Les projets post-doctoraux
Luca Bütikofer travaille sur le développement de produits numériques dans le cadre du projet BlueMount – Une interface entre science et acteurs des territoires pour une gestion durable des environnements de montagne.
La gestion durable des régions de montagne et de leurs ressources naturelles repose sur une étroite collaboration entre acteurs des territoires – praticiens, gestionnaires, administrations publiques – et experts scientifiques. Une telle collaboration nécessite une coordination qui tienne compte des temporalités, méthodes, et contraintes de chacun ainsi que de l’urgence dans laquelle nous placent les changements environnementaux en montagne et leurs conséquences socio-économiques.
BlueMount offre un telle coordination en facilitant les échanges entre chercheurs et acteurs des territoires de montagne et catalyse ainsi l’émergence de solutions fondées sur la science.
BlueMount s’adresse
- aux acteurs de la gestion durable des régions de montagne à la recherche d’experts, de connaissances, et de données scientifiques
- aux scientifiques de la montagne à la recherche de bases scientifiques sur lesquelles s’appuier pour leur travaux et pour développer ou améliorer les programmes de monitoring à long-terme des régions de montagne
Dans ce contexte, Luca développe des produits numériques pour faire correspondre la disponibilité des données et des connaissances avec les besoins de l'administration pour les cantons de Vaud et du Valais, et pour identifier les lacunes en matière de connaissances et de recherche pertinentes pour l'administration du territoire.
Hélène Cristofari a débuté une recherche postdoctorale le 1er novembre 2021. Son contrat d’une année porte sur l’élaboration du cadre conceptuel du programme de monitoring socio-écologique de BlueMount en collaboration avec le Jardin alpin Flore-Alpe de Champex et le Global Mountain Biodiversity Assessment (GMBA).
Les régions de montagne sont confrontées à des défis pressants tels que le changement climatique, dont l’impact est plus marqué à haute altitude, ou l'augmentation du tourisme telle qu’on l’observe dans les Alpes. Ces enjeux ont des conséquences à la fois écologiques et sociales, nécessitant ainsi un effort de recherche interdisciplinaire; de plus, il est nécessaire de développer des collaborations étroites entre les scientifiques et les gestionnaires, les politiciens et les autres parties prenantes concernées, afin de s'assurer que l'effort de recherche est orienté de manière à mener à de réels changements de gestion, efficaces et durables. L'interdisciplinarité scientifique et la collaboration interprofessionnelle nécessitent toutes deux une capacité à comprendre les points de vue des autres participants et à partager de manière constructive différents types de connaissances, différentes priorités, différentes valeurs : cela nécessite à son tour une compréhension partagée du sujet traité et un langage partagé pour discuter sans perpétuel malentendu .
Ainsi, le travail d'Hélène vise à soutenir le dialogue en développant un modèle de systèmes socio-écologiques de montagne qui peut être utilisé comme base de discussion entre divers scientifiques et autres parties prenantes. Pour ce faire, ils explorent les représentations des systèmes de montagnes chez une diversité de professionnels, du point de vue de l’individu (représentation personnelle, ancrée dans le métier de chacun mais aussi dans son expérience personnel plus large) et du point de vue de l’organisation (représentation institutionnelle, formelle). Ils envisagent de combiner ces représentations personnelles et institutionnelles dans un modèle qui synthétise leurs aspects communs et indique les points d'ambiguïté sur lesquels les acteurs doivent expliciter leur point de vue pour assurer une compréhension collective. Ils espèrent que le modèle fournira ainsi un cadre pour soutenir une discussion interdisciplinaire et interprofessionnelle, tout en aidant à rappeler des éléments des systèmes socio-écologiques de montagne qui peuvent être négligés, soutenant ainsi une approche plus holistique.
