Afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de toute une chaîne alimentaire, les plantes transforment l’énergie solaire et la stockent sous forme de sucre. L’accès aux rayons du soleil est ainsi essentiel. Lorsque celui-ci diminue, d’importantes adaptations sont observées chez les plantes. Dans son étude publiée le 5 septembre 2019 dans la revue «Nature Communications», l’équipe du Prof. Christian Fankhauser au Centre intégratif de génomique (CIG) de l’UNIL s’intéresse à l’une de ces adaptations: l’accélération de la reproduction induite par une forte densité végétale chez l’Arabette des dames.
La «lutte» pour la lumière qui règne au sein du monde végétal a engendré diverses stratégies adaptatives appelées évitement de l’ombre (shade avoidance syndrome ou SAS en anglais). Celles-ci comprennent des modifications de la croissance pour lesquelles les bases moléculaires sont relativement bien connues, depuis la perception du signal d’ombre par des photorécepteurs spécifiques jusqu’à la biosynthèse et la redistribution d’une hormone de croissance végétale appelée auxine. En revanche, la manière dont un signal de forte compétition/densité végétale mène à une accélération de la reproduction demeurait mal compris. C’est précisément ce processus que Christian Fankhauser, professeur ordinaire au CIG de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, s’est proposé d’élucider dans l’étude qu’il a menée et publiée dans la revue Nature Communications.
La longueur du jour est mesurée dans les feuilles
La reproduction chez de nombreuses espèces végétales et animales est contrôlée par la longueur du jour, ce qui leur permet de se reproduire à la saison la plus favorable. Depuis les années 1930, il est connu que chez beaucoup de plantes, y compris chez la plante modèle Arabidopsis thaliana, l’Arabette des dames, la longueur du jour est mesurée dans les feuilles. Ces dernières produisent un signal initialement appelé «florigène» lorsque la durée du jour est favorable. Ce signal est alors transporté depuis les feuilles jusqu’au méristème apical, c’est-à-dire les cellules souches des plantes, pour y induire la production des organes de reproduction, les fleurs.
La nature moléculaire du «florigène», déjà identifiée, est conservée chez de nombreuses plantes à fleurs. Néanmoins, comment un signal de forte densité végétale qui menace l’accès à la lumière accélère la floraison restait un mystère. L’équipe du CIG a abordé cette question chez l’Arabette des dames sous l’impulsion d’un postdoctorant, le DrSc. Vinicius Costa Galvão. «Grâce à une approche de génétique moléculaire, nous sommes parvenus à identifier les facteurs de transcription qui induisent la production du «florigène» dans les feuilles et qui contrôlent ainsi la reproduction en réponse à un signal indiquant une forte densité végétale», relate Vinicius Costa Galvão, premier auteur de l’étude.
Vers des applications potentielles en agriculture
Une découverte qui laisse entrevoir des applications potentielles dans le domaine de l’agriculture. «Pour optimiser l’utilisation des précieuses terres agricoles, les cultures végétales se font à forte densité. Les mécanismes d’évitement de l’ombre qui sont très importants pour les plantes en milieu naturel peuvent être contre-productifs dans un milieu agricole. C’est pour cela que, dans le processus de domestication, certains aspects de l’évitement de l’ombre ont été contre-sélectionnés, souvent de façon inconsciente», exemplifie Christian Fankhauser. Une floraison précoce se fait souvent aux dépens du rendement car la plante n’a pas assez de feuilles pour permettre une mise en place efficace de la reproduction, un processus coûteux chez les plantes comme chez les animaux. «Il est donc important de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents aussi bien pour la recherche fondamentale que pour de potentielles applications agronomiques», conclut le professeur.