Face à la diminution de leur surface forestière, les pays des tropiques multiplient les politiques et programmes de plantation et de reforestation. Avec quels résultats ? Une étude menée par des chercheur·euses de l’UNIL et portant sur des régions d’Asie du Sud-Est, met en lumière neuf écueils à éviter.
Avec leur capacité à absorber et stocker le dioxyde de carbone, les arbres et les forêts constituent un frein naturel au réchauffement climatique. Ils remplissent par ailleurs d’innombrables fonctions cruciales allant de la préservation de la biodiversité à la stabilisation des bassins versants. Face à la diminution de leur surface forestière, beaucoup de pays des tropiques lancent d’ambitieux programmes de plantations et de restauration de la végétation forestière.
Cette stratégie s’inspire des transitions forestières effectuées sur de longues périodes dans les pays tempérés tels que la France, l’Allemagne, les Etats-Unis ou encore le Japon. Dans ces régions, la période de déforestation a été suivie de plantations, et sur le long terme, d’un bilan positif. Ce modèle peut-il être appliqué avec succès dans des pays tropicaux, sur un laps de temps bien plus court ?
Dans une nouvelle étude parue dans Environmental Conservation, des scientifiques de l’UNIL et leurs partenaires se sont penchés sur les pratiques de plusieurs régions d’Asie du Sud-est, et ont mis en évidence neuf écueils à éviter. « On a parfois tendance à planter un maximum d’arbre, sans forcément prendre en compte la façon dont cela va être fait, le lieu à privilégier, le type de forêt, et les bénéficiaires (ou lésés) de ces opérations », explique Christian Kull, professeur à l’UNIL et premier auteur de l’article. « Cependant, une gestion durable et bénéfique à la fois pour la planète et la population, nécessite une approche globale et diversifiée. »
Parmi les tendances à éviter, on retrouve notamment le fait de privilégier la quantité d’arbres à la qualité, de négliger l’aspect social, soit l’impact sur les populations locales, par ex., ou encore la transformation du caractère socio-écologique de la forêt.
Ainsi, dans certains cas, ce qui était autrefois une diversité de « forêts vivantes », activement gérées par les populations locales en tant que terres arables, zones de récolte de produits forestiers, terrains de chasse et territoires ancestraux, est reclassé en deux catégories simples : les « forêts de conservation » (dont les populations locales sont largement exclues) et les « forêts de production » (de plus en plus organisées autour d'objectifs économiques, notamment des monocultures industrielles). « Dans ces cas, les populations locales perdent le contrôle au profit de l'État, des acteurs internationaux et économiques. Ce concept a été développé par Nguyen Thi Hai Van dans sa thèse, le qualifiant de « bifurcation » des utilisations de la forêt », illustre Christian Kull. « C’est un exemple assez parlant, mais beaucoup d’autres aspects sont également importants. Nous avons écrit ce papier pour attirer l’attention des décideurs politiques et des leaders, afin qu’ils puissent considérer la possibilité d’effectuer des transitions forestières plus diversifiées et durables que ce qui se fait actuellement. »
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