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Jacques Mourey a débuté une recherche post-doctorale au CIRM le 1er octobre 2020. Son projet, qui durera deux ans, porte sur l’impact du changement climatique sur les pratiques de la haute montagne. Le changement climatique actuel entraîne une évolution profonde et rapide des milieux de haute montagne dans les Alpes, principalement à travers la dégradation du permafrost etla fonte des glaciers. Il en résulte une modi cation des conditions de pratiques des activités touristiques et sportives qui s’y déroulent, notamment l’alpinisme. Dans ce contexte, ce projet interdisciplinaire se structure autour de trois objectifs principaux. Le premier est d’évaluer comment les conditions de fréquentation (dangerosité, technicité et saisonnalité) des milieux de haute montagne ont évolué pour les alpinistes depuis les années 1980 dans les vals d’Hérens, d’Anniviers et de Bagnes. Ensuite, les modalités d’adaptation des professionnels de l’alpinisme – guides de haute montagne et gardiens de cabanes – à ces nouvelles conditions seront étudiées. Ces deux premiers axes seront principalement basés sur des entretiens semi-directifs avec des acteurs de terrain et des études géomorphologiques sur certains secteurs clés. Pour finir, l’évolution de la fréquentation des cabanes et de l’accidentalité en haute montagne seront analysées comme marqueurs de l’adaptation des pratiques aux effets du changement climatique.
Au-delà de son caractère scientifique, la finalité de ce projet sera aussi de mettre à disposition des acteurs et des institutions des connaissances et des outils d’aide à la décision qui favorisent la mise en place de comportement adaptatifs.
Article paru dans l'Uniscope le 27 janvier 2022 :
https://wp.unil.ch/uniscope/lalpinisme-bouscule-par-le-rechauffement-climatique/
Christine Moos travaille sur la menace des sécheresses sur les forêts protectrices de montagne qui préservent les infrastructures et les habitations des aléas naturels. Les processus naturels dangereux, par exemple les chutes de pierres, peuvent influencer la structure et le développement des forêts par des perturbations locales et régulières. Une analyse des données empiriques de quatre sites valaisans et vaudois a montré que les chutes de pierres peuvent avoir un véritable impact sur la structure locale des forêts, avec de grandes différences entre les sites. Les diamètres des arbres ont tendance à diminuer avec une activité élevée de chutes de pierres. Cet effet est amplifié pour les sites avec une grande activité. La perturbation par les chutes de pierres est intégrée dans le modèle dynamique de forêt « TreeMig » sur la base de simulations des chutes de pierres et avec pour but de modéliser le développement de la forêt sous l’influence de la perturbation.
L’objectif principal du projet est de prédire l’impact du changement climatique sur l’effet protecteur des forêts. En combinant des simulations des chutes de pierres et l’analyse de risque avec des simulations dynamiques de la forêt, l’évolution de l’effet protecteur est quantifiée à long terme sous différents scénarios de changement climatique. Les premiers résultats indiquent que les forêts de plaine (Valais central) ainsi que les forêts des vallées à climat continental (vallée de Zermatt) pourraient souffrir des effets de la sécheresse, surtout sous un changement climatique fort. Cela impliquerait une diminution importante de la fonction protectrice des forêts de montagne.
Christine Moos a quitté le CIRM le 11 septembre 2021.
Janine Rüegg étudie l'écologie des zones de transition entre les cours d'eau alpins et les lacs, qui restent jusqu'à présent des interfaces très peu étudiées. Elle examine le lien entre les écosystèmes d’eau douce courante et stagnante (lac) dans la région de Derborence. Alors qu’en 2019, la recherche de terrain se focalisait sur les zones de transition des af uents, la campagne 2020 a étudié la dynamique temporelle du lien entre cours d’eau et lacs. Les capteurs ont été répartis pour mesurer la température, l’oxygène dissous, la lumière et la profondeur de l’eau des deux cours d’eau entrants (Derbonne, Chevillience), du lac lui-même et du cours d’eau sortant. Les diverses étapes du système d’eau douce sont (i) un débit élevé à la fonte des neiges apportant beaucoup d’eau froide, assimilant le lac à un cours d’eau à faible débit (juin/juillet), (ii) des apports de débit de base des cours d’eau avec un lac qui se réchauffe (juillet/août), (iii) un lac isolé quand les cours d’eau affluents se sont asséchés (août/septembre), et (iv) la reprise du débit avec les précipitations automnales qui refroidissent le lac (sept/oct). Les étapes (ii) et (iv) partagent des caractéristiques écosystémiques. En effet, les cours d’eau ont une influence limitée sur le lac même s’il peut présenter une certaine stratification thermique. Lors du travail sur le terrain, elle a mesuré le débit pour convertir la profondeur du cours d’eau en volume entrant et sortant du lac. Elle a aussi mesuré la bathymétrie du lac et, à partir des mesures du niveau d’eau du lac, avons modélisé le volume d’eau et la surface pour chaque jour. Après la fin de la fonte des neiges, le niveau du lac a rapidement baissé, ne se remplissant qu’après les précipitations. L’objectif final est de déterminer les effets écologiques de cet écosystème alternant des phases d’expansion et de régression.
