’un renouveau démographique considérable. Enfin, l’impact de ce qui a été appelé « la crise des réfugiés » en Allemagne dès 2015, s’est fortement ressenti dans cette ville, sur plusieurs niveaux, dont celui concernant les questions religieuses : la communauté musulmane a plus que doublé, se retrouvant désormais dans des espaces trop petits pour les prières, l’Église Protestante a créé un poste d’aumônerie pour les réfugiés et organise une entre-aide et un accompagnement dont la ville ne pourrait se passer. Alors que partout ailleurs en Allemagne orientale les appartenances religieuses sont à un niveau minimal record pour l’Europe et continuent à diminuer, à Potsdam, les églises et les initiatives spirituelles connaissent un nouvel élan. Le succès des groupes évangéliques arrivés dans cette ville dès les années 1990 est mitigé alors que les écoles de yoga foisonnent, la ville soutient des initiatives de dialogue interreligieux, des cercles citoyens rédigent un « Nouvel Édit de Tolérance », une communauté juive récolte les fonds pour la construction d’une nouvelle synagogue, etc.
Dans le cadre de ces changements, la ville redevient un acteur majeur de gestion de la diversité. Elle mobilise variablement des registres de célébrations culturelles autour de monuments, de travail de mémoire historique ou d’ordre et sécurité. Dans le contexte très sécularisé voire athéiste de cette ville au niveau de ses institutions et de la population majoritaire, ces changements rencontrent également des résistances et des conflictualités autour de questions sociales comme le logement, l’emploi ou l’offre artistique et de formation.
Cette conférence dessine quelques traits de cette évolution récente en s’appuyant sur des illustrations empiriques. Elle présente ainsi quelques-une des analyses élaborées lors d’une enquête commencée en 2010 à l’université de Potsdam et se terminant cette année.

Irene Becci est professeure ordinaire à l’institut de sciences sociales des religions contemporaines depuis le 1er août 2017, après avoir été cinq ans professeure assistante en prétitularisation conditionnelle. Elle a fait ses études de sociologie et d’anthropologie d’abord à Lausanne et à Rome (La Sapienza, BA et MA), et son doctorat ensuite à l’Institut Universitaire Européen de Florence et à la New York University. Entre 1999 et 2001, elle a collaboré à l’enquête sur la religion en Suisse financée par le FNS et a conduit comme requérante principale une recherche sur la pluralisation religieuse dans les prisons suisses dans le cadre du PNR 58 entre 2007 et 2011 tout en poursuivant ses recherches postdoctorales dans le département d’études post-socialistes à l’Institut Max-Planck d’ethnologie sociale à Halle/Saale (Allemagne). Entre 2007 et 2012, elle a enseigné aux Universités de Halle/Saale, Bielefeld et Potsdam (Allemagne). Ses recherches actuelles, menées grâce à des financements du FNS ainsi que différents fonds obtenus à l’UNIL, concernent la diversité religieuse dans les institutions publiques et les contextes urbains, et l’émergence de nouvelles pratiques spirituelles autour d’enjeux contemporains tels que l’écologie et les rapports sociaux de genre. Elle a récemment publié ses écrits en français, allemand, anglais et italien entre autres dans les revues Historia Religionum, Current Sociology, Journal for the Scientific Study of Religion, Women’s Studies, Diversities et co-édité avec Olivier Roy le livre Religious Diversity in European Prisons: Challenges and Implications for Rehabilitation, Springer, 2015.