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APPEL À CONTRIBUTIONS—Européanisations par le bas et les marges. Acteurs, représentations et expériences (fin XIXe-début XXIe siècles)

Colloque international à l'Université de Lausanne, du 28 au 29 novembre 2024, organisé par la Section d’histoire et l’Institut des sciences du sport (ISSUL) de l’Université de Lausanne

Published on 23 Nov 2023
Panneau d’entrée de la commune de Monthey, CH, 22.11.2023, © RRC.
Panneau d’entrée de la commune de Monthey, CH, 22.11.2023, © RRC.

Argumentaire

Le continent européen est le théâtre de différentes crises consécutives récentes (Brexit, gestion de la crise migratoire et des politiques de vaccination durant la pandémie, Guerre en Ukraine, etc.) qui s’accompagnent d’une montée des idéaux populistes et illibéraux dans plusieurs pays – dont certains font partie de l’Union européenne – et qui remettent en question les fondements mêmes des coopérations européennes telles qu’elles se sont opérées dans de multiples domaines depuis la fin du XIXe siècle. Ce contexte général semble avoir encouragé la multiplication des recherches ces dernières années visant à démontrer la diversité des entreprises individuelles et collectives qui soutiennent la création de liens, de rapprochements et de coopérations à l’échelle européenne (Warlouzet 2018)[1].

Dans le sillage du renouveau historiographique engagé depuis une quinzaine d’années qui vise à revisiter l’histoire du projet européen en le réinsérant dans une histoire géographique et temporelle plus ample (parfois théorisé sous le concept d’histoire globale), plusieurs études se sont focalisées sur les différentes facettes de l’européanisation. Largement mobilisé en droit et en science politique depuis la fin des années 1990, le concept d’européanisation a attiré de plus en plus l’attention des historiens et historiennes (Kaelble et Kirsch 2008 ; Conway et Patel 2010 ; Osmont, Robin-Hivert, Seidel et Spoerer 2012 ; Meyer et Poncharal 2012 ; Bancel, Quin et Vonnard 2016 ; Greiner, Pichler et Vermeiren 2022). Employée dans un sens historique, l’européanisation est alors moins abordée comme un concept que comme « a variety of political, social, economic, and cultural processes that promote (or modify) a sustainable strengthening of intra-European connections and similarities through acts of emulation, exchange, and entanglement, and that have been experienced and labeled as ‘European’ in the course of history » (von Hirschhausen et Patel 2010, p. 2). Cette pluralité permet de parler d’européanisations au pluriel. Dans ce cadre, deux précautions sont à prendre en compte. Premièrement, comme le notent Meyer et Poncharal, il faut faire attention aux « présupposés téléologiques impliqués dans un tel concept de changement directionnel » et en ce sens, on doit tenir compte dans l’analyse des courants contraires, comme l’antieuropéanisme, des phénomènes de déseuropéanisation et des alternatives (Meyer et Poncharal 2012, p. 118). Deuxièmement, il est nécessaire de considérer ces processus de manière large. Ainsi, de par leurs origines, motivations et temporalités, les européanisations vont au-delà de l’histoire du développement politique et institutionnel de l’Union européenne et de ses frontières territoriales.

Partant de ces constats et bénéficiant des apports des recherches précitées, ce colloque international poursuit l’ambition de prolonger ces réflexions sur les européanisations en réunissant des contributions mobilisant principalement deux approches : l’histoire par le bas et par les marges. De manière générique, on pourra dès lors se demander : dans quelle mesure des citoyen·nes « ordinaires » et des pratiques concrètes ont-ils pu être des éléments clés des processus d’européanisation à l’œuvre avant et pendant l’intégration européenne ?

[1] Selon Warlouzet, le terme « coopération » à l’avantage, au contraire de celui de « construction » aussi utilisé dans les European studies, de dépasser autant géographiquement que temporellement le contexte de l’après Deuxième Guerre mondiale marqué par l’édification de la Communauté économique européenne (CEE) et plus largement de « l’Europe-organisation » (Frank, 2004).

S’intéresser aux européanisations par le bas amène à réfléchir aux diverses représentations et pratiques de l’Europe, ou pour le dire autrement à l’« Europe vécue » (Girault 1995, p. 81), en mettant l’accent sur des acteurs individuels et collectifs émergeant ou évoluant dans des domaines très variés de la société (médias, sport, environnement, etc.). La notion d’Europe n’est pas abordée ici uniquement comme un phénomène géopolitique mettant en scène des institutions étatiques et paraétatiques, mais est aussi plus largement comprise comme un espace social, politique, culturel et économique en construction et un cadre de référence touchant tous les acteurs et actrices de la société.

