Jacopo Schürch nous décrit ci-dessous son activité professionnelle, ses motivations dans le choix de ses études et de son métier, ainsi que son parcours post-études
En quoi consiste votre travail actuel ?
Je travaille actuellement en tant qu'expert des systèmes agroalimentaires à la FAO, dont la mission principale est d'éradiquer la faim et d’accélérer la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) adoptés par les Nations Unies en 2015. Mon rôle est de comprendre les systèmes agroalimentaires à tous les niveaux, afin de promouvoir les politiques publiques favorisant leur transition vers davantage de durabilité et de résilience. Je participe à l’organisation de formations et à la conception de « guides pratiques », ainsi qu’à diverses actions de soutien aux acteurs locaux dans les processus de transition dont par exemple : au niveau local, élaboration de stratégies de réduction du gaspillage alimentaire (transports, réfrigération, manutention); au niveau national, soutien à la création de comités inter-ministériels responsables de l’élaboration de politiques visant à garantir la sécurité alimentaire ; au niveau mondial, organisation de sommets pour identifier les meilleures stratégies de soutien aux pays concernés. J’ai ainsi l’opportunité de collaborer étroitement avec plusieurs agences des Nations Unies, ONG, gouvernements et autres parties prenantes pour garantir des impacts à long terme, et de me rendre régulièrement sur le terrain aux quatre coins du monde.
Quelles ont été vos motivations dans le choix de votre formation ?
Mon intérêt pour le développement durable s'est concrétisé entre le bachelor et le master. Ayant pris une année sabbatique pour faire mon service civil, j’ai eu l’opportunité d’aller au Nicaragua dans le cadre d’un projet d'agroécologie d’une ONG suisse. En collaboration avec une coopérative locale, nous avons aidé les communautés à améliorer leur sécurité alimentaire, à renforcer la durabilité de leurs activités et à accroître leur résilience face au changement climatique. De retour en Suisse, j'ai travaillé pour le canton du Tessin, sur des projets liés aux SIG et à l'aménagement du territoire. Ma passion pour le développement, la durabilité, ainsi que pour les systèmes alimentaires est née de ces expériences.
Pour poursuivre mes études, j’ai choisi l'orientation développement et environnement du master en géographie, en raison de cet intérêt profond pour les défis liés au développement durable, ainsi que pour les questions d'inégalités environnementales et d'économie politique. Ce programme me semblait particulièrement pertinent pour approfondir mes connaissances et compétences dans ces domaines, tout en m'offrant une formation avec de fortes composantes pratiques. Il me permettait ainsi de me préparer à aborder des problématiques globales, complexes et interconnectées de manière efficace.
Quel a été votre parcours après le master ?
Après l’obtention de mon diplôme, j'ai obtenu un stage à la représentation permanente de la Suisse auprès des Nations Unies à Rome (trouvé via Linkedin et le site de la Confédération). Durant celui-ci, j’ai eu l’occasion de représenter la Suisse lors de négociations multilatérales et de discussions sur des thématiques importantes et intéressantes. Cette expérience m'a permis de comprendre en profondeur les dynamiques des agences de l’ONU, ainsi que leurs interactions avec les États membres.
J’ai ensuite enchaîné différents poste toujours liés au développement durable, à Rome pour la FAO, en Suisse et au Nicaragua pour l’ONG Comundo, et me retrouve finalement depuis trois ans à la FAO, en tant que Junior Professional Officer suisse, spécialisé en systèmes agroalimentaires.
Les stages à l'étranger, les enseignements pratiques de master, ainsi que mon travail de mémoire sur les pratiques agricoles durables en Indonésie ont certainement joué un rôle important dans l'obtention de mon premier stage à Rome. Ma passion pour ces sujets m’a poussé à être proactif, à engager des conversations enrichissantes avec de nombreuses personnes, et à élargir mon réseau professionnel. Ces contacts ont non seulement enrichi mon parcours, mais ont aussi ouvert de nouvelles opportunités professionnelles.
Quelles compétences acquises durant vos études vous sont utiles actuellement ?
Le master m'a doté de compétences essentielles que j'exploite chaque jour dans mon travail. Parmi celles-ci, l'analyse critique, la recherche académique et de terrain, ainsi que l'intégration de perspectives variées dans la conception d’activités et projets se révèlent particulièrement précieuses, surtout lorsqu'il s'agit d'évaluer des politiques ou de développer des stratégies complexes.
Les approches théoriques acquises me permettent d'adopter une vue d'ensemble sur les défis auxquels nous sommes confrontés. J’utilise même mes connaissances en SIG, bien que limitées, ainsi que les notions d’urbanisme acquises durant le master pour des projets liés aux systèmes alimentaires urbains.
