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L’incroyable complexité architecturale des plantes

Assurer une croissance et un développement, parfois soutenus, sans risquer de se fragiliser. Tel est le délicat équilibre auxquels sont confrontés les végétaux. L’équipe de Julia Santiago Cuellar, professeure associée à l’UNIL, a mis en lumière comment un agencement judicieux de molécules de sucre, sortes de briques, fortifie la paroi végétale et lui permet de s’étendre sans exploser. Une découverte qui fait l’objet d’une publication dans l’édition du 9 novembre 2023 de la revue «Science».

Publié le 10 nov. 2023
Image 3D d'un tube pollinique d'Arabette des dames marqué moléculairement. Le signal vert montre la structure en forme de toile formée par les polysaccharides de pectine en liaison avec les complexes protéiques de la paroi cellulaire. Cet arrangement physique régulé par les protéines fournit un système de support permettant une croissance soutenue des cellules végétales. Ursina Rathgeb ©DBMV-UNIL
Image 3D d'un tube pollinique d'Arabette des dames marqué moléculairement. Le signal vert montre la structure en forme de toile formée par les polysaccharides de pectine en liaison avec les complexes protéiques de la paroi cellulaire. Cet arrangement physique régulé par les protéines fournit un système de support permettant une croissance soutenue des cellules végétales. Ursina Rathgeb ©DBMV-UNIL

Allier extensibilité, robustesse et fonctions protectrices

Les cellules végétales se distinguent par leur extraordinaire capacité à utiliser l'énergie solaire pour convertir le dioxyde de carbone atmosphérique (CO2) en sucres. Ces derniers sont une source inépuisable non seulement d'énergie, mais aussi de matériel de construction. Tels les maillons d’une chaîne, les sucres peuvent s’assembler et former de longs polymères, appelés polysaccharides. Disposés en un réseau complexe autour de la membrane plasmique des cellules végétales, ces polysaccharides permettent notamment de constituer la paroi cellulaire. Celle-ci va agir à la fois comme une barrière protectrice et comme le support d'un squelette pressurisé et extensible, conférant à la plante sa rigidité tout en permettant aux cellules végétales de s'étendre. Lorsque ces cellules changent de forme, grandissent ou se divisent, elles sont alors amenées à remodeler l'architecture de leur paroi cellulaire.

Croître sans exploser

Une question demeure toutefois : comment les cellules végétales organisent-elles la structure de leur paroi cellulaire pour pouvoir croître sans risquer d'exploser? Cette problématique, centrale en biologie végétale, est au cœur de la compréhension des mécanismes-clés de la croissance des plantes et de leur adaptation à des conditions environnementales en constante évolution.

Une croissance unidirectionnelle

Dans une étude qui vient de paraître dans Science, le groupe de Julia Santiago Cuellar, professeure associée au Département de biologie moléculaire végétale de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, en collaboration avec un groupe de scientifiques de l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE), à Versailles (France), apporte des éléments de réponse. «Nous avons mis en évidence un mécanisme actif qui, par le biais d'un complexe protéique, interagit directement avec les polysaccharides de la paroi cellulaire en les assemblant selon un schéma particulier favorisant l'expansion unidirectionnelle», détaille la professeure lausannoise, directrice des travaux.

Des fibres en forme de toile très résistantes

Afin d’analyser dans le détail ce processus, les scientifiques ont utilisé comme modèles des tubes polliniques d’Arabette des dames (Arabidopsis thaliana), des structures végétales unicellulaires d’environ 5 um et dotées d’une croissance très rapide. Leur étude a fait appel à une approche multidisciplinaire, combinant des techniques biochimiques, génétiques et de microscopie à super-résolution de pointe pour disséquer le cœur de ce mécanisme à la fois in vitro et in planta.

«Nos données montrent comment un complexe de protéines activé est responsable de tricoter des chaînes de sucres non structurées, les pectines, en un motif organisé de filaments réticulés», explique Julia Santiago Cuellar. Cet agencement tridimensionnel de fibres en forme de toile permet ainsi aux parois des cellules des tubes polliniques de résister à une haute pression de turgescence (grandissante) en soutenant une croissance continue, sans exploser. Cette structure s’apparente à un système de soutien solide, à l'instar d'une conduite d'eau résistante aux explosions.

«Notre découverte fournit la preuve moléculaire que les cellules végétales orchestrent l'organisation physique et chimique appropriée de leurs parois cellulaires pour soutenir la croissance et le développement de la plante», commente la biologiste.

Vers une agriculture plus durable

La compréhension des mécanismes complexes par lesquels les plantes façonnent et remodèlent activement leurs parois cellulaires est une étape fondamentale dans la recherche de cultures plus résistantes. «En créant des cultures capables de s'adapter et de prospérer dans des conditions environnementales changeantes, nous pouvons renforcer la sécurité alimentaire, réduire l'impact de l'agriculture sur l'environnement et contribuer à un avenir plus durable. Cette idée incarne l'intersection de la biologie végétale et de la biotechnologie, au service de l'innovation agricole», conclut Julia Santiago Cuellar.


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