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Appel à communication : « Création, représentation et sociabilité au féminin : entre scènes publiques et spectacles de société (1650-1914) »

Colloque organisé par la Prof. Valérie Cossy (Section d’anglais/CIEL), la Prof. Valentina Ponzetto et M. Romain Bionda (Section de français/CET/FNS) les 7 et 8 avril 2022, à l’Université de Lausanne

Publié le 19 oct. 2021
© Petit Palais / Roger Violle
© Petit Palais / Roger Violle

Création, représentation et sociabilité au féminin : entre scènes publiques et spectacles de société (1650-1914)

7-8 avril 2022, Université de Lausanne, en présence et en ligne

Organisation : Valérie Cossy (Section d’Anglais/CIEL) ; Valentina Ponzetto et Romain Bionda (Section de Français/CET/FNS)

Depuis plusieurs siècles, l’industrie européenne du spectacle est peu favorable aux carrières féminines. Les actrices peuvent certes sembler nécessaires depuis le xviiie siècle, s’avérant de fait omniprésentes et régulièrement érigées au rang de « vedettes » ou de « divas ». Mais outre qu’elles n’ont fait leur véritable apparition sur les planches qu’à partir des xvie et xviie siècles, notamment en Angleterre, les femmes ont très peu investi d’autres types de carrières, dont elles ont d’ailleurs été exclues à plusieurs reprises par des lois ou plus généralement par les règles implicites de ce que l’on appelle aujourd’hui le « plafond de verre ». Ces autres carrières « masculines » concernent à la fois la création des pièces (les auteurs ou les compositeurs sont majoritairement des hommes) et leur production (en tant que directeurs de salle, impresarios, ou metteurs en scène). Rappelons par exemple qu’en France les comédiennes sont exclues du comité de lecture de la Comédie-Française à deux reprises : d’abord en 1683 (elles seront réintégrées au xviiie siècle), puis entre 1852 et 1910. Par ailleurs, l’article 5 de l’ordonnance royale du 8 décembre 1824, qui reste en vigueur jusqu’en 1864, défend aux femmes d’être entrepreneuses d'une exploitation dramatique ou directrices d’une troupe.

Aujourd’hui que les interdictions juridiques ne sont plus d’actualité, la part des femmes dans le monde du spectacle demeure minoritaire. Selon les derniers rapports de la SACD et de l’Observatoire de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la culture et la communication, leur participation est en général inférieure à 30% aux postes de direction des lieux de création et les œuvres d’autrices programmées dans ces mêmes institutions avoisinent les 11% du total et ne sont que rarement récompensées par des prix prestigieux.

L’invisibilisation des femmes s’avère en fait double : non seulement leur place est souvent marginale dans l’industrie du spectacle de leur temps, mais leur travail est encore occulté (par les contemporaines et contemporains) voire oublié (par les historiennes et historiens).

Ce colloque s’inscrit dans un effort commun et récent de réévaluation de la part et du rôle des femmes dans l’histoire, qui consiste notamment à dépasser le « déni d’antériorité » (Naudier, 2010) : la « rhétorique de la nouveauté », en privant « collectivement [les femmes] d’une filiation légitime », les empêche paradoxalement « de faire date en laissant une trace dans l'histoire littéraire ». Nous tenterons de dépasser également le simple catalogue ou répertoire encyclopédique de « femmes créatrices » au profit de démarches plus analytiques.

Ce colloque entend plus particulièrement contribuer à une meilleure connaissance de l’histoire des spectacles, en s’intéressant à l’étendue et à la complexité des parcours professionnels des femmes : nous interrogerons les « stratégies de carrière » mises en place pour contourner les obstacles rencontrés – notamment le détour par des formes spectaculaires non institutionnelles et privées. Dans le domaine théâtral, il peut s’agir de théâtre de société, de famille ou d’éducation, mais aussi de lectures de salon. Les carrières féminines peuvent comprendre l’écriture d’un « théâtre de lecture » (non joué, même si théâtralisable), la critique ou la traduction. Nous souhaitons vérifier, sur le temps long (1650-1914) et dans une perspective comparatiste (à l’échelle de l’Europe occidentale), l’hypothèse selon laquelle ces formes de spectacles, partiellement ou complètement écartées de la sphère publique, ont pu favoriser la créativité et l’agentivité des femmes, leur ouvrant des opportunités nouvelles ou inédites dans leur ampleur (par rapport à celles généralement offertes par l’industrie du spectacle). Il s’agira donc d’étudier les circulations entre ces deux sphères (privée et publique). Cette approche devrait permettre d’effacer à terme une distinction trop nette entre les pratiques privées et publiques, entre les pratiques amateures et professionnelles.

Nos quatre objectifs principaux seront donc les suivants :

  1. Montrer en quoi certaines formes marginales de spectacles s’avéreraient plus ouvertes aux femmes et leur permettraient la mise en place de stratégies de contournement des multiples obstacles à la fois moraux, socio-économiques, juridiques et pratiques qu’elles rencontrent ordinairement sur les scènes publiques.
  2. Vérifier dans quels cas ces formes permettent aux artistes femmes, surtout les actrices et les autrices, d’acquérir une légitimité qu’elles peuvent faire valoir sur les scènes publiques.
  3. Étudier l’usage concret que les femmes font de cette liberté accrue : investissent-elles de la même manière toutes les places et métiers, ou certains restent-ils principalement l’apanage des hommes (par ex. pour des raisons de compétences techniques) ? Quelle incidence le cumul des mandats – typique des scènes de société ou mineures, une même personne pouvant être à la fois, par exemple, autrice, actrice, costumière et metteuse en scène – a-t-il sur les femmes et leur trajectoire ? Quel poids la collaboration (notamment en couple) et la création collective, que ce soit dans l’écriture ou dans le passage à la scène, peuvent-elles avoir dans la production et la réception des spectacles ?
  4. Mesurer autant que possible les conséquences d’une présence et d’une agentivité féminine plus importantes sur l’esthétique des spectacles produits et sur le type de sociabilité entourant leur production et leur réception. Peut-on, par exemple, reconnaître un glissement dans les paradigmes et dans la hiérarchie des valeurs canoniques (en vigueur dans les salles officielles) à propos des choix des genres ou des sujets des pièces ? Remarque-t-on une différence dans les représentations littéraires et sociales, par exemple dans la caractérisation des personnages composés ad hoc ou dans la considération accordée aux actrices et autres performeuses ? Existe-t-il des témoignages de spectatrices et de spectateurs qui attesteraient d’une appréhension et d’une appréciation de ces différences ?

Pour ce faire, nous tâcherons d’étudier :

  • les diverses situations où s’exerce une sociabilité au féminin,
  • les stratégies de carrière des femmes de spectacle et les stratégies de contournement des obstacles rencontrés,
  • les carrières empêchées et/ou les œuvres mises à l’écart,
  • les circulations des formes et des spectacles élaborés principalement par des femmes,
  • le rôle des femmes dans la production et la réception de ces spectacles (y compris en termes de traduction et de critique),
  • les représentations de la condition féminine et des femmes de spectacle dans les répertoires dramatiques, mais aussi dans les romans, les mémoires et les correspondances, ainsi que leurs échos dans la presse.

Les propositions de communication, en français ou en anglais, composées d’un texte de 2000 à 3000 signes (1 page) et d’une courte bio-bibliographie d’une quinzaine de lignes au maximum, sont à envoyer avant le 20 décembre 2021 à :

Les personnes dont les propositions auront été retenues seront contactées le 15 janvier 2022.

Des modalités de participation à distance sont envisagées.

> Appel à contribution dans la rubrique "Documents"

 


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