Pour l'UNIL, l'aventure Hans Steiner débute en 2007 avec un séminaire commun sur les représentations de la guerre, dirigé par les professeurs Philippe Kaenel, en histoire de l'art, et François Vallotton, en histoire contemporaine. L'un des sujets proposés porte alors sur les représentations iconographiques du général, Ulrich Wille pour la Première Guerre mondiale et Henri Guisan pour la suivante. Un fameux portrait de celui-ci - que l'on peut encore voir au Buffet de la Gare première classe à Lausanne, par exemple - fait resurgir un grand photographe suisse passablement oublié : l'autodidacte Hans Steiner, mort prématurément en 1962, à l'âge de 55 ans.
Pour le Musée de l'Elysée, l'acquisition en 1989 d'un vaste fonds Steiner doté de 100'000 images réalisées entre 1930 et 1960 fournit la matière d'une première exposition consacrée à ce photographe, cinquante ans après la Mob, «l'année même de l'initiative pour une Suisse sans armée», comme le rappelle l'historien François Vallotton.L'année 2011 réunit le Musée et l'Université - les conservateurs Christophe Blaser et Daniel Girardin comme les étudiants des professeurs Kaenel et Vallotton - autour de la plus importante exposition jamais consacrée à Hans Steiner, en collaboration avec Memoriav, l'Institut suisse pour la conservation de la photographie et le Büro für Fotogeschichte. A la faveur d'un deuxième séminaire UNIL axé sur Steiner lui-même, les images du fonds ont été numérisées, datées et identifiées par une équipe de l'UNIL, qui s'est posé la question de l'usage de ces photos dans l'espace public, partant à la recherche des reportages réalisés par Steiner et publiés, recadrés, légendés, mis en scène dans la presse suisse de l'époque. Le service Unicom a créé une base de données isolant les images du fonds pour en faciliter l'accès aux étudiants et à l'équipe du Musée. Pour Jean-Jacques Strahm, responsable du site Unimedia sur lequel on trouve une «home Steiner», ce partenariat national au caractère exceptionnel «a permis de redécouvrir un photographe souvent associé à l'armée, mais qui a su montrer une Suisse inhabituelle, plus ouverte qu'on l'imaginait et disons plus joviale.»
A la conquête de l'EigerPour les professeurs Kaenel et Vallotton, «les photographies de Hans Steiner sont précieuses sur le plan esthétique et historique. Elles abordent tous les aspects de la vie quotidienne suisse entre 1930 et 1960, vie sociale, économique, politique, industrielle et campagnarde. Egalement aviateur, skieur et alpiniste, Steiner a percé sur la scène internationale avec ses reportages sur l'ascension de l'Eiger. En 1938, lorsqu'une cordée austro-allemande enfin victorieuse conquiert la face nord, il est là dans les coulisses de l'exploit et il va jusqu'à immortaliser l'évolution des alpinistes depuis un avion. Steiner, qui travaillait notamment pour les journaux du groupe Ringier, excellait également dans les sujets plus intimes, comme les portraits de l'enfance...»
L'exposition est accompagnée d'un catalogue réalisé par le Musée en collaboration avec l'UNIL. Les deux professeurs soulignent l'aspect collectif de cette aventure dans son ensemble. «C'est très rare qu'un objet photographique réunisse autant d'acteurs. Soutenue par la Confédération, cette expérience rassemble toute une série de compétences autour des savoirs universitaires, de la restauration et de la conservation. Le livre incarne ce partenariat et c'est une grande satisfaction, comme enseignants, d'avoir pu associer des étudiants du début à la fin d'un tel projet.» Dans un DVD supervisé par Daniel Girardin, le professeur Kaenel commente «un paysage emblématique figurant une centrale électrique avec, en arrière-fond, le Niesen, une montagne de l'Oberland bernois», tandis que François Vallotton s'intéresse pour sa part à l'image d'un enfant belge accueilli en Suisse à la fin de la guerre.