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Le pont entre les labos, les animaleries et l’État

Jessica Lavier et Valentina Mercaldo sont les déléguées à la protection des animaux de la FBM. Dans ce rôle crucial, elles assurent la passerelle entre les scientifiques, les autorités légales et les équipes des animaleries.

Publié le 13 févr. 2025
Valentina Mercaldo & Jessica Lavier
Valentina Mercaldo & Jessica Lavier © Felix Imhof | UNIL

** English version attached (PDF) **

C’est sur le campus Biopôle à Épalinges, dans un bureau discret, que l’on trouve Jessica Lavier et Valentina Mercaldo. Du moins en théorie: les déléguées à la protection des animaux (Animal Welfare Officers, AWOs) de la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l'UNIL partagent leur port d’attache avec les autres membres de l’équipe de l’expérimentation animale, mais leur quotidien se déploie bien au-delà. Des animaleries aux laboratoires de recherche, en passant par les séances aux quatre coins de la Suisse, leur mission les conduit sur de multiples terrains. Interview croisée.

Pour commencer, pourriez-vous expliquer ce que c’est le rôle de délégué·e à la protection des animaux?

Jessica Lavier (JL): Selon la définition donnée par la législation suisse, les délégué·es à la protection des animaux veillent à deux aspects essentiels des demandes d'autorisation d’expérimentation animale: ces dernières doivent être exhaustives et chaque expérience doit être justifiée, conformément aux exigences légales et éthiques. Chaque institution menant des expériences avec des animaux doit désigner une telle personne.

En pratique, cela signifie que nous sommes le pont entre les chercheur·euses, les animaleries et les autorités légales, telles que la Direction générale de l'agriculture, de la viticulture et des affaires vétérinaires (DGAV). Cette dernière, anciennement connue sous le nom de «Service de la consommation et des affaires vétérinaires» (SCAV), est l’autorité cantonale qui représente la première instance réglementaire (voir schéma) pour l’expérimentation animale dans le canton de Vaud.

Schéma: Les différentes instances réglementaires de l’expérimentation animale en Suisse. Toute expérience sur des animaux et toute détention d’animaux de laboratoire sont soumises à autorisation. Dans leurs demandes d’autorisation, les chercheur·euses doivent expliquer pourquoi l’expérience est nécessaire, les bénéfices attendus, les contraintes pour les animaux et les conditions de détention. Les délégué·es à la protection des animaux (AWOs) aident à préparer la demande et assurent son exhaustivité et conformité éthique et légale. La Commission d’éthique cantonale pour les expériences sur les animaux examine la demande, clarifie les questions avec les chercheur·euses et les AWOs, et émet une recommandation: refus, acceptation avec charges (p. ex. utilisation de moins d’animaux) ou acceptation. L’autorisation est délivrée par l’office vétérinaire cantonal (DGAV dans le Canton de Vaud). L’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) contrôle la décision cantonale et peut demander des corrections. Pour les questions complexes ou controversées, les autorités vétérinaires peuvent demander l’avis de la Commission d’éthique fédérale pour les expériences sur les animaux. La durée de validité d’une autorisation est limitée à trois ans maximum.

Valentina Mercaldo (VM): Concrètement, c’est à nous de garantir que les demandes d’autorisation respectent les cadres éthique et légal. Nous accompagnons les scientifiques dès la conception de leurs protocoles, en les orientant vers les meilleures pratiques selon le principe des 3R, puis nous contrôlons l’application des procédures approuvées. Au niveau éthique, nous nous assurons notamment que chaque expérience soit indispensable, conformément à la pesée des intérêts* exigée par la loi suisse.

Nous sommes donc en contact permanent avec les chercheur·euses, mais aussi avec les équipes des animaleries, qui jouent un rôle crucial: avec environ 250 licences de projets autorisés à la FBM, elles sont nos yeux sur le terrain et nous aident à maintenir une vision d'ensemble des expériences en cours. Nous avons également des échanges quotidiens avec la DGAV, que ce soit pour les visites de contrôle ou les questions relatives aux procédures expérimentales.

Passez-vous plus de temps au bureau ou dans les animaleries?

