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Les plantes et leur microbiote: entre guerre et paix

Le microbiote n’est pas l’apanage du règne animal. Au niveau des racines de plantes gravite également un riche bouillon de micro-organismes. Mais comment différencier les bons des mauvais éléments? Dans un article publié le 6 février 2020 dans la revue «Cell», l’équipe du Prof. Niko Geldner au Département de biologie moléculaire végétale de l’UNIL, démêle les différentes stratégies élaborées par l’Arabette des dames afin de s’assurer une cohabitation optimale avec son environnement. Une meilleure compréhension du dialogue entre plantes et bactéries permettrait par ailleurs de diminuer notre dépendance aux pesticides et engrais.

Published on 06 Feb 2020
Image en 3D d’une racine d’Arabette des dames (en bleu), entourée de bactéries commensales (en rouge). Une forte réponse immunitaire (en vert) n’a lieu que dans la région lésée. © Feng Zhou, DBMV-UNIL
Image en 3D d’une racine d’Arabette des dames (en bleu), entourée de bactéries commensales (en rouge). Une forte réponse immunitaire (en vert) n’a lieu que dans la région lésée. © Feng Zhou, DBMV-UNIL

Le microbiote se définit comme l’ensemble des micro-organismes (bactéries, champignons, protozoaires, etc.) vivant dans un environnement spécifique, appelé microbiome, chez un hôte animal ou végétal. La racine de plante, que l’on peut apparenter à un tube digestif «externe», explore la terre à la recherche de nutriments. Elle est ainsi continuellement exposée à toutes sortes de micro-organismes, bienveillants, malveillants ou commensaux (autrement dit, sans bénéfice ni danger).

Comment les plantes parviennent-elles à faire le tri parmi cette intense vie microbienne afin d’entrer en symbiose ou, a contrario, d’activer si besoin une réponse immunitaire? Telle est la question qu’adresse Niko Geldner, professeur ordinaire au Département de biologie moléculaire végétale (DBMV) de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, dans son article publié dans l’édition du 6 février 2020 du magazine Cell.

Les plantes sont par défaut tolérantes

La première remarque du professeur lausannois est quelque peu surprenante:  Nous savons que le système de détection des racines de plantes ne leur permet pas de différencier une bactérie bénéfique d’une autre pathogène. L’immunité de la plante n’est ainsi que peu stimulée par la présence per se de micro-organismes dans son environnement.»

Cette situation de tolérance permet aux végétaux de profiter pleinement des éléments bienfaisants, comme cela est le cas lors de «supersymbioses» avec des rhizobactéries ou des champignons mycorhiziens: la plante alimente les micro-organismes en sucre, alors que les bactéries ou les champignons vont, de leur côté, assurer un apport respectivement en azote et en phosphate, deux nutriments essentiels au végétal. En dehors de ces deux exemples de symbiose «intime», les racines semblent bénéficier de multiples façons – souvent encore mal comprises – de l’existence dans l’environnement de micro-organismes très divers.

Une contre-attaque n’est enclenchée qu’en cas de blessure

La plante ne demeure pas pour autant insensible aux pathogènes colonisant son milieu. Pour réagir, il lui faut toutefois un stimulus plus grand que leur simple présence. Une hypothèse que les biologistes sont parvenus à démontrer en réalisant une expérience inédite. Avec un laser, ils ont effectué sur la plante modèle Arabidopsis thaliana, l’Arabette des dames – l’équivalent de la souris pour la recherche sur les végétaux – une lésion ciblée qui consistait à casser de manière précise trois ou quatre cellules situées au niveau de la racine.

La réponse immunitaire ne s’est pas fait attendre. «La plante tolère une colonisation de ses racines par des micro-organismes tant que ces derniers ne causent pas de dommage. Mais en cas de blessure, elle va se défendre et contre-attaquer, en s’en prenant aux mauvaises comme aux bonnes bactéries ou champignons. Elle ne fait pas la différence! On peut utiliser l’image des adolescents à l’égard desquels on est tolérant quand ils font la fête, tant qu’ils ne cassent rien; mais s’il y a des dégâts, on appelle la police!» métaphorise Niko Geldner, directeur de l’étude menée en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Tübingen, en Allemagne.

Une résolution extrêmement fine

Grâce à l’utilisation de marqueurs de stress et de réponse immunitaire rendus fluorescents et d’un microscope à balayage laser, les chercheurs ont pu observer de manière fine ce qu’il se passe au niveau cellulaire. «La réponse immunitaire est extrêmement précise et très localisée, commente Niko Geldner. Les cellules avoisinant la cellule endommagée réagissent à la mort cellulaire par une réactivité immunitaire fortement accrue. Celles plus éloignées répondent, quant à elles, par la production d’une hormone de stress, l’éthylène, connue chez les végétaux pour ses effets protecteurs.»

Une alternative aux pesticides et engrais

Les résultats obtenus offrent un nouvel éclairage sur les interactions complexes qui se produisent dans le sol entre plantes et micro-organismes. «Ces échanges sont à la base de la notion de «santé des sols» qui, en fonction de la qualité du microbiome, protège les plantes des infections et les aide à se nourrir. Nous avons tout à gagner à mieux comprendre et «écouter» ce dialogue souterrain invisible et silencieux. Un traitement des sols avec des bactéries constituerait, par exemple, une voie prometteuse dans un contexte visant à diminuer, voire à abolir l’utilisation de pesticides et d’engrais, et à rendre les plantes plus résistantes au stress», conclut Niko Geldner.

Feng Zhou, premier auteur de l’article publié dans Cell et ancien post-doctorant dans l’équipe de Niko Geldner, est retourné début janvier 2020 en Chine, où il occupe désormais un poste de professeur. Il va tenter d’adapter au riz, qui a des racines plus complexes, les diverses découvertes et méthodes issues des recherches menées au DBMV sur l’Arabette des dames.


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