présenté par M. Henri Joris, doyen de la Faculté des sciences
En 1963, M. C. Gutzwiller a publié un article dans le journal le plus renommé de la physique internationale: les "Physical Review Letters". Dans cet article, il a donné l'explication du ferromagnétisme des métaux. Jusqu'à ce moment-là, même si le ferromagnétisme était reconnu comme une conséquence des propriétés magnétiques des électrons, on n'avait pas été en mesure d'expliquer pourquoi un certain alliage comme par exemple celui du cuivre et du nickel en proportion bien déterminée était ferromagnétique en contraste avec certains autres alliages. M.C. Gutzwiller a montré comment on peut tenir compte de la corrélation des électrons. Cette corrélation consiste en la répulsion mutuelle des électrons itinérants de moments magnétiques opposés qui se rencontrent sur un seul et même atome. En introduisant une fonction d'onde quantique d'une forme particulière désormais connue sous le nom "la fonction d'onde de Gutzwiller", il a surmonté les obstacles théoriques qui empêchaient jusque là le traitement d'électrons corrélés.
Depuis 1963, les théories modernes du ferromagnétisme se servent de plus en plus de la fonction d'onde de Gutzwiller. Dans une série de travaux de 1964 à 1971, il a montré que dans les métaux, le ferromagnétisme est favorisé quand la densité d'états énergétiques des électrons est plus grand au bord de la bande d'énergie que dans le centre et si la répulsion coulombienne intra-atomique est suffisamment grande.
Au cours de ces travaux, il a introduit une nouvelle méthode variationnelle qui permet de déterminer l'énergie de l'état fondamental des électrons. Avec cette méthode, Gutzwiller a réussi à démontrer que si la répulsion entre électrons dans l'atome est suffisamment grande, le matériau perd son caractère métallique et devient isolateur. La méthode variationnelle de Gutzwiller est devenue un des outils favoris des théoriciens travaillant dans ce domaine.
Dans les années 1970, Gutzwiller s'est tourné vers un nouveau domaine de la physique qui était alors dans son status nascendi. Cest la théorie du chaos dont l'origine remonte au fameux savant français Henri Poincaré. En 1970, Gutzwiller a découvert une méthode pour obtenir des informations concernant le spectre énergétique d'un système chaotique en mécanique quantique. La méthode utilise les orbites classiques périodiques et peut être exprimée par une formule simple, dite la formule de trace.
Cette formule, aussi théorique qu'elle soit, a été utilisée dans des situations pratiques, par exemple pour calculer l'énergie des électrons dans un semi-conducteur. Les contributions de Gutzwiller dans ce domaine s'étendent de l'atome de l'hydrogène dans un champ magnétique intense jusqu'au système solaire à trois corps comme la terre, la lune et le soleil. Il a éclairci le mouvement chaotique présent dans tous ces systèmes.
Par son travail dans les laboratoires IBM aux Etats-Unis, en collaboration avec le mathématicien B. B. Mandelbroit, Gutzwiller a apporté des contributions importantes à la théorie des fractals. Ces structures, dont l'importance a été révélée durant cette dernière décennie, apparaissent dans beaucoup de phénomènes de la nature, comme par exemple dans les rochers poreux contenant des liquides comme le pétrole, dans les dendrites des cellules nerveuses et dans les structures non compactes comme la neige, la mousse.
A ses contributions originales s'ajoutent les idées et suggestions qu'il a apportées à tous ses collaborateurs pendant les décennies qu'il a passées dans les laboratoires IBM de Zurich et de Yorktown Heights, aux Etats-Unis, ainsi qu'à l'Université de Columbia à New York. Nombreux sont les colloques dont les travaux ont été influencés par M.C.Gutzwiller.
Les physiciens de Suisse romande ont particulièrement profité de sa présence à Lausanne et de son cours donné dans le cadre du 3e cycle en 1990.
Pour ses contributions originales et innovatrices à la théorie du magnétisme des métaux et à la théorie du chaos classique et quantique.