Dans le cadre des séminaires de recherche du laboratoire, le Laboratoire d'anthropologie culturelle et sociale (LACS) a le plaisir d'accueillir Pierre-Marie David de l'Université de Montréal.
Dans les années 1980, alors que l’épidémie grandissante de sida cristallise en Centrafrique les tensions postcoloniales, une recherche secrète est mise en place à Bangui, au point de rencontre d’une surveillance épidémiologique des militaires centrafricains et des anticipations scientifiques et industrielles de la recherche vaccinale française. Ce sont ainsi plusieurs milliers de militaires centrafricains qui se sont retrouvés inclus, sans y consentir, dans une recherche secrète sous le nom de code Opération Bangui.
Au-delà des pratiques cavalières de ses promoteurs, du malaise qui demeure encore aujourd’hui à en parler, largement expliqué par l’absence de consentement lors de la recherche, son secret et sa fin tragique, ce n’est pas l’histoire de méchants médecins militaires postcoloniaux et de gentilles victimes qui auraient été poussées à prendre les armes que relate cet ouvrage. Plus profondément, Opération Bangui est une histoire exceptionnelle qui révèle et aide à analyser un système assez ordinaire d’exploitation à travers la biomédecine.
A travers une anthropologie historique cet ouvrage analyse à travers cette recherche les ressorts scientifiques et politiques d’un processus d’extractivisme biomédical, c’est-à-dire un système inégal et asymétrique d’exploitation de ressources biologiques lié à une infrastructure scientifique et industrielle. Opération Bangui n’est donc pas seulement l’histoire extraordinaire d’une recherche biomédicale passée, c’est aussi un questionnement présent sur l’héritage colonial de la « santé mondiale » et de sa recherche biomédicale, une manière d’en questionner les pratiques et les logiques persistantes et une invitation à la décoloniser.