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La recherche sur le vieillissement s’accélère à l’UNIL grâce au killifish

Améliorer la qualité de vie de la population vieillissante est le mot d’ordre de l’équipe d’Alejandro Ocampo, professeur assistant au Département des sciences biomédicales de l’UNIL. Une première en Suisse : le groupe de recherche détient désormais le killifish, un petit poisson qui permet de réduire de six à dix fois le temps des expériences sur le vieillissement et offre une alternative à l’utilisation d’autres animaux. Le laboratoire peut accueillir jusqu’à 400 individus.

Published on 15 Dec 2020
Nothobranchius furzeri, une espèce de killifish, est utilisé à l’Université de Lausanne pour mieux comprendre les processus du vieillissement. © Ocampo Lab
Nothobranchius furzeri, une espèce de killifish, est utilisé à l’Université de Lausanne pour mieux comprendre les processus du vieillissement. © Ocampo Lab

En Suisse, le nombre de personnes centenaires est en constante augmentation et l’espérance de vie de sa population est l’une des plus élevées au monde. Toutefois, cette hausse de l’âge constitue un facteur de risque pour l’apparition ou l’aggravation de certaines pathologies comme les atteintes cardio-vasculaires, le cancer, la pneumonie, la maladie d’Alzheimer ou, encore plus d’actualité, la Covid-19. De plus, son impact économique n’est pas négligeable. L’étude du vieillissement et des thérapies visant à retarder le développement de maladies devient donc de plus en plus importante.

Le laboratoire de recherche d’Alejandro Ocampo, au Département des sciences biomédicales (DSB) de la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l’UNIL, s’intéresse précisément à la thématique du vieillissement. Depuis le mois de janvier 2020, le chercheur s’est équipé d’un animal aux propriétés incroyables, le killifish, un petit poisson d’eau douce possédant une durée de vie naturellement brève, c’est-à-dire d’environ six mois. Ce vertébré aquatique ouvre de nouveaux horizons pour l’étude du vieillissement, mais aussi du développement, de la neurologie, de la cardiologie, de l’immunologie, ainsi que pour l’expérimentation animale à l’UNIL.

Un exemple fructueux de l’entraide internationale entre scientifiques

C’est dans un laboratoire en Italie, il y a environ vingt ans, que le killifish a été utilisé pour la première fois dans le domaine de la recherche sur le vieillissement, par le DrSc. Alessandro Cellerino qui, à l’époque, exerçait au CNR (Consiglio Nazionale delle Ricerche) de Pise. Une véritable transmission de savoir-faire de la technique s’ensuit : le DrSc. Dario Valenzano, son premier étudiant en thèse, implante d'abord la méthode à l'Université de Stanford, puis à l’institut Max Planck à Cologne ; où il possède aujourd’hui plus de 2000 aquariums du petit poisson ! À son tour, le professeur Alejandro Ocampo y a fait former un étudiant en thèse de son groupe de recherche. Au début de l’année 2020, « l’Ocampo Lab » a obtenu la première colonie de killifish turquoise africain (Nothobranchius furzeri) de Suisse. Malgré un printemps difficile avec la fermeture de l’UNIL en réponse à la situation sanitaire alarmante, le scientifique a réussi à maintenir sa colonie en vie. Son animalerie peut désormais accueillir 80 aquariums simultanément. Le poisson en question est devenu le chouchou de son équipe. « Être le premier laboratoire de Suisse à travailler avec le killifish est très stimulant. Je suis ravie d’utiliser ce modèle qui va peut-être révolutionner la recherche dans le domaine du vieillissement », se réjouit Calida Mrabti, doctorante au DSB.

