L'immunobiologiste, professeure ordinaire, rejoint le Décanat "renforcé" de la Faculté de biologie et de médecine, comptant désormais 6 vice-Doyen·nes, amenant sa vision stratégique pour la recherche. Interview.
Après des études en Allemagne et aux Etats-Unis, une thèse à l’Institut Pasteur à Paris, Margot Thome-Miazza arrive à Lausanne en 1996 comme postdoctorante. Et la native de Stuttgart prend racine sur les rives du Léman, gravissant tous les échelons académiques jusqu’au titre de professeure ordinaire, obtenu en 2017.
A côté d’une recherche de pointe en immunologie, elle s’implique aussi dans la vie facultaire, aussi bien à la Commission de la relève qu’à la Commission consultative pour les promotions, ou encore comme co-directrice du Département d’immunobiologie (anciennement Département de biochimie) – position qu’elle a quittée en rejoignant le Décanat. Au niveau national, elle a participé à la Commission de sélection du programme Marie Heim-Vögtlin du FNS, visant à encourager les carrières féminines.
Défense de la science, engagement pour la relève forment l’ADN de la professeure – elle a d’ailleurs reçu un « FBM Award » pour ses qualités de mentorat en 2019 – et de la nouvelle vice-Doyenne Recherche et innovation de la Faculté de biologie et de médecine (FBM). Interview.
Quels sont, selon vous, les principaux enjeux de votre dicastère ?
J’identifie trois grands enjeux. Primo, nous devons renforcer les interactions entre notre Section des sciences fondamentales (SSF), regroupant les départements de biologie, et notre Section des sciences cliniques, qui regroupe les départements de médecine. Sous mon impulsion, nous avons fait évoluer les bourses interdisciplinaires attribuées par la FBM. Pour la première fois cette année, l’attribution de ces bourses est conditionnée à un critère : il faut qu’il y ait parmi les requérants des représentants de deux sections, SSF et SSC. Condition sine qua non.
Secundo, sous l’impulsion du Doyen Renaud Du Pasquier, nous travaillons à une meilleure intégration des médecins désirant faire de la recherche à côté de leur activité clinique. Commençons par souligner que la FBM continue à soutenir le programme MD-PhD, qui permet aux médecins d’effectuer une formation approfondie dans les sciences de la vie, alors même que le FNS a décidé de se retirer. Notre autre cheval de bataille, c’est le temps protégé pour la recherche : il s’agit de garantir aux cliniciens-chercheurs un pourcentage de temps protégé pour leurs recherches à côté de leur activité clinique. Nous en sommes encore au stade de la réflexion, on peut imaginer différents modèles, comme 50% ou 80% de temps protégé. Pas besoin d’aller bien loin pour trouver l’inspiration, puisque cela existe déjà aux HUG, à Genève, avec la création du statut de « chef de clinique scientifique ».
Tertio, nous devons renforcer la biologie structurale à Lausanne, discipline qui va dans l’intimité du vivant, puisqu’elle s’intéresse à la structure et à l’organisation spatiale des macromolécules biologiques. Comment faire ? D’abord, nous devons faire bon usage du Centre Dubochet, un des meilleurs centres de microscopie électronique au monde, qui permet l’exploration des protéines et des organelles des cellules au niveau moléculaire grâce à la cryomicroscopie électronique. Avec cet outil, on peut se pencher sur les microorganismes, certes, mais à une échelle encore plus petite, sur des oligomères de protéines, qui peuvent être impliqués dans certaines maladies neurodégénératives ou jouer un rôle-clé dans la réponse inflammatoire. Neurologie, immunologie et bien sûr microbiologie, voilà trois exemples, trois domaines de la biologie qui peuvent, je pense, vraiment tirer parti de cet outil. Nous offrons déjà un soutien pour les chercheur·ses qui l’utilisent, et nous venons, lundi 7 octobre, de lancer un appel à projets. Renforcer la biologie structurale, volet recherche, implique aussi de renforcer son enseignement dans le curriculum de biologie, pour pallier la difficulté actuelle de recrutement de doctorant·es dans ce domaine.
Comment arriver à une « identité » FBM, à combiner harmonieusement biologie et médecine ?
Une des pistes, que j’ai déjà mentionnée, ce sont les bourses interdisciplinaires. Nous avons d’autres idées qui, en l’état, ne sont encore que des pistes de réflexions. Par exemple, nous pensons à de petites bourses, nom de travail « incubator », qui serviraient à initier des collaborations, en subventionnant l’organisation d’événements, conférences, réunions, etc., conjoints à la SSF et à la SSC.
Et vous, qu’est-ce qui vous fait vibrer, en tant que chercheuse ? Ou en tant que professeure ?
Je conserve ma curiosité, inentamée, pour les mécanismes moléculaires à l’œuvre dans la réponse immunitaire. Plus avant, je m’intéresse aux mécanismes de signalisation intracellulaire, cette cascade de réactions, d’interactions qu’enclenche un signal reçu par les récepteurs placés à la surface d’une cellule. Je les étudie dans le contexte immunitaire, mais on peut bien sûr retrouver ces mécanismes dans beaucoup d’autres contextes.
J’ai commencé par m’intéresser au fonctionnement de la signalisation intracellulaire et, dans un deuxième temps, à ce qu’il se passe quand ces mécanismes dysfonctionnent. Dès lors, comment manipuler ces voies de signalisation, comment les freiner ? Dans le contexte des maladies auto-immunes par exemple ou, en oncologie, en parlant des tumeurs du système lymphatique. Autrement dit, en passant d’une approche fondamentale à une approche translationnelle, comment interférer de manière thérapeutique. Mon laboratoire a déposé et valorisé, avec l’aide du PACTT, un brevet pour le développement de substances utiles au traitement du lymphome, qui ciblent justement une de ses voies de signalisation. Les premiers essais cliniques sont en cours.
Dans mon enseignement, j’essaie de transmettre mon enthousiasme et, plus avant, j’aime voir mes doctorant·es et mes postdoctorant·es progresser dans leur carrière : je prends particulièrement au sérieux ce rôle de mentor, aussi dans mes engagements facultaires ou au FNS.
Et parce qu’il n’y a pas que le travail dans la vie… une passion, un hobby qui vous permet de vous ressourcer ?
La randonnée. C’est d’ailleurs dans une course de peau de phoque organisée par le Club alpin, que, jeune postdoc, j’ai rencontré mon mari.
Je citerai aussi la lecture et… le vélo électrique. Pour les balades, mais aussi pour venir au travail : j’habite Mézières, c’est une jolie trotte. Quand le temps le permet, bien sûr !