Cycle de conférence publiques dans le cadre du cours de Master en Humanité numériques et de Master en Sciences sociales "théories critiques de la culture"
Présentation du cycle
La question de l'intelligence artificielle est au cœur des préoccupations actuelles au sein de l'espace public. Son application au sein des secteurs d'activité les plus divers fait (re)surgir le spectre de la machine capillaire douée d'une calculatoire propre, nourrie de capacités hors pair d'analyse, d'apprentissage et de décision. Une panoplie d'acteurs y voient toutefois une promesse d'efficacité portée par la rationalité de l'automation, propre à revigorer le développement du capitalisme. Les sociétés modernes démocratiques se sont constituées depuis le 18º siècle sur la base d'une aspiration à la raison et à d'espace public sur laquelle reposent les sociétés modernes. L'espace public est actuellement sous tension face à ce spectre de l'automation. Une des questions qui se posent à l'heure actuelle est de savoir comment l'espace public peut « reprendre la main » sur l'1A, en la soumettant à une culture critique, aux régulations éthico-juridiques et à l'agir politique.
Maxime Quellet; La dialectique de la raison algorithmique : Pour une théorie critique de l'intelligence artificielle
A, partir de la Théorie critique développée initialement par l'Ecole de Francfort, cett présentation a comme ambition de saisir les fondements sociohistoriques des catégories centrales qui sont au tondement de l'intelligence artificielle : la communication, la commande, le contrôle et l'information.
Nous situerons tout d'abord les développements de l'intelligence artificielle dans le sillage des premiers travaux issus de la cybernétique dans le cadre de ce qui était qualifié à l'époque de capitalisme monopoliste d'Etat. Nous poserons ensuite la question visant a savoir si les mutations contemporaines du capitalisme rendues possibles grâce aux avancées dans le domaine de l'intelligence artificielle tel que le machine learning et le deep learning remettent en question la possibilité de développer une théorie de la société.
Mark Hunyadi - Esprit et information
Intelligence artificielle et numérique relèvent du même paradigme scientifique la cybernétique. Et de fait, dans le monde numérique, chaque individu est appelé a devenir, malgré lui, un opérateur cybernétique.
Quel impact cela a-t-il sur la vie de l'esprit, qu'il soit individuel ou collectif ?
Anthinde,Macedo & Paul Hegi: 3038 (50.97) un art de machine ?
Le duo d'artistes Paul Hegi & Anton de Macedo a publié cette année un livre d'art entièrement généré par I'intelligence artificielle (IA). Ce projet qui a nécessité deux ans de travail a dû relever de nombreux défis tels que développer un langage probant avec la machine, crée un corpus de plus de 1000 images avec éléments graphiques au service du narratif, mettre
au point un nouveau flux de travail et d'imprimer sous forme d'ouvrage des images dédiées à la luminosité de l'écran. Ce livre soulève de nombreuses questions dans son contenu, tout d'abord, en posant la question de notre rapport à la technologie et de l'extinction du vivant, et
ensuite dans son procédé reliant l'IA et création artistique. Le duo d'artiste a créé ce livre en premier lieu comme un outil-témoignage d'une époque, qui leur permet de continuer à développer l'indispensable débat autour de l'IA. Langage avec la machine, créativité, intérêt des images produites par ordinateurs, droit d'auteur, les récurrences de sémiotique visuelle, etc. C'est pourquoi, à la suite du livre, le duo d'artistes a créé plusieurs expositions tirées de ce dernier, afin d'expérimenter différentes façons d'exploiter c corpus d'images.
Thomas Berns: Nouvelles normativités et annulation des possibilités de résistance.
Je souhaiterais analyser la résistance et ses conditions à l’aune de ce qui la contredit, entendu non pas comme un irrésistible qui s’impose à ce qui pourrait résister, mais plutôt comme ce qui annule ou évite la possibilité même de la résistance. Le déploiement de nouvelles formes de normativité non juridique serait hautement indicatif d’une telle contradiction de la résistance par la négation de sa possibilité. En partant de l’exemple de la gouvernementalité algorithmique, et en confrontant les différentes caractéristiques des normativités à l’œuvre dans ce cadre aux normativités juridiques, je montrerai que ce sont les conditions même de la résistance qui sont mises en jeu.
Katia Schwerzmann : L'intelligence artificielle comme projet de normativisation : vers de nouvelles formes de pouvoir et de subjectivité
L'intelligence artificielle, dans sa forme actuelle, relève d'un projet de normativisation, participe à la constitution de nouvelles formes de pouvoir et de subjectivité. Il s'agira dans un premier temps de comprendre les implications de la transition d'un paradigme de programmation informatique basé sur la règle vers celui du machine learning, ou apprentissage automatisé, fondé sur l'exemple. Bien que ces deux pistémiques, ethiques et politiques importante : règles et exemples régulent en effet les confuites humaines de manière différente.
Contrairement à l'autorité explicite et prescriptive imposée par les règles, les modèles de machine learning produisent une autorité difficile à contester car basée sur des normes implicites en constante mutation. J'examinerai dans un deuxième temps comment les "larges language models " tels que ChatGPT ou Claude produisent une larme de subjectivité spécifique - le "je" prononcé par ces modèles - via des opérations normatives d'« alignement» dont le but est de résoudre d'un même coup des problèmes techniques et éthiques. Ce « je » qui se positionne en porteur de savoir fait la performance d'une conception spécifique du savoir et de la subjectivité qu'il s'agira d'analyser de façon critique.
Ksenia Ermoshina: Apprendre à interdire : gouvernance par le prompt et la censure des IA génératives
La démoctratisation d'accès aux outils de génération d'images comme Dall-E, Midjourney ou Stable Diffusion, a suscité le besoin de régulation et d'encadrement des usages de ces IAs. Nous appelons cela "gouvernance par le prompt* qui consiste à interdire les usages de certains mots-clés dans les prompts textuels. Ces prompts interdits évoquent le plus souvent des registres lexicaux qui renvoient à la violence, nudité, sexualité, sexisme, racisme. Or. dans d'autres cas, les interdictions peuvent également concerner des personnalités politiques, des noms de pays ou de régions, des événements historiques ou même des identités sexuelles. Cette intervention est basée sur une enquête de terrain comparative autour des trois IA génératives à destination du grand public : le projet chinois ERNIE-ViLG, le projet russe Randinsky XXL et le projet américain DALL-E. Elle explore les impacts de facteurs culturels et politiques ainsi que des modes de production de ces lA et leurs licences sur les formes de censure et de "gouvernance par le prompt". L'enquête explore également la propagation de pratiques de ruse et bricolage collectives développées par les utilisateurs face à la censure. Tout d'abord, pour mettre la lumière sur l'existence même des listes noires de prompts, mener des enquêtes collectives de "reverse engineering" afin de rétablir ces listes et les partager avec les autres.
Ensuite, pour trouver des façons de contourner ces interdictions, surtout par les artistes visuels.