Rajeunir les cellules âgées pour améliorer la réparation osseuse

Avec le temps, notre corps a de plus en plus de mal à régénérer les tissus, ce qui complique la réparation des os et peut entraîner des défis de santé majeurs. Une équipe de la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l’UNIL a développé une stratégie en deux étapes pour restaurer la guérison osseuse chez la souris âgée, ouvrant des perspectives pour de futurs traitements des affections liées au vieillissement. Les travaux, récemment publiés dans eLife (Reviewed Preprint) et menés en collaboration avec des bioinformaticien·nes du King’s College, à Londres, et de l’Université Zhejiang, en Chine, se concentrent sur les os plats, notamment ceux de la voûte crânienne (calvaria), particulièrement vulnérables aux fractures chez les seniors.

Rétablir la capacité des os âgés à guérir

Les chercheur⸱euses ont découvert que le vieillissement réduit la quantité et l’efficacité des cellules clés dans la formation et la réparation osseuse – appelées ostéoprogénitrices –, ce qui limite fortement la capacité naturelle du corps à produire de l’os neuf et à réparer les lésions. Or augmenter simplement leur nombre ne suffit pas à corriger ce problème chez les rongeurs âgés, car les cellules elles-mêmes sont endommagées, y compris leur métabolisme, qui est essentiel à leur fonctionnement. Ce constat a conduit l’équipe à développer une approche innovante combinant deux méthodes: l’activation d’une voie de réparation cellulaire (signalisation Wnt) et l’intégration du jeûne intermittent. «Ensemble, ces stratégies ont restauré chez les souris âgées une capacité de guérison osseuse comparable à celle des animaux plus jeunes», détaille Joshua Reeves, premier auteur de l’étude et ancien doctorant au Département des sciences biomédicales (DSB) de la FBM et au Centre de thérapie génique et de médecine régénérative du King's College. Le jeûne intermittent, en particulier, a amélioré la santé et la fonction des cellules ostéoprogénitrices en stimulant diverses voies, y compris métaboliques, liées à la santé mitochondriale et à la production d'énergie cellulaire. Ces résultats prometteurs suggèrent que des changements alimentaires pourraient apporter des avantages significatifs aux os vieillissants et contribuer à restaurer leur fonctionnalité.

Ces effets bénéfiques ont également pu être reproduits grâce à des protocoles à court terme ciblant des voies spécifiques liées au NAD+ (une molécule essentielle pour l'énergie cellulaire et la réparation des tissus) ou le microbiote intestinal, qui sont affectés par le jeûne intermittent. «L’impact positif d’interventions ciblées telles que le jeûne intermittent, le renforcement de l’énergie cellulaire pendant de brèves périodes ou l’amélioration du microbiote intestinal par des traitements de courte durée, suggère fortement que les tissus vieillissants sont dans un état qui peut être inversé et qu’ils conservent leur potentiel de réparation, souligne Shukry James Habib, professeur associé au DSB qui a dirigé l’étude. Nos données ouvrent une voie de recherche fascinante où les interventions métaboliques et sur le microbiote peuvent être réutilisées pour traiter les lésions tissulaires chez les personnes âgées, dont la capacité de cicatrisation est considérablement réduite.»

Bien que ces travaux soient à leurs débuts et aient été réalisés chez la souris, les résultats offrent un aperçu de thérapies potentielles qui pourraient aider les seniors à guérir plus vite, renforcer leurs os et améliorer la réparation et la fonction d’autres tissus vieillissants, contribuant ainsi à une meilleure qualité de vie des populations âgées. Shukry James Habib est actuellement en discussion avec des clinicien·nes du CHUV pour explorer des opportunités d'essais cliniques visant à mettre en œuvre des interventions à court terme afin d'améliorer la récupération après fracture chez les patient·es âgé·es.

Légende complète de l’image :

Cette image illustre l’impact transformateur du jeûne intermittent sur la capacité des os âgés à se réparer. Inspirée de La Création d'Adam de Michel-Ange, elle montre une microtomographie (microCT) de la réparation osseuse à différentes étapes: os jeunes (13h), os âgés (22h) et os âgés soumis à un protocole de jeûne intermittent (18h). Les scans montrent le processus de guérison, avec le défaut osseux se refermant progressivement. L’ensemble est présenté sur une assiette symbolisant le rôle essentiel du rythme des repas et du jeûne intermittent dans la régénération osseuse.