Janine Rüegg a quitté le CIRM le 30 avril 2021
Günther Prasicek est la cheville ouvrière des travaux de recherche menés par l’UNIL sur le glacier du Gorner. L’influence de la dynamique glaciaire sur l’érosion et la production de sédiments est mal comprise, principalement en raison de l’accessibilité limitée à la base des glaciers. Les travaux sur le glacier du Gorner sont basés sur une approche pluridisciplinaire avec des contributions de la géomorphologie, de la glaciologie, de la télédétection et de la géologie. Les principaux objectifs du projet sont de quantifier la production totale de sédiments du glacier du Gorner, ainsi que sa variabilité spatiale, et de déterminer le lien avec le glissement basal.
Plusieurs activités de recherche ont été menées. La production de sédiments au front du glacier a été mesurée en 2019 et 2020, essentiellement la concentration de sédiments en suspension (CSS). Les échantillons d’eau ont été prélevés à la fois manuellement de manière sporadique et automatiquement avec un échantillonneur sur une base quotidienne. La CSS a été déterminée en laboratoire en filtrant et en séchant les échantillons d’eau. Elle est plus élevée pour un débit donné en début de saison de fonte.
La production de sédiments a également été mesurée manuellement en 2020 dans un cours d’eau à l’intersection entre le glacier du Gorner et le glacier de Grenz. La vitesse de la surface de la glace a été calculée à partir d’images satellitaires. La vitesse de glissement à la base du glacier a été déduite à partir de la vitesse de surface et de la pente en se basant sur l’estimation de l’épaisseur de glace et sur un modèle d’écoulement de la glace.
La production de sédiments a été comparée avec des mesures antérieures. Le débit d’eau est mesuré sous le glacier du Gorner depuis 1969 et des mesures de la production de sédiments en suspension existent des années 1970 à 1990 et pour 2016 et 2017. Ces données ont été combinées avec celles acquises dans cette recherche pour déterminer et comparer les tendances en matière de production de sédiments et de débits. La provenance des sédiments compris dans les échantillons a été dérivée en inversant deux traceurs indépendants : la composition minérale et l’âge de la formation rocheuse. Cela a permis de connaître la proportion des différents types de roche du bassin versant compris ,dans les échantillons. A partir de l’emplacement des roches mères, le taux d’érosion sous les différentes parties du glacier a pu être calculé. Les taux d’érosion ont finalement été comparés à la vitesse de glissement basal, ce qui a permis de déterminer comment le glissement basal contrôle l’érosion glaciaire.
Günther Prasicek a quitté le CIRM le 31 mars 2021.
Alexandre Elsig a mené un projet de recherche consacré aux dynamiques des pollutions industrielles dans la plaine du Rhône. Ces pollutions ont été dénoncées dès le début du XXe siècle et continuent de contaminer les sols, principalement à Viège, Chippis, Martigny, Evionnaz, Monthey ou Collombey. Le dépouillement des archives cantonales a montré que la captation de l’expertise scientifique, entre autres, permet de comprendre l’histoire de ces contaminations. Ainsi, le problème du mercure déversé par la Lonza était connu dès les années 1920, mais une seule et même personne, l’inspecteur de la pêche Maurice Vouga, a été chargé de sa gestion par l’Etat du Valais. Or Vouga
était aussi l’expert mandaté par la Lonza sur cette question. Ceci souligne les interpénétrations entre sphère industrielle, politique et scientifique dans la gestion des pollutions industrielles et leur invisibilisation. L’indemnisation des dommages, notamment agricoles, explique aussi l’acceptation des contaminations, tout comme la mainmise économique de ces usines sur les populations environnantes. Face aux pressions sociales des années 1970,
les directions ont menacé de fermeture et de chômage pour obtenir des concessions sur leur mise à niveau environnementale. Contrairement à l’idée selon laquelle ces pollutions étaient tolérées par manque de connaissance quant à leur dangerosité, la recherche d’Alexandre Elsig souligne que certains acteurs savaient et que d’autres ont choisi, consciemment, de faire passer le développement industriel avant la protection de la santé et de l’environnement.
Alexandre Elsig a quitté le CIRM en août 2020 pour rejoindre l’EPFL, au profit d’une bourse Ambizione du FNS pour une période de quatre ans.