Pour les 50 ans de la célèbre revue scientifique américaine, six chercheuses de l’institution lausannoise ont cosigné un article sur l’égalité des sexes dans le monde universitaire, à l’initiative de la Professeure Johanna Joyce de la FBM.
Que fait-on à l’échelle suisse, au niveau de l’UNIL et au sein de la Faculté de biologie et de médecine (FBM) pour atteindre la parité homme-femme dans le milieu académique ? À l’occasion de son cinquantième anniversaire, la revue scientifique CELL a publié un numéro spécial sur la thématique du genre. Sur l’initiative de Johanna Joyce (professeure ordinaire à la FBM) et récipiendaire en 2023 du prix Pezcoller-Marina Larcher Fogazzaro décerné à une chercheuse qui, par son leadership fait progresser les femmes dans la recherche sur le cancer, l’UNIL, la FBM et le CHUV y ont apporté une contribution avec un article sur la promotion de l’égalité dans les secteurs MINT (mathématique, informatique, sciences naturelles et techniques). Fruit de la plume de six auteures, dont, outre Johanna Joyce, Liliane Michalik (vice-rectrice égalité, diversité et carrières UNIL), Christine Sempoux (vice-doyenne relève académique et égalité FBM), Francesca Amati (professeure associée à la FBM), Caroline Pot (professeure associée au CHUV) et Slavica Masina (chargée de missions FBM), l’article propose des idées de mesures concrètes, basées sur des exemples ayant fait leurs preuves, pour lutter contre le phénomène de l’effet « ciseaux » traduisant la masculinisation des postes hiérarchiques.
Trois questions à Liliane Michalik et Christine Sempoux :
Ce phénomène de l’effet « ciseaux » est-il toujours d’actualité en Suisse ?
Liliane Michalik : « À l’échelle nationale, beaucoup de choses ont été faites au cours des dix dernières années pour essayer d’y remédier. Outre le fait que cela ne suffise pas à atteindre la parité homme-femme, ce qui nous inquiète, c’est qu’aujourd’hui on assiste à un rétropédalage des mesures mises en place. Certaines, telles que la bourse PRIMA par exemple, sont petit à petit stoppées ».
Christine Sempoux : « C’est vrai qu’il y a un peu cette impression qu’après dix ans, on y est, qu’il est temps de passer à autre chose, car on a fait le tour de la question. Mais dans les faits, nous sommes encore très loin d’une égalité. Déjà en 2017, l'actuelle vice-doyenne recherche et innovation de la FBM, la Professeure Claudia Bagni analysait en détail la problématique dans un article publié dans la revue Neuron et l'évolution reste lente par rapport aux constats de cet époque. D’autant qu’il y a tout un pan du spectre de la diversité, au-delà de la distinction homme-femme, qui n’a pas encore été couvert. Ainsi, les mesures que nous discutons dans l’article sont des leviers qui tendent aussi à favoriser l’inclusion de manière générale ».
Quelle est la situation à l’UNIL ?
Liliane Michalik : « En termes de chiffres, nous ne sommes toujours pas très bon élève. Mais depuis dix ans nous sommes tout de même passés de 22 à près de 30% de femmes professeures. Si encourager au changement a donc permis de faire des progrès, ceux-ci sont lents et cela n’a pas suffi à atteindre la parité. C’est pourquoi nous rendons certaines mesures obligatoires ».
Christine Sempoux : « En revanche, en termes de dynamique et de mise en place de mesures incitatives, nous sommes considérés comme d’excellents élèves à l’UNIL et nous sommes bien visibles pour ça à l’échelle suisse ».
Les mesures dont vous parlez dans l’article CELL, pouvez-vous nous en donner un bref aperçu ?
Christine Sempoux : « On évoque par exemple pour la FBM les postes de soutien durant les congés parentaux, les subsides quand un événement comporte plus de 50% d’oratrices, les bourses spécifiques aux moments clés de la carrière et le travail effectué avec le support de la commission EDI et des institutions pour créer un environnement respectueux des diversités. L’UNIL a également changé sa réglementation sur le recrutement professoral, en imposant une formation pour éviter les biais de genre et une composition plus diversifiée et mieux représentative des femmes dans les commissions. De plus, l’incitatif à ouvrir les postes professoraux au rang de professeur assistant en prétitularisation conditionnelle a été une mesure très positive en section des sciences fondamentales de la faculté pour élargir le bassin de recrutement aux femmes qui terminaient des post-doctorats ».
Liliane Michalik : « Oui, c’est vrai, car jusqu’au post-doctorat, la parité homme-femme est atteinte dans presque toutes les disciplines, c’est plus tard que l’écart se creuse. Lors des recrutements au niveau professoral et dans la progression de la carrière, le pourcentage de femmes diminue drastiquement. Par ailleurs, on mentionne aussi la notion de role model lors des recrutements. À l’UNIL, on essaie notamment de demander un minimum de deux femmes (lorsque cela est possible) dans les commissions pour accueillir les candidates ».