De plus, la richesse des échanges avec les autres étudiants et les approches pédagogiques diversifiées des professeurs ont largement contribué à affiner ma capacité à aborder les enjeux sous un angle multidimensionnel et collaboratif. En somme, ces compétences continuent de jouer un rôle crucial dans ma carrière professionnelle.
Quels aspects de votre travail vous plaisent le plus ?
Ce que j'apprécie le plus dans mon travail, c'est le dynamisme et la pertinence des sujets abordés, ainsi que la possibilité de voyager et de collaborer avec une diversité d'organisations et de gouvernements à travers le monde. Cette diversité enrichit non seulement mon expérience professionnelle, mais elle me permet également d'apprendre constamment des autres, en échangeant des idées et en découvrant de nouvelles perspectives. J'apprécie particulièrement l'environnement multiculturel et interdisciplinaire, où les échanges sont à la fois enrichissants et stimulants.
L'approche systémique de mon travail, qui me pousse à considérer les interactions complexes entre les différents aspects des systèmes agroalimentaires, est également très motivante.
Quels conseils donneriez-vous aux futur.e.s diplômé.e.s de master ?
La transition entre le master et la vie professionnelle peut être une période pleine de défis, mais c’est aussi un moment incroyablement riche en opportunités. Il est normal de se sentir un peu perdu ou de penser que les portes sont difficiles à ouvrir, mais c’est justement dans ces moments-là qu’il faut être audacieux. Ne craignez pas de changer de voie, d'essayer des choses nouvelles, ou de prendre un peu de temps pour trouver ce qui vous passionne vraiment. Vous avez toute une carrière devant vous, donc il n’y a pas de rush pour atteindre la stabilité financière ou professionnelle immédiatement.
Après le master, vous avez l’opportunité unique d’explorer différentes avenues, de vous lancer des défis et de vraiment découvrir ce qui vous motive. Soyez curieux, posez des questions, et continuez à apprendre. Le monde professionnel est différent de ce que l’on apprend en classe, mais c’est une chance de voir comment vos compétences peuvent s’appliquer dans la réalité. Gardez vos idéaux, activisme et cette approche critique que vous avez développée pendant vos études, mais apprenez aussi à naviguer dans le système, à collaborer avec lui. C’est en trouvant cet équilibre entre convictions et la réalité professionnelle que vous pourrez vraiment faire la différence.
De mon côté j'ai rencontré des moments difficiles, par exemple en changeant de poste quatre fois dans les trois premières années après mon master. Ces périodes ont été stressantes, notamment à cause de l'incertitude liée à la pandémie de COVID, qui a rendu la recherche d'emploi plus compliquée, surtout pour les opportunités à l'étranger. Pour surmonter ces obstacles, j'ai dû rester flexible et persévérant, tout en gardant un réseau actif pour saisir les rares opportunités qui se présentaient. J'ai aussi décidé de partir au Nicaragua malgré la pandémie, sans savoir comment la situation évoluerait, ni si je pourrais travailler efficacement dans un autre pays pendant cette période.
Ces expériences difficiles m'ont appris à m'adapter rapidement aux changements et à rester ouvert aux nouvelles opportunités, même dans des situations incertaines, ce qui a finalement enrichi mon parcours professionnel.
Quels sont vos objectifs pour la suite de votre activité professionnelle ?
J'aimerais travailler dans d'autres pays et régions du monde, particulièrement dans des bureaux de la FAO locaux, pour être plus proche de la mise en pratique et de l'implémentation des projets sur le terrain.
Auriez-vous une anecdote en lien avec votre parcours post-master à partager ?
Plutôt de m'arrêter sur une anecdote seule, je préfère partager ce qui m'a vraiment marqué dans mon parcours. Ce sont ces moments où, malgré les différences de milieu ou d'origine, on arrive à créer des espaces d'échange authentiques. Des moments où des personnes venant de contextes très variés – fermiers locaux, représentants d'organisations internationales, ou gouvernements – peuvent discuter ouvertement, sans jugement, et apprendre les uns des autres sur comment améliorer ou transformer leurs pratiques.
Par exemple, l'une des expériences les plus gratifiantes pour moi a été de voir de jeunes agricultrices expliquer comment elles ont transformé leurs pratiques agricoles pour les rendre plus durables et profitables. Observer des représentants de gouvernements et de grandes organisations internationales non seulement écouter, mais aussi véritablement apprendre de ces femmes et s'engager à changer leurs actions de soutien, c'est vraiment inspirant.
Ces échanges montrent que l'apprentissage est un processus continu et collectif, et que c'est en partageant nos expériences qu'on peut construire ensemble des systèmes plus durables et équitables. Pour moi, ces moments de connexion et de compréhension mutuelle sont vraiment au cœur de ce que je fais. Malgré toutes les difficultés, ils illustrent la puissance du dialogue et de la collaboration pour surmonter les défis globaux.