Président de la Section des sciences fondamentales de la FBM, le professeur a rejoint une équipe décanale "renforcée", comptant désormais 6 vice-Doyen·nes, amenant le regard de Dorigny. Interview.
D’origine française, Jérôme Goudet a posé ses valises à Lausanne en 1993, en provenance de Bangor, au Pays de Galles : c’est là, sur la côte galloise, face à l’île d’Anglesey, que l’ingénieur agronome s’initie à la génétique des populations. Changement de décor radical avec le lac Léman et ses montagnes en arrière-plan, mais le sujet reste le même. Il devient professeur assistant de l’UNIL, puis professeur associé en 2004. Voilà des années qu’il s’implique dans l’institution : il a codirigé son département, le Département d’écologie et évolution (DEE), supervisé le Master BEC (pour Behaviour, Evolution and Conservation) de l’École de biologie, et a pris en 2023 la présidence de la Section des sciences fondamentales (SSF), regroupant les départements de biologie de la FBM. Lui et sa vice-présidente Virginie Mansuy-Aubert ont d'ailleurs été réélus à leur poste au début novembre.
C’est au titre de président de la SSF que Jérôme Goudet est devenu en 2024 vice-Doyen ex-officio, en charge des Affaires SSF et des plateformes.
Quels sont, selon vous, les principaux enjeux de votre secteur au sein du Décanat ?
C’est un secteur double, avec des enjeux évidemment différents. Si je commence par les Affaires SSF, je veux d’abord m’assurer qu’on garde comme fanal l’excellence scientifique, qu’on continue à reconnaître, à explorer les frontières de la connaissance. Cela implique que les différents départements et groupes de recherche conservent leur spécificité, leur identité propre. Voilà ce vers quoi je tends : rappeler l’importance de la recherche fondamentale au sein de la Faculté de biologie et de médecine, où la clinique a un poids important. Quand j’ai pris la présidence de la SSF, avec ma colistière Virginie Mansuy-Aubert, notre idée était de faire entendre la voix de la SSF ; en intégrant le Décanat, je poursuis cet objectif. Il s’agit toujours d’être la courroie de transmission entre la SSF et le Décanat, mais aussi à l’inverse faire mieux comprendre les contraintes du Décanat, et de la Direction de l’UNIL, aux membres de la SSF.
Voilà, pour planter le décor. Nous avons également un dossier urgent : harmoniser les statuts des doctorant·es et des assistant·es diplômé·es au sein de notre section. Les premiers sont payés via des fonds externes, comme le FNS, tandis que les seconds sont payés par l’UNIL ; or ces deux sources de financement induisent des disparités, en termes de rémunération, de temps de travail, alors que les cahiers des charges sont quasi identiques. Tout cela génère beaucoup de tensions au sein des départements. C’est pourquoi nous souhaitons la création d’un statut de « doctorant·es UNIL », rémunéré·es sur des fonds internes à l’Université.
Venons-en aux plateformes, second volet de mon activité : nous disposons aujourd’hui de 13 plateformes, qui vont de l’histologie à la génomique, au séquençage de l’ADN de multiples espèces, en passant par la protéomique, la métabolomique et, dernière en date, une plateforme d’organoïdes. Ces plateformes technologiques, auparavant disséminées dans les départements, ont été regroupées il y a quelques années au sein du Décanat : par souci de réalisme économique, puisqu’elles représentaient un coût trop élevé pour un seul département, et parce qu’elles avaient un intérêt pour tous les départements.
Nous avons aujourd’hui en mains un magnifique outil, et nous devons nous assurer de sa visibilité au sein des laboratoires, de son adéquation aux besoins des chercheur·euses, et enfin qu’il reste toujours à la pointe. Son coût, aussi, est une préoccupation en cette période de restriction, du moins de statu quo budgétaire. Avec la fin de la manne fédérale, la disparition de la subvention R’Equip du FNS et du SEFRI pour l’achat de matériel dès 2025, nous allons devoir trouver d’autres sources de financement.
Je vois un dernier challenge : avec la réorganisation du Décanat de la FBM sous la législature en cours, la recherche, qui représente un énorme morceau, a été « splittée » entre quatre vice-Doyens. Il va nous falloir apprendre à travailler efficacement en équipe, à communiquer aussi !
Comment arriver à une « identité » FBM, à combiner harmonieusement biologie et médecine ?
Pour avoir une identité FBM, il faut que l’identité des éléments qui la constituent puisse être reconnue. Sur ce point précis, je pense qu’une meilleure représentation de la SSF au sein du Décanat est déjà un pas important. J’appuie également la stratégie du Décanat d’encourager les collaborations entre chercheur·euses SSF et SSC. Cela dit, même si beaucoup de départements SSF, voire la majorité, se situent à l’interface du fondamental et de la clinique, il faut reconnaître aussi que pour deux d’entre eux, le DEE, auquel j’appartiens, et le Département de biologie moléculaire végétale (DBMV), il ne va pas être facile de trouver des projets communs ! Il faudra faire preuve d’imagination, mais je pense qu’il y a des connexions à trouver avec Unisanté – des connexions qui existent déjà d’ailleurs ! - sur des thèmes comme la médecine sociale et préventive, la durabilité, l’écologie et la santé.
Et vous, qu’est-ce qui vous fait vibrer, en tant que chercheur, et en tant que professeur ?
J’ai la chance énorme de travailler dans le domaine de la génétique aujourd’hui, au moment où nous avons accès à l’ensemble des données du génome de l’ensemble des espèces. Cela nous permet d’avancer à grands pas. Depuis plusieurs années, mon organisme modèle est la chouette effraie : auparavant, il était impossible de savoir quels gènes étaient impliqués dans l’expression de la couleur ou de l’agressivité par exemple. Aujourd’hui, on peut le faire, et à un coût accessible : nous avons séquencé le génome de 3'000 chouettes, que nous pouvons croiser avec les données morphologiques et comportementales obtenues par mon collègue du DEE, le professeur Alexandre Roulin.
Concernant l’enseignement, j’enseigne une discipline passionnante, la génétique des populations, qui est finalement la mise en équation de la théorie de l’évolution de Darwin. C’est, je pense, un bagage très important pour les futurs biologistes, et pas seulement, puisque la génétique des populations est également utilisée en clinique.
Et parce qu’il n’y a pas que le travail dans la vie… une passion, un hobby qui vous permet de vous ressourcer ?
J’adore la montagne, été comme hiver, la randonnée, le ski, tout sport de glisse hivernal – bref je suis au bon endroit ! Je fais également du vélo et nous organisons chaque semaine, avec quelques collègues, un match d’unihockey : c’est mon petit challenge hebdomadaire ! On peut voir tout cela comme une façon de compenser la vie sédentaire du labo.
Il y a aussi le rugby : je ne pratique plus, mais j’en ai fait beaucoup, et mon cœur vibre toujours pour le Stade toulousain. Pour moi, cela sera toujours le ballon ovale, j’ai peu d’affinité avec le ballon rond. Pour le symbole, je note que nous sommes huit dans ce nouveau Décanat « renforcé » : or huit, c’est la taille d’une mêlée. Rien de tel pour souder une équipe, non ?