Une durée de vie qui reflète l’adaptation à son habitat éphémère

Pour comprendre pourquoi la longévité de ce poisson est étonnamment courte, il faut revenir à son environnement naturel au Mozambique et au Zimbabwe. Le Nothobranchius furzeri vient de régions dans lesquelles la saison des pluies est brève, alors que la sécheresse prédomine. L’animal vit dans de petites nappes d’eau de pluie qui disparaissent dès l’arrivée de la période sèche. Il a donc dû s’y adapter pour survivre. La rapidité de son cycle de vie est le reflet de l’alternance entre les deux saisons. Aussi longtemps que persiste la sécheresse, l’œuf fertilisé est dans un état de pause, appelé diapause. Le développement ne reprendra qu’à la venue de la pluie et la formation de nouvelles mares, propices à la croissance, à la maturation sexuelle, à la reproduction et à la vie de l'embryon.

Un poisson presque aussi rapide d’utilisation qu’une mouche

Réduire le temps des expériences, le rêve de toute chercheuse et de tout chercheur. Les scientifiques utilisent de nombreux organismes pour leurs investigations, allant des invertébrés moins complexes, la levure, le ver et la mouche, aux vertébrés plus complexes, le poisson et la souris. La durée de vie du killifish est six à huit fois plus courte que celle de la souris et dix fois plus petite que celle du poisson-zèbre (zebrafish). Cependant, elle est à peine deux fois plus longue que celle d’une mouche.

Grâce à cet animal aquatique, les résultats sont ainsi obtenus plus rapidement. « C’est fascinant de voir la vitesse à laquelle le killifish se développe et devient âgé, s’émerveille Nibrasul Haque, doctorant au DSB. J’attends avec impatience de faire d’importantes découvertes sur les mécanismes du vieillissement grâce à ce modèle ». D’un point de vue technologique, ce poisson peut, par exemple, être génétiquement modifié (méthode CRISPR-Cas9) à des fins de recherche en seulement trois mois, contre six mois pour la souris. Qui dit durée, dit coût ! Il y a également un impact économique pour le laboratoire. Les dépenses nécessaires à l’entretien et au maintien de l’animal lors d’une expérience sont par conséquent elles aussi diminuées. 

Un poisson biologiquement proche des humains

« Le killifish a l’avantage d’être presque aussi rapide d’utilisation qu’un invertébré, tout en étant représentatif de ce qu’il se passe chez les mammifères et l’humain », explique le professeur Ocampo. En effet, l’animal présente de nombreuses fonctions biologiques (digestives, musculaires, immunitaires, nerveuses, etc.) communes aux mammifères, telles que la capacité de régénération cellulaire, une circulation sanguine fermée et un cœur fonctionnel, pour ne citer que ces trois exemples. Lorsqu’il devient vieux, le petit poisson développe la plupart des caractéristiques retrouvées chez l’humain : dépigmentation, perte de la capacité de régénération et de la masse musculaire, dysfonctionnement des mitochondries (les centrales énergétiques de nos cellules), développement de cancers, dépôt d’amyloïdes bêta (typique de la maladie d’Alzheimer), etc.

Le killifish, une alternative aux souris de laboratoire

L’efficacité d’un médicament est en général vérifiée chez l’animal, avant de pouvoir être testée cliniquement chez des patients. C’est le cas, par exemple, des traitements antivieillissement qu’espère trouver l’équipe d’Alejandro Ocampo visant à accroître la période de bonne santé des personnes âgées en retardant le plus possible l’apparition de maladies.

De plus en plus de restrictions sur l’expérimentation animale en Suisse tracent un cadre sécurisé et assurent un traitement éthique des organismes utilisés pour la recherche. « Dans les études sur le vieillissement, le remplacement par le killifish permet de réduire le nombre d’expériences réalisées avec les souris et d’abandonner complètement l’utilisation d’un modèle murin génétiquement modifié de vieillissement précoce, ajoute le biologiste. Ce petit poisson permet d’investiguer les mécanismes du vieillissement naturel ». Tout est maîtrisé dans l’animalerie : température, teneur en ions et acidité de l’eau sont automatiquement contrôlées ; luminosité, développement et reproduction sont suivis régulièrement ; les poissons sont nourris sept jours sur sept. À présent, le killifish disponible à l’UNIL pourrait intéresser d’autres équipes de la communauté scientifique de la FBM, voire de l’ensemble de la Suisse, dans le domaine de la recherche biomédicale.


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