Ce colloque propose de compléter cette approche avec une autre qui consiste à étudier les européanisations par les marges, entendue notamment dans le sens des marges temporelles et géographiques. Nous nous intéresserons ici aux mécanismes à l’œuvre sur le temps long (XIXe et XXe siècles), en particulier dans des pays ou régions à la périphérie de l’Union européenne, jusqu’alors peu considérés dans l’étude de la construction européenne, à l’image de la Suisse, de la Finlande, des pays balkaniques et de l’Ukraine, États – ainsi que leurs ressortissant·es – qui ont pourtant joué un rôle important dans l’européanisation de plusieurs domaines (par exemple, culture, sport, télécommunication) et qui ont pu être des espaces carrefours dans l’histoire politique des coopérations européennes, en particulier durant la Guerre froide. La question du bloc de l’Est et des européanisations antilibérales devrait aussi être incluse. Notre regard se tournera également vers les actrices et acteurs extra-européens (Chakrabarty 2008), à l’image de l’Amérique du Sud, du Moyen-Orient, de l’Afrique et l’Asie, également concernés par des velléités d’européanisation comme dans le cas de projets eurafricains ou marqués par des processus d’européanisation que cela soit durant la colonisation ou après les indépendances.

L’attention est portée sur le bas et les marges non seulement comme objet impacté, mais aussi comme sujet agissant. En plus de s’interroger sur la façon dont ces processus ont été vécus au quotidien, il s’agira également de se pencher sur la façon dont ils ont été initiés.

Afin de traiter de ces différents aspects, nous souhaitons réunir des contributions autour de trois axes de recherche principaux :

1. Actrices et acteurs méconnus des processus d’européanisation

Le dépassement d’une histoire politique de l’intégration européenne, centrée autour de l’émergence des institutions qui seraient elles-mêmes imaginées par quelques figures centrales, constitue un des défis des études européennes depuis plusieurs décennies.

L’objectif de ce colloque est de s’intéresser à la diversité des acteurs individuels, collectifs et périphériques  – citoyens ordinaires, élites intellectuelles et artistiques, experts, associations professionnelles, sportives ou culturelles, partis politiques, organisations syndicales et internationales, institutions laïques ou religieuses, maisons d’édition, revues, lobbys, mouvements et réseaux dans et hors de l’Europe politique et continentale –  qui ont participé à la fabrique de l’Europe au sens large, en jouant un rôle dans les processus d’européanisation.

2. Modèles, identités et représentations, reflets de la diversité des formes d’européanisation

Vue d’en bas et des marges, comment l’Europe est-elle appréhendée ? Il s’agira de s’interroger sur les façons dont l’Europe s’invite à l’échelle infraétatique et locale et se vit au quotidien, que cela soit de manière consciente ou inconsciente.

Quelles traces laisse-t-elle ? Dans quelle mesure le cadre de pensée est-il influencé ? Comment les processus d’européanisation, et les expériences qui en découlent ont-ils été perçus sur le plan des identités et des représentations ? Quels sont leurs effets auprès de la société civile et leurs impacts sur la vie associative et la structure des organisations ? Enfin, il sera aussi question d’identifier les frottements, les contradictions, les tensions et les résistances qui accompagnent la rencontre entre les échelles européennes et locales. Par exemple, un décalage entre des politiques pensées comme relevant de l'européanisation (à Bruxelles ou ailleurs) et qui ne sont pas vécues comme telles pourrait être interrogé.

3. Instruments, pratiques, expériences et résultats des processus d’européanisation par le bas et par les marges

Le projet européen n’est pas seulement un idéal conçu et nourri dans les milieux intellectuels ou un phénomène recouvrant des principes abstraits, mais il est aussi l’expression de pratiques concrètes, de réalités économiques, sociales et culturelles et d’expériences.

Il s’agira d’observer comment les acteurs se saisissent du paradigme et de l’échelle européenne et les retraduisent sous la forme d’une expérience ou d’une pratique. Ces pratiques incarnent parfois l’intention de « faire l’Europe », comme dans le cas des jumelages, des rencontres de jeunes, des échanges scolaires, des « pédagogies de la mémoire » ou des programmes radiophoniques ou télévisés (Radio Free Europe, Europe 1, Eurovision, Arte) qui visent à renforcer les relations inter et intraeuropéennes (Bossuat 2012). Dans d’autres cas, des formes d’européanisations accompagnent des pratiques sans être toujours conscientisées ou politisées. C’est notamment le cas du tourisme, de la migration, de certaines coopérations commerciales, d’évènements culturels ou de compétitions sportives. Intentionnellement européanistes ou non, ces initiatives fleurissent dans des domaines très variés tels que la sphère médiatique, artistique, économique, le sport, l’éducation, la technologie, les sciences, l’environnement, la littérature ou le patrimoine. Il s’agira de se demander comment l’Europe se matérialise dans ces différents domaines et en quoi ces expériences nourrissent de nouvelles idées de l’Europe et de nouvelles formes d’européanisations.

