A quel point ces dieux sont elles/ils...? Une double approche dimensionnelle-catégorielle des marqueurs de sexe dans des dessins d’enfants.
Grégory Dessart (doctorant), Christelle Cocco (post-doc FNS senior) et Pierre-Yves Brandt (Professeur ordinaire), ISSRC (FTSR)
La méthode du dessin donne accès à diverses stratégies de mise en représentation de dieux chez l’enfant (Brandt et al., 2009; Dandarova, 2013; Ladd et al., 1998). Parmi celles-ci, nous pouvons retrouver, d’une manière plus ou moins complexe, l’inclusion et l’articulation entre eux de marqueurs de sexe.
Jusqu’alors, les dessins de dieux ont principalement dirigé l’attention sur une catégorisation dichotomique (mâle vs. femelle), occultant bien souvent les scénarios suivants: aucun marquage de genre n’est reconnu (catégorie asexuée), ou plusieurs appartenances catégorielles coexistent (catégorie polysexuée).
En supplément à une telle approche