L'objet de la mission. Circulations matérielles entre le Paraguay et l'Europe catholique (XVIIe-XVIIIe siècles)

Jeudi 16 mai 2024, 14h15-16h00, Anthropole 5136.

Au projet de colonisation de l’Amérique porté par les Européens s’est rapidement couplé le dessein d’évangéliser les peuples indigènes. Entre 1604 et 1767, au Paraguay, cette double visée s’est cristallisée autour de l’établissement d’une trentaine de « réductions », c’est-à-dire des villages rassemblant des Indigènes convertis ou en cours de conversion. Celles-ci étaient administrées par des missionnaires de la Compagnie de Jésus et ont hébergé jusqu’à 140.000 âmes, dont la plupart étaient des Indigènes guaraní. Cette expérience apostolique est généralement expliquée dans l’historiographie par l’isolement tant géographique qu’institutionnel du Paraguay. Pourtant, par l’envoi de procurateurs en Europe, agents chargés d’y représenter les intérêts de la province jésuite du Paraguay, ces religieux ont largement contribué à connecter ces deux territoires. Les circulations de ces hommes se doublent en réalité du transfert de centaines d’objets de natures variées (livres, vêtements, outils, objets d’art et liturgiques…) d’un continent à l’autre.

Le projet de thèse, dont est issue cette conférence, vise à étudier comment la Compagnie de Jésus a mis à profit la culture matérielle pour développer l’entreprise d’évangélisation-colonisation du Paraguay. À partir d’archives produites par les instances coloniales et religieuses, et par les Guaraní, cette étude recensera au sein d’une base de données les artefacts ayant transité sur l’axe Paraguay-Europe catholique, avant de se pencher sur les réseaux mis en évidence par les déplacements des procurateurs. Elle se focalisera aussi sur l’usage des objets et leurs significations loin de leur contexte de production, au Paraguay et en Europe catholique. De la sorte, par l’étude systématique des échanges matériels, cette recherche contribuera au renouvellement de l’appréhension du phénomène missionnaire. Plus fondamentalement, elle permettra de connaître le rôle des objets et la manière dont ils ont contribué au processus de christianisation et d’européanisation des populations indigènes en contexte de première globalisation.