Appel à contributions

Géo-Regards, numéro 17

Géographie du droit

Numéro spécial édité par Jean Ruegg, Mathis Stock et Maurice Yip
(Institut de géographie et durabilité, Faculté des géosciences et de l’environnement, Université de Lausanne)

Après plus d’une dizaine d’année d’efforts productifs pour établir « la géographie du droit » dans la géographie francophone (Forest 2009 ; Melé 2009 ; Bony & Mellac, 2020), ce numéro spécial de Géo-Regards vise à fournir une première évaluation de ses contributions, de ses terrains de prédilection, de ses forces, des enjeux auxquels elle est confrontée et de ses perspectives. Il s’agit notamment d’explorer le potentiel de la géographie du droit pour interroger la spatialité et les façons dont nous la comprenons. L’objectif de ce numéro spécial est d’aller au-delà de la production de l’espace par le droit pour questionner la spatialité du droit afin de tenir compte également de la manière dont les spécialistes du droit se représentent le territoire lorsqu’ils conçoivent les lois et/ou les mettent en œuvre (Benda-Beckmann et al. 2009).

Depuis son émergence, la géographie du droit s’est concentrée d’abord sur l’intersection entre le droit et l’espace, puis entre le droit et la spatialité (droit/légalité ; espace/spatialité). Le splicing de Blomley (2003), la nomosphère de Delaney (2004), les lawscapes de Philippopoulos-Mihalopoulos (2007), les chronotopes du droit de Valverde (2015), les détectives géo-légaux de Bennett et Layard (2015), la géolégalité féministe de Brickell et Cuomo (2019) et la géographicité du droit de Stock (2020) sont quelques exemples des conceptualisations d’une telle intersection qui inspire également des approches méthodologiques (Bony & Mellac 2020 ; Brickell et al. 2021). En ce sens, il s’agit moins de promouvoir une « géographie du droit » produite par des géographes seulement que d’inviter à un débat interdisciplinaire intégrant les études juridiques ayant amorcé un « tournant spatial » (voir Zick, 2006 ; Braverman, 2014 ; Siehr, 2016 ; Stock, 2021).

En effet, la recherche en cours dans le domaine de la géographie du droit est interdisciplinaire. Son origine intellectuelle, son développement et ses préoccupations chevauchent d’autres champs d’études, notamment les études socio-juridiques et l’anthropologie juridique. La prise en compte du « tournant spatial » est donc essentielle dans cette conceptualisation renouvelée de l’intersection entre droit et spatialité (Philippopoulos-Mihalopoulos, 2011).

En faisant de la spatialité un élément distinctif de la géographie du droit, ce numéro spécial sollicite des contributions examinant d’abord comment la géographie du droit réoriente l’approche spatiale, et aide à identifier de nouveaux problèmes ou de nouvelles questions à diverses échelles géographiques, du planétaire au local.

Ensuite, il invite des contributions révélant ce que la géographie du droit offre en matière méthodologique en discutant la façon dont ce projet intellectuel peut faire progresser l’enquête et l’observation de questions spatiales vues lorsqu’elles sont pratiquées aussi bien par le/la géographe mobilisant le droit, le/la juriste recourant à l’« inspection locale » – la confrontation avec le terrain – pour dire le droit que par l’aménagiste développant des règles qui, parce qu’elles s’appliquent à l’utilisation du sol, permettent d’évincer du territoire de nombreux enjeux comme la garantie de la propriété, la rente foncière ou la justice spatiale qui engagent des jeux d’acteurs.

Enfin, ce numéro spécial encourage des contributions approchant le monde au travers du prisme de l’approche relationnelle pour examiner des régimes de géographicité. Quels régimes sont produits par exemple par des catégories spatiales – voire des toponymes – définies dans des lois (la ville, la campagne, l’espace fonctionnel, le bassin versant, la montagne, la station touristique, la commune touristique, la prairie sèche, la zone de danger ou la zone à bâtir, par exemple) ? Ou, plus récemment avec la pandémie, qu’est-ce que les lois d’urgence sanitaire ont produits en matière de régulations de la mobilité, de l’accès aux lieux (y compris l’accès aux espaces publics), ou même de la distance entre personnes et en quoi ces régulations génèrent-elles de nouveaux régimes de géographicité susceptibles de résister aux lois elles-mêmes ?