En mobilisant cette double approche (par le bas et par les marges), les contributions réunies dans ce colloque permettront :

  • de faire émerger de nouveaux acteurs·rices et agents des processus d’européanisation au sein de l’UE, mais aussi hors de l’Europe politique et continentale, de mettre l’accent sur des groupes sociaux et des organisations non gouvernementales qui n’ont guère été pris en compte jusqu’à présent et donc de faire émerger d’autres lieux, d’autres espaces, de retrouver l’Europe ailleurs que là où on s’attend à la voir;
  • de mettre en lumière la multiplicité des motivations qui sous-tendent les européanisations (libérales, antilibérales, parfois même involontaires) et les différentes manières de se les approprier ;
  • de questionner les différentes échelles des processus (locale, régionale, nationale, européenne, internationale, etc.) ;
  • de mobiliser de nouvelles sources (archives municipales et  privées, sources orales, presse régionale, etc.) ;
  • de comparer les chronologies, voire d’interroger celles généralement employées dans la division des différentes phases d’européanisation ;
  • d’étudier les mécanismes bottom up et par les marges des phénomènes d’européanisation, des déplacements qui offrent des angles d’observation différents sur ces processus non linéaires et pas toujours perçus positivement par les contemporains et contemporaines.

L’objectif de cette manifestation scientifique étant de contribuer à la clarification du concept même d'européanisation et, plus largement, à une histoire politique, sociale et culturelle de l’Europe, nous encourageons les contributions de chercheur·euses, juniors ou confirmés, spécialistes de l’histoire européenne, mais également de l’histoire des médias, du sport, de l’environnement, des techniques, de l’art, de l’éducation, etc., ou venant de disciplines proches (anthropologie, sciences politiques, sociologie, etc.), qui souhaitent participer à une réflexion sur l’échelle européenne dans leurs domaines d’expertise.

Afin de poser le cadre des débats, la conférence d'ouverture du colloque sera assurée par le Professeur Kiran Klaus Patel (Ludwig-Maximilians-Universität).

Une conférence sera également donnée par le Professeur émérite Christophe Charle (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne).

Une table ronde conclusive est prévue avec l’objectif de discuter des points majeurs entrevus lors du colloque (différentes visions de l’européanisation, chronologie, champs de recherche possibles).  

Informations pratiques

Le colloque se tiendra à Lausanne et bénéficiera des excellentes infrastructures du campus universitaire, mais aussi de la présence de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe qui recèle des fonds d’archives importants pour les chercheurs et chercheuses qui s’intéressent à l’histoire des coopérations européennes. Une visite à la Fondation est d’ailleurs prévue durant la manifestation.

Nous souhaitons rassembler le plus grand nombre possible de participant·es sur place, mais les intervenant·es pourront également participer à distance (via le logiciel Zoom) en cas de force majeure et sur demande explicite.

Les langues de travail du colloque seront le français et l’anglais. Les communications devront s’appuyer sur une présentation projetée dans l’autre langue. Les papiers des communications (environ 6000 mots) seront soumis quelques semaines avant le début de la manifestation. Une publication collective à partir des contributions au colloque (en anglais et/ou en français) est prévue.

Les frais de transport et d’hébergement des participant·es seront pris en charge (totalement ou partiellement, en fonction des résultats des demandes de subventions), si ces derniers ne peuvent pas être couverts par l’institution qui les emploie. La priorité sera accordée aux chercheuses et chercheurs en début de carrière.

Modalités de soumission et calendrier

15 mars 2024 : Envoi des propositions à l’adresse suivante : Carmen.Crozier@unil.ch
Les propositions (350 mots max. en fichiers Word ou PDF) comporteront un titre, une problématique explicite, une bibliographie (5 références max.), une courte notice bio-bibliographique (15 lignes max.) et votre intention ou non de vous déplacer à Lausanne.

30 avril 2024 : Notifications d’acceptation après un processus de sélection conduit avec l’aide des membres du Comité scientifique.

31 octobre 2024 : Envoi d’un papier d’environ 6000 mots qui sera mis à disposition des collègues prenant part à la conférence.

28-29.11.2024 : Colloque international sur le campus de l’Université de Lausanne.

1er février 2025 : Remise des papiers sélectionnés pour la publication.

Comité d’organisation

Raphaëlle Ruppen Coutaz (Section d’histoire, Université de Lausanne)

Philippe Vonnard (Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne, Département d’histoire contemporaine, Université de Fribourg)

Carmen Crozier (Section d’histoire, Université de Lausanne)

Comité scientifique (par ordre alphabétique)

Nicolas Bancel (Université de Lausanne); Daphné Bolz (Université de Rouen) ;  Christophe Charle (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne); Matthieu Gillabert (Université de Fribourg); Pia Koivunen (Université de Turku); Léonard Laborie (CNRS); Sébastien Ledoux (Université de Picardie Jules Verne); Emmanuelle Loyer (Sciences Po Paris); Damiano Matasci (Université de Genève); Guia Migani (Université de Tours); Emmanuel Mourlon-Druol (European University Institute); Simone Paoli (Université de Pise); Kiran Klaus Patel (Ludwig-Maximilians-Universität); Angela Romano (Université de Bologne); Janick Schaufelbuehl (Université de Lausanne); Katja Seidel (Université de Westminster); François Vallotton (Université de Lausanne); Christian Wenkel (Université d’Artois) ; Franziska Zaugg (Université de Fribourg).

 

 


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