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Les deux visages de l’intégrité scientifique à la FBM

Les professeur·es honoraires Stephanie Clarke et Christian Kern, respectivement déléguée à l’intégrité et Ombudsperson, sont les gardiens du temple de l’intégrité scientifique au sein de la faculté. Présentation d’une instance-clé.

Published on 05 Feb 2025
La Pre Stephanie Clarke, déléguée à l'intégrité scientifique, et le Pr Christian Kern, Ombudsperson.
La Pre Stephanie Clarke, déléguée à l'intégrité scientifique, et le Pr Christian Kern, Ombudsperson. © DR/Heidi Diaz, CHUV

Commençons par un rappel historique : c’est en 2005 que la Faculté de biologie et de médecine (FBM) a mis sur pied une procédure en cas de soupçon de fraude scientifique (voir la directive de la direction 4.2 de l'UNIL), conformément aux recommandations de l’Académie suisse des sciences médicales. Car le monde de la recherche n’est pas une salle blanche : les pressions extérieures sont fortes, liées à la compétition effrénée entre chercheur·euses, le fameux « publish or perish ». D’où, potentiellement, la tentation d’arranger un peu les données ou d’interpréter un peu trop souplement les règles éthiques…

« Compte tenu de la masse de recherches produites à la FBM, et de leur haut niveau de qualité, ces problèmes sont très minoritaires, ils sont l’exception », souligne Stephanie Clarke. La déléguée à l’intégrité préfère d’ailleurs insister sur les bonnes pratiques – détaillées au point 2 de la directive 4.2. Christian Kern, Ombudsperson à la FBM, cite aussi le European Code of Conduct for Research Integrity, édité par la fédération européenne des académies des sciences et des sciences humaines ALLEA : celui-ci a l’avantage d’être très à jour, intégrant par exemple les problématiques de l’IA.

« Une des difficultés, c’est de rester dans le cadre : beaucoup de problèmes qui remontent jusqu’à nous sont plutôt d’ordre relationnel et relèvent des RH », ajoute Christian Kern. Souhaitant faire connaître leurs rôles et missions, déléguée et Ombudsperson participent à des cours d’éthique de la recherche dispensés dans les départements, par exemple au Centre intégratif de génomique (CIG), à l’École doctorale ou encore à I’IUFRS. Des cours qui devraient être « systématiquement organisés et proposés », estime Christian Kern, tout en félicitant les initiant·es et responsables des cours déjà mis sur pied.

Mais malgré ces recommandations et ces mesures, des cas continuent à se présenter, par exemple quand un chef de groupe, un doctorant ou un postdoctorant, n’applique pas tous les principes. Ou du moins est soupçonné de ne pas le faire. Dès lors, il existe une procédure, qu’on peut décomposer en trois étapes.

La première étape consiste en une discussion au sein du groupe, qui permet d’aplanir les malentendus ou de corriger le tir. Si cela ne donne rien, c’est à la porte de l’Ombudsperson qu’il faut aller frapper.

L’étape de l’Ombudsperson

« Mon rôle est d’être à l’écoute de toute personne témoin, ou victime, d’un manquement à l’intégrité scientifique », résume Christian Kern. Sur l’année académique 2023-2024, il a été sollicité 17 fois : 2 cas de fraude, 8 cas de manquement à l’éthique et à l’intégrité scientifique, et 7 cas relatifs à l’authorship. « La fraude, c’est ce qui concerne la falsification, la fabrication ou le plagiat, " FFP ", dans notre jargon, détaille l’Ombudsperson. Et je le souligne, avec intention. On peut commettre une erreur. Cela ne devient de la fraude que si l’on s’en rend compte et qu’on ne la corrige pas. » Quant aux huit manquements à l’intégrité scientifique, ils concernent tout ce qui n’est pas conforme aux règles et bonnes pratiques. Y compris, par exemple, l’utilisation non conforme d’une subvention. « Mais la frontière est parfois floue », reconnaît Christian Kern.

Reste la question de l’authorship : la place dans la liste des auteurs d’une publication scientifique répond à un protocole très strict de préséance. « Sur ce point, j’ai affaire à des personnes qui estiment que leur place ne rend pas justice à leur investissement, voire qui sont carrément exclues, et qui se sentent dépossédées. Je pense qu’il serait utile de rappeler les règles, qu’il y a une certaine méconnaissance des principes de l’authorship, et trop de complaisance aussi, regrette Christian Kern. Un chef de groupe ou un chef de service n’est pas un senior author de facto, toute personne doit effectivement avoir contribué à la publication », assène l’Ombudsperson.

