La recherche en psychologie de la religion
Les recherches en psychologie de la religion visent à décrire et expliquer les comportements religieux, les représentations, croyances, attitudes ou pratiques religieuses et spirituelles des individus grâce aux théories et méthodes de plusieurs sous-disciplines de la psychologie (psychologie sociale, développementale, clinique, culturelle et de la personnalité entre autres). Adoptant les principes d’une démarche scientifique, les chercheurs affiliés à ce domaine travaillent les formes de religiosité variées qui s’expriment au sein de diverses traditions religieuses et hors d’elles, principalement dans le monde contemporains mais aussi à d’autres époques. Ces recherches sont organisées autour de quatre thèmes principaux :
Research in psychology of religion aims to describe and explain religious beliefs and behaviours, attitudes and representations, religious and spiritual practices of individuals. It approaches investigations through the use of psychological concepts and methods developed in social psychology, developmental psychology, clinical psychology, cultural psychology and psychology of personality among others psychological sub-disciplines. Conducted in accord with the principles of scientific inquiry, this research aims to explore various forms of religiosity expressed in (and outside of) different religious traditions, especially in the contemporary world, but occurring at other times too.
Sont formulées ici quelques considérations qui constituent le cadre de travail proposé en psychologie de la religion à Lausanne.
Pour un exposé plus détaillé de ces propos, on se reportera à :
Brandt, Pierre-Yves, "Quand la religion se mire dans la lorgnette du psychologue", in : Pierre Gisel et Jean-Marc Tétaz (éds) Théories de la religion, Genève, Labor et Fides, pp. 266-284, 2002.
Les indications de pages entre parenthèses renvoient à cet article.
1. « Parce qu'une religion est un système de croyances et de pratiques porté par une communauté humaine au cours des siècles, l'étude des religions impose d'adopter un regard qui englobe toute une société (dimension synchronique) et toute une tradition (dimension diachronique), autrement dit toute une culture. » (p.283-284)
2. Le psychologue qui s'intéresse au champ religieux se trouve confronté à une diversité de systèmes de croyances et de pratiques. Par conséquent, ce qu'il « aura envie d'appeler 'psyché' ne découpera pas forcément le même objet dans chaque système religieux. » (p.283)
3. « ... les psychologues eux-mêmes n'arrivent pas à se mettre d'accord sur l'objet dont s'occupe leur discipline. Les divers courants psychologiques sont fondés sur des théories en partie incompatibles entre elles. » (p.283). Il y a donc des psychologies : diverses théories psycho-affectives, cognitives, comportementalistes, psycho-sociales, etc. Une approche psychologique du champ religieux consiste à éclairer des conduites ou comportements religieux à l'aide de concepts et modèles élaborés par l'une ou l'autre de ces théories. Le choix d'approcher un fait religieux à l'aide d'une théorie ou d'un modèle psychologique plutôt que d'un autre dépendra de sa valeur heuristique. Parfois, il sera particulièrement profitable d'utiliser une approche croisée, c'est-à-dire de combiner l'éclairage provenant d'une théorie psychologique avec l'éclairage provenant d'une autre théorie psychologique.
4. La psychologie de la religion, en tant que sous-discipline de la psychologie, est une discipline issue de la modernité. Elle centre son attention sur l'individu. Elle suppose aussi une certaine conception de l'être humain, de son unité, de sa cohésion, de sa liberté propre, de la délimitation de ce qui est soi par rapport à ce qui n'est pas soi, etc., ainsi qu'une certaine représentation du monde (« désenchanté »). Elle suppose aussi certaines facultés psychiques : au sein de la culture occidentale, rares sont les psychologues qui doutent de l'existence de la raison, de la mémoire, des émotions, de la motivation, etc. (p.277 et 282)
5. C'est pourquoi, « il devient difficile d'adopter une approche strictement psychologique dans une culture qui ne suppose pas que l'individu soit un centre de conscience organisé et distinct de son environnement. En effet, une étude psychologique s'appuie sur le postulat que le comportement humain peut être expliqué en partant de l'observation des conduites individuelles en interaction avec l'environnement dans lequel elles se produisent. Cette explication consiste à inférer des règles de comportement qui sont attribuées au psychisme de l'individu. Elle devient difficilement opérante si l'individu n'est pas considéré comme le sujet de ses actions. Dès lors, le point de vue strictement psychologique doit s'effacer devant une approche plus large que je dirai anthropologique. » (p.279-280)
6. « Ce qui n'empêche pas que l'on puisse chercher à maintenir, à l'intérieur d'une approche anthropologique, un intérêt pour ce qui se passe au niveau de l'individu. Autrement dit : tout en adoptant un regard qui intègre l'ensemble culturel, privilégier la centration sur ce dont l'individu est le siège. Ce qui devient alors objet d'étude pour le psychologue, (...) ce sont les comportements religieux, les croyances religieuses, les sentiments religieux. Evidemment, ce n'est pas le psychologue qui décidera par lui-même que ces comportements, conduites, croyances, etc. sont religieux. Mais, c'est parce que ces comportements, conduites, croyances, etc. auront été désignés comme tels dans l'environnement culturel où il se trouve que le psychologue pourra les étudier d'un point de vue psychologique. » (p.280-281)
7. « Adopter un regard de psychologue sur les religions, c'est adopter un point de vue occidental sur l'être humain et sur le monde. Ce regard est forcément ethnocentrique lorsqu'il se porte sur la culture de l'autre. » (p.282) Il s'agit d'en être conscient.