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Se reconvertir malgré soi: des adultes en lutte pour leur survie professionnelle

Si les témoignages d’adultes en reconversion vers des professions plus alignées avec leurs valeurs se multiplient dans les médias, ceux des personnes contraintes de changer de métier restent peu documentés. Pourtant, en Suisse, de nombreux adultes font face à une reconversion professionnelle involontaire en raison de problèmes de santé, de diplômes non reconnus après une migration ou d’une pénurie d’emplois dans leur domaine. Depuis 2020, une recherche menée à l’Université de Lausanne explore ces parcours difficiles pour mieux accompagner les personnes concernées et prévenir leur précarisation.

Published on 15 Jan 2025
 © Roger Bradshaw | Unsplash.com
© Roger Bradshaw | Unsplash.com

Ce projet, financé par le Fonds national suisse et s’étalant sur huit ans, suit les parcours complexes d’adultes de Suisse romande contraints de changer de métier pour des raisons de santé physique ou mentale, de migration et de manque de perspectives professionnelles. Il s’intéresse également à comprendre le point de vue de leur entourage et des professionnels·les de l’insertion qui les ont accompagnés. Les résultats des quatre premières années de la recherche montrent la variété des parcours entrepris par ces personnes, mais aussi de leurs expériences et de leurs vécus.

Plus précisément, cinq constats émergent:

1. Un travail de «deuil»

Pour les adultes ayant beaucoup investi et s’identifiant fortement dans leur premier projet professionnel, quitter l’ancien métier est un processus laborieux, voire impossible, et marqué par des émotions négatives. La reconversion constitue alors un véritable traumatisme. D’autres parviennent à faire contre mauvaise fortune bon cœur et à transformer cet événement imprévu en une opportunité pour faire le point sur leur vie professionnelle et investir dans un nouveau projet porteur. Des situations plus contrastées font jour lorsque la réinsertion professionnelle se fait dans un emploi de moindre qualité (p.ex., à mi-temps, sous-qualifié, à durée déterminée) et que la stabilisation dans une situation se fait attendre. Ces adultes se trouvent suspendus dans un entre-deux inconfortable.

2. Précarisation vs. déclic

Dans certains cas, les personnes sont bloquées dans leur carrière. De nombreux obstacles les mettent dans l’incapacité de tourner la page et il leur est impossible d’identifier et de réaliser un projet professionnel viable. Un marché du travail tendu, des réticences à embaucher une personne en reconversion et un manque de soutiens personnels ou institutionnels peuvent en être la cause. Dans d’autres cas, des expériences professionnelles ou de formation, du soutien social et des accompagnements appropriés permettent d’aller de l’avant et d’investir dans une nouvelle carrière satisfaisante – parfois même plus satisfaisante que la précédente.

3. S'accrocher à l'essentiel

Lorsqu’il s’agit, tant bien que mal, d’identifier un nouveau projet professionnel, les personnes rencontrées tendent à s’accrocher à ce qu’elles considèrent vital dans leur carrière entre leurs intérêts, leurs valeurs ou leurs compétences, et à renoncer à d’autres aspects de leur vie professionnelle. Par exemple, de nombreuses personnes migrantes sont prêtes à se reconvertir vers un métier moins en lien avec leurs intérêts pour autant qu’elles puissent capitaliser sur les compétences construites dans leur pays d’origine ou durant le processus migratoire.

4. Revisiter la place du travail

L’obligation de se reconvertir amène les personnes à réfléchir à, et parfois à questionner, la place qu’elles veulent donner au travail dans leur vie. Ainsi, durant le processus de reconversion, certains adultes réalisent que le travail est plus central dans leur vie que ce qu’ils pensaient et qu’ils ne peuvent pas s’en passer. À l’inverse, d’autres tirent des leçons d’un surinvestissement professionnel (ayant parfois amené à l’épuisement) et tentent de diminuer l’importance du travail, afin d’atteindre un meilleur équilibre de vie.

5. Solitudes

La reconversion professionnelle involontaire est une expérience solitaire, car la personne concernée se sent souvent incomprise par de potentiel·les employeurs·ses, par les institutions et par ses proches. Elle peut même avoir honte de se retrouver dans cette situation et se sentir marginalisée. En même temps, cet événement a un impact et est sous l’influence de son entourage. Par exemple, l’équilibre familial d’une personne en reconversion peut être chamboulé par cet événement, et la ou le partenaire peut autant être un soutien qu’une barrière pour la réussite de la transition.

Une expérience éprouvante

En somme, cette recherche montre clairement que la reconversion professionnelle involontaire constitue une expérience éprouvante, un processus qui s’étale dans le temps et un moment délicat dans le parcours des travailleurs et travailleuses adultes. Elle peut être qualifiée de bifurcation, puisqu’elle peut autant marquer l’entrée dans un parcours professionnel et de vie précaire que représenter une transition vers une carrière plus satisfaisante. Le soutien de l’entourage, la qualité des accompagnements professionnels proposés, l’accès à des expériences de formation ou d’emploi significatives, ainsi que des conditions facilitant le deuil de l’ancien métier et l’identification d’un nouveau projet motivant sont autant de facteurs faisant pencher la balance vers l’un ou l’autre de ces scénarios.

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Informations sur le programme

Articles et rapports intermédiaires publiés dans le cadre du projet


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