Développée par le Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), l’Université de Lausanne et l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, une nouvelle technique d’imagerie par résonance magnétique permet désormais de prendre des images de l’œil en mouvement et d’analyser simultanément tant ses caractéristiques anatomiques que neurophysiologiques.
Les mouvements oculaires constituent un obstacle majeur à l’imagerie de l’oeil, surtout pour les enfants, les personnes âgées ou les patients souffrant de maladies oculaires. Publiée dans Progress in Neurobiology, une étude menée par le Département de radiologie médicale du CHUV, l’Université de Lausanne et l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin (Fondation Asile des aveugles) montre qu’il est possible de prendre des images par résonance magnétique de l’oeil en mouvement, révélant de manière inédite des détails simultanés sur l’oeil, sa musculature et ses propriétés oculomotrices.
« C’est la première fois que des scientifiques sont capables d’imager l’oeil pendant qu’il se déplace, établissant ainsi un lien entre le comportement et l’anatomie. Cela ouvrira un nouveau domaine de l’IRM ophtalmique, où nous pourrons enfin combiner plusieurs évaluations au cours d’une seule et même séance rapide. Les applications sont infinies. Elles vont du diagnostic médical aux mécanismes oeil-cerveau », explique la Dre Benedetta Franceschiello, premier auteur de la recherche, qui a travaillé sous la direction du Pr Micah Murray, professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l'UNIL et investigateur principal du projet.
La technique développée est basée sur les récents progrès de l’imagerie par résonance magnétique qui permettent de prendre de nombreux clichés d’un objet qui bouge de façon répétée, comme les battements du coeur ou le mouvement de l’oeil. Spécialiste du domaine, le Pr Matthias Stuber, professeur ordinaire à la FBM, souligne : « Il y a cinq ans, cette recherche n’aurait pas été réalisable. Elle a été rendue possible grâce aux progrès réalisés dans le développement du matériel, des logiciels et des méthodologies dans un cadre universitaire ».
Soutenue par le Fonds National Suisse, l’équipe de recherche est composée de neuroscientifiques, d’ingénieurs, de mathématiciens et d’optométristes, issus des laboratoires de radiologie du CHUV, de l’Université de Lausanne, du Centre d’imagerie biomédicale (CIBM) et de la Fondation Asile des aveugles.
« L’approche que nous avons développée a un impact non seulement sur l’inclusion aux examens par imagerie des patients pédiatriques ou âgés, mais aussi sur l’étendue des paradigmes qui peuvent être analysés. Nous pouvons ainsi étudier la manière dont les perceptions sont construites lorsque nous déplaçons nos yeux sur une scène, une oeuvre d’art ou lorsque nous lisons. Un autre avantage de notre méthode est que la position des yeux peut être suivie même lorsque les yeux sont fermés. Cela ouvrirait de nouvelles possibilités dans des domaines tels que la recherche sur le sommeil et les rêves ainsi que, plus généralement, pour comprendre l’activité cérébrale dans les troubles de la conscience », souligne le Pr Micah Murray.
L’équipe affine actuellement cette technique pour l’optimiser et la rendre polyvalente pour une application clinique dans le domaine de l’ophtalmologie. Cette invention représente un tournant non seulement dans la façon dont les spécialistes étudient les yeux, mais aussi dans les neurosciences cognitives. Elle a également récemment démontré sa valeur en permettant la création de nouveaux protocoles, tant dans le domaine du diagnostic en ophtalmologie que dans celui de la réadaptation visuelle.
Images par résonance magnétique d’un œil en mouvement : voir l’animation
Légende: Cette nouvelle technologie permet l’acquisition d’images 3D des voies oculaires et cérébrales pendant que les yeux suivent une stimulation visuelle. Sur la partie droite de l’animation, on aperçoit le détail des mouvements synchronisés des yeux.