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L’action en annulation, ou le CTRL-Z très politique de l’UE

Publication - Dans un ouvrage coécrit avec des collègues allemands, Emmanuelle Mathieu, du Laboratoire d'analyse de la gouvernance et de l'action publique en Europe, jette une lumière politologique nouvelle sur l’outil juridique de “l’action en annulation”, seul à pouvoir mettre en cause les décisions des institutions européennes.

Publié le 03 déc. 2019
Emmanuelle Mathieu est Maître-Assistante au Laboratoire d'Analyse de la Gouvernance et de l'Action Publique en Europe, à l'IEP. Crédits photo : Guillaume Guenat.
Emmanuelle Mathieu est Maître-Assistante au Laboratoire d'Analyse de la Gouvernance et de l'Action Publique en Europe, à l'IEP. Crédits photo : Guillaume Guenat.

Comme tout système produisant des politiques publiques, le système décisionnel européen est complexe et traversé de luttes. Nombreux sont les groupes à en utiliser les rouages en fonction de leurs agendas.  

Dans Taking the EU to court: Annulment Proceedings and Multilevel Judicial Conflict, Emmannuelle Mathieu a décidé de “croiser une approche des politiques publiques avec les judicial politics, soit l’étude du droit, des juges et des tribunaux comme acteurs politiques" et s’intéresser à une action juridique très spécifique au sein de l’UE - l’action en annulation. Une procédure qu’on peut résumer ainsi:  

“Le recours en annulation fait partie des recours pouvant être exercés devant la Cour de justice de l’Union européenne. Par ce recours, le requérant demande l’annulation d’un acte adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union européenne.” (Eur-lex)  

Contextualiser les litiges  

Cette monographie, réalisée en collaboration avec Christian Adam, Michael W. Bauer et Miriam Hartlapp, tente de savoir pourquoi et avec quelles conséquences les différents acteurs et actrices utilisent les litiges devant la Cour de Justice dans le cadre de leurs conflits de politiques publiques. “D’où ces conflits partent-ils? Qui en sont les acteurs? Comment la Cour y réagit-elle et avec quelles conséquences ?, insiste la Maître assistante. Nous voulons intégrer le litige comme une partie du cycle des politiques publiques”.   

La chercheuse souligne que le rôle des tribunaux est déjà bien étudié en science politique, mais souvent de façon “décontextualisée”. “En général, ce qui est étudié est davantage le rapport de pouvoir entre la Cour de justice et les États-membres ou les autres institutions européennes. Ce que nous faisons, c’est remonter à la genèse des conflits pour les replacer dans leur contexte de politique publique.”   

Méthodes mixtes  

Mais comment cette recherche, qui s’est étalée sur plus de trois ans, s’est-elle faite, concrètement? “Nous avons utilisé diverses méthodes, développe Emmanuelle Mathieu. Nous avons une partie qualitative, basée sur des études de cas menées à partir d’entretiens, surtout pour comprendre la genèse des conflits.” Des témoignages venant d’Espagne, d’Allemagne ou encore de Belgique de celles et ceux qui ont lancé les actions en annulation, permettant de comprendre leurs motivations.  

Mais l’étude bénéficie aussi d’un pan quantitatif. Grace à une grande base de données sur l’ensemble des actions en annulation traitées par la Cour de justice, les scientifiques ont pu décrire différentes “configurations d’acteurs” qui s’y manifestent et leurs conséquences. “Cela nous a montré qui agit contre qui. Nous voyons que certaines institutions sont plus attaquées que d’autres, et que certains types d’acteurs sont plus enclins à utiliser les actions en annulation que d’autres”. La politologue souligne la variété des configurations de requérant·es et défendeur·eresses, qui évoluent parfois en configurations complexes à mesure que certains groupent se joignent aux requérants, ou viennent soutenir la défense de la décision institutionnelle mise en cause.  

Quelques résultats  

Cette recherche, soutenue notamment par la Swiss National Science Foundation (SNSF) et la Freie Universität Berlin et publiée par Palgrave, est en libre-accès sur internet (voir lien ci-contre). Et les résultats sont assez clairs, selon Emmanuelle Mathieu.  

Ainsi, entre autres, la scientifique développe sur les raisons qui motivent à utiliser l’action en annulation. Outre les questions économiques ou idéologiques, elle souligne l’importance des rapports de pouvoir institutionnels. En effet, certain·es acteur·rices utilisent la cour pour éviter, par exemple, que la Commission Européenne ne se prononce sur un objet dont ils et elles considèrent comme sortant de sa compétence - l’action en justice devient un moyen de contrôle sur les institutions. Aussi, cette démarche est parfois utilisée pour faire de la communication politique: Le bénéfice n’est pas direct pour les requérant·es, mais permet, selon le litige, “de défendre les intérêts d’acteurs infra-étatiques comme de grandes entreprises ou des gouvernements régionaux, afin de cultiver de bons rapports politiques avec eux."   

 G.Guenat 


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