Calendrier

  • 15 décembre 2022 : soumission d’un résumé de 300 mots aux éditeurs.
  • Fin janvier 2023 : annonce des propositions retenues par les éditeurs.
  • 15 juillet 2023 : soumission du manuscrit (8’000 mots, notes et bibliographie compris ; les consignes rédactionnelles sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.s-n-g.ch/spip.php?article15).
  • 15 octobre 2023 : retour de l’évaluation par les pairs.
  • 31 janvier 2024 : délai pour remettre le manuscrit dans sa version définitive.
  • Eté 2024 : publication du numéro spécial de Géo-Regards consacré à la géographie du droit (numéro 17).

Pour toute question, n’hésitez pas à vous adresser aux éditeurs. Courriels : jean.ruegg@unil.ch; mathis.stock@unil.ch; kwanchung.yip@unil.ch

Information sur la revue

Géo-Regards est une revue open-access à comité de lecture, éditée par l’Institut de géographie de l’Université de Neuchâtel et par la Société neuchâteloise de géographie (SNG). Elle vise aussi bien un large public qu’un public averti sur des thèmes liés à la géographie contemporaine.

Géo-Regards est répertorié notamment dans Scopus et est publiée aux Editions Alphil-Presses universitaires suisses (http://www.alphil.com/index.php/alphil-revues/geo-regards-1.html?limit=12) et en ligne sur la plateforme OA Swiss humanities : https://libreo.ch. Les numéros existent en format papier et en ligne.

Conformément aux pratiques de la revue, chaque contribution, rédigée en français, est relue et évaluée anonymement par deux experts.

Références bibliographiques

BENDA-BECKMANN Franz von, BENDA-BECKMANN Keebet von, GRIFFITH Anne (dir.), 2009: Spatializing Law: An Anthropological Geography of Law in Society, Farnham, Ashgate.

BENNETT Luke, LAYARD Antonia, 2015: « Legal geography: becoming spatial detectives », Geography Compass 9(7), 406–422. https://doi.org/10.1111/gec3.12209.

BLOMLEY Nicholas, 2003: « From ‘what?’ to ‘so what?’: law and geography in retrospect », in HOLDER Jane, HARRISON Carolyn, (dir.), Law and Geography, Oxford University Press, 17–34.

BONY Lucie, MELLAC Marie, 2020: « Introduction. Le droit : ses espaces et ses échelles », Annales de géographie 733-734(3), 5–17. https://doi.org/10.3917/ag.733.0005.

BRAVERMAN Irus, BLOMLEY Nicholas, DELANEY David, KEDAR Alexandre (dir.), 2014: The Expanding Spaces of Law: A Timely Legal Geography, Stanford, Stanford University Press.

BRICKELL Katherine, JEFFREY Alex, MCCONNELL Fiona, 2021: « Practising legal geography », Area 53(4), 557–561. https://doi.org/10.1111/area.12734.

BRICKELL Katherine, CUOMO Dana, 2019: « Feminist geolegality », Progress in Human Geography 43(1), 104–122. https://doi.org/10.1177/0309132517735706.

BRIGHENTI Andrea, 2006: « On territory as relationship and law as territory », Canadian Journal of Law and Society 21(2), 65–86. https://doi.org/10.1017/S0829320100008954.

DELANEY David, 2004: « Tracing displacements: or evictions in the nomosphere », Environment and Planning D: Society and Space 22(6), 847–860. https://doi.org/10.1068/d405.

DELMAS-MARTY Mireille, 2004: Le relatif et l’universel. Les forces imaginantes du droit. Paris, Seuil.

FOREST Patrick (dir.), 2009: Géographie du droit. Épistémologie, développement et perspectives, Québec, Presses de l’Université Laval.

MELÉ Patrice, 2009: « Pour une géographie du droit en action », Géographie et cultures 72, 25-42. https://doi.org/10.4000/gc.2199.

PHILIPPOPOULOS-MIHALOPOULOS Andreas, 2007: Law and the City, New York, Routledge-Cavendish.

PHILIPPOPOULOS-MIHALOPOULOS Andreas, 2011: « Law’s spatial turn: law, justice and a certain fear of space », Law, Culture and the Humanities 7(2), 187-202. https://doi.org/10.1177/1743872109355578.

SIEHR Angelilka, 2016: Das Recht am öffentlichen Raum. Theorie des öffentlichen Raumes und die räumliche Dimension von Freiheit, Tübingen, Mohr Siebeck.

STOCK Mathis, 2020: « Régimes de mobilité. La géographicité du droit à travers l’exemple de la loi sur la mobilité de Berlin de 2018 », Annales de géographie 734-735(3), 33–54. https://doi.org/10.3917/ag.735.0033.

VALVERDE Mariana, 2015: Chronotopes of Law: Jurisdiction, Scale, and Governance, New York, Routledge.

ZICK Timothy, 2006: « Speech and spatial tactics », Texas Law Review 84(3), 581–651.