Oreille attentive, l’objectif de Christian Kern est aussi, à travers des conseils, voire une offre de médiation, de trouver une solution au problème : « Beaucoup ont surtout besoin d’avoir un interlocuteur, de pouvoir vider leur sac. D’autres cherchent une réparation plus concrète. Je pense que mon rôle est d’abord de faire appel au bon sens, puis de rappeler les règles. J’encourage les gens à m’interpeler, et je rappelle que je suis tenu à un strict devoir de confidentialité : je ne peux mentionner ce qu’ils ou elles me rapportent qu’avec leur accord. »

Mais dans le petit monde la recherche, les lanceurs d’alerte prennent des risques : « On me répond souvent positivement quand je propose une tentative de médiation, mais il y a aussi parfois la crainte que cela n’aboutisse à un durcissement des relations, à des menaces, voire à la fin de leur carrière. Il y a là un problème. Nous devons trouver un moyen, avec le rectorat de l’UNIL et le décanat de la FBM, de sanctionner les tricheurs tout en protégeant les lanceurs d’alerte. »

Pour Christian Kern, l’enjeu est double : « La recherche doit être intègre, et les sanctions doivent être claires en cas de manquement. Il faut à tout prix éviter que les jeunes chercheuses et chercheurs soient trop vite désabusés, l’exemplarité doit venir d’en haut. Et nous devons faire attention à ne pas entamer la confiance du public. »

A un niveau plus micro, il faut autant que possible essayer de trouver une solution, par exemple la rétractation d’un article, sans aller frapper à la porte suivante, celle de la déléguée à l’intégrité scientifique. Autrement dit, sans lancer toute une procédure juridique, assortie d’une expertise scientifique : une démarche très lourde pour tous les protagonistes.

L’étape de la déléguée à l’intégrité scientifique

Car si l’étape de l’Ombusdperson n’aboutit pas, le ou la plaignant·e peut solliciter la déléguée à l’intégrité : « A ce stade, on en arrive à la dénonciation. Il s’agit d’une affaire très formelle : le ou la plaignant·e doit apporter la preuve de ses accusations, soit un argumentaire écrit et détaillé, avec toutes les annexes nécessaires, et surtout signé. Sinon, nous ne pouvons pas entrer en matière », souligne Stephanie Clarke.

S’enclenche alors la procédure proprement dite, où la déléguée à l’intégrité reçoit l’aide d’un conseiller juridique : il s’agit de garantir l’égalité de traitement entre les parties, de respecter les délais légaux. La déléguée analyse le dossier, entend les parties, leur permet de se positionner.

Les cas sont souvent très complexes. Exemple : « Si je prends les recherches qualitatives, le principal enjeu est la protection de l’identité des personnes. Un point sur lequel peuvent se cristalliser les problèmes. Outre les difficultés techniques de l’anonymisation des données – ce qui peut être une gageure quand on a affaire à une population très ciblée –, cela pose de vraies questions de recherche : concernant l’accès aux données, le consensus préconise de ne donner l’accès complet qu’aux investigateurs principaux, alors que les autres groupes n’auront accès qu’aux données qui les concernent directement. Sur le papier, c’est limpide, mais dans la pratique, c’est plus compliqué, notamment quand on confronte cette vision aux principes de l’Open Access, pas toujours raccord avec la protection des données. »

Lorsque l’instruction est terminée, la déléguée à l’intégrité rend son rapport à la direction de l’UNIL, avec copie au Doyen de la FBM. Selon les résultats de l’instruction, le rapport aboutit à une des conclusions suivantes : primo, dans certains cas, la déléguée à l’intégrité peut entériner un accord à l’amiable, ce qui met fin à la procédure. Secundo, si l’instruction ne révèle pas de manquement à l’intégrité scientifique, la déléguée à l’intégrité recommande un classement de la procédure. Tertio, dans les cas où la déléguée à l’intégrité estime qu’un manquement à l’intégrité est établi et documenté, elle peut proposer des mesures de sanction.

Selon la complexité des faits dénoncés, la déléguée à l’intégrité peut aussi faire appel à la Cellule à l’intégrité de la FBM : celle-ci est composée de trois professeur·es de domaines différents, qui peuvent solliciter des expert·es externes. « Ceci a toute son importance dans notre faculté, qui comporte des domaines très divers, de la génétique à la biologie moléculaire, en passant par les neurosciences cognitives », relève Stephanie Clarke. La Cellule à l’intégrité élargit l’expertise scientifique et permet une instruction approfondie dans certains cas. Après instruction du cas, la Cellule à l’intégrité remet son rapport à la direction de l’UNIL.

Ces procédures sont toujours très longues : elles durent un, deux, voire trois ans, notamment s’il y a recours auprès de la Commission de recours de l’Université de Lausanne (CRUL) après que la direction de l’UNIL a rendu sa décision. « Nous n’avons heureusement qu’une à trois nouvelles affaires par an. Mais à chaque fois qu’une commence, c’est un énorme investissement. »

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