VM: Cela varie beaucoup en fonction des tâches en cours, mais nous passons effectivement pas mal de temps dans les animaleries. Ensuite, nous lisons les protocoles, nous nous familiarisons avec les réglementations et les directives – tout cela se passe devant l’ordinateur. Et finalement nous nous déplaçons souvent pour des rencontres avec des chercheur·euses sur plusieurs sites de la FBM et assistons à des séances avec d’autres collègues et partenaires dans toute la Suisse, par exemple avec l’EPFL ou avec les délégué·es à la protection des animaux d’autres universités.

JL: Nous collaborons aussi étroitement avec l’équipe des infrastructures et la direction des animaleries au décanat de la FBM pour tout ce qui concerne la logistique. Nous veillons par exemple au bien-être des animaux lors des transferts entre institutions, ou nous renseignons sur la disponibilité des équipements spécifiques pour certaines expérimentations.

Vous partagez ce rôle entre deux personnes, ce qui est plutôt unique. Comment cela se passe-t-il?

VM: C’est surtout rassurant. Pouvoir échanger, avoir un deuxième avis et partager la charge de travail est vraiment précieux. Cependant, cela demande une excellente entente entre nous, car nous partageons également la responsabilité et devons nous accorder sur les décisions.

JL: Je confirme, ça fonctionne très bien. Même si, logistiquement, ce n'est pas toujours facile, étant donné que nous poursuivons toutes les deux d’autres activités en parallèle. Mon travail se partage entre la direction de l’expérimentation animale et l’École de biologie, tandis que Valentina a continué son activité de chercheuse en neurosciences jusqu’à récemment.

Vous avez toutes les deux un background scientifique. Est-ce que vous le considérez important pour votre rôle actuel?

JL: Absolument, c'est même une exigence légale. Pour devenir délégué·e à la protection des animaux, il faut avoir suivi la formation qualifiante (Modules 1 et 2). Comme prérequis, il est obligatoire d'avoir un titre académique dans le domaine et trois ans d'expérience en expérimentation animale.

VM: Au-delà des exigences légales, connaître le fonctionnement de la recherche depuis l’intérieur nous permet d'entrer dans les détails des protocoles d'expérimentation et de discuter d'égal à égal avec les chercheur·euses. Une compréhension approfondie de la démarche scientifique – de la conception des expériences aux besoins statistiques pour obtenir des résultats fiables – est cruciale.

Dernière question: qu’est-ce que vous appréciez le plus dans votre quotidien?

VM: Ma préférence va sans doute aux interactions avec les chercheur·euses, discuter des expériences concrètes.  

JL: C’est la diversité des tâches que j’apprécie le plus dans ce poste. Il faut dire que nous vivons une période particulièrement stimulante pour les délégué·es à la protection des animaux en Suisse. Il y a plein de révisions législatives en cours, et nous participons dans un rôle consultatif aux discussions tant au niveau cantonal que fédéral. Ces échanges sont toujours enrichissants et nous donnent l'opportunité d'apporter notre expertise de terrain. Une chose est sûre : dans ce domaine en constante évolution, on ne s’ennuie jamais !

>> Read the interview in English here.

* La pesée des intérêts est un concept central dans la réglementation suisse sur l'expérimentation animale. Avant d'autoriser une expérience sur les animaux, la loi exige que les expérimentateur·trices évaluent si les bénéfices attendus pour la société justifient les contraintes imposées aux animaux. Cette évaluation compare d'un côté l'importance des connaissances que l'expérience pourrait apporter (par exemple pour traiter une maladie) et de l'autre côté le niveau de souffrance ou de stress que subiraient les animaux. Une expérience ne peut être autorisée que si les bénéfices l'emportent clairement sur les contraintes, et s'il n'existe pas d'autres méthodes pour obtenir ces connaissances. Cette approche reflète la position éthique de la Suisse qui reconnaît la valeur des animaux tout en permettant la recherche nécessaire au progrès médical et scientifique.

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Pour aller plus loin:

Congéler les embryons pour réduire le nombre d'animaux utilisés pour la recherche? C'est ce que propose la plateforme de cryopréservation (mouse embryology platform) de la FBM. À découvrir dans un prochain article en mars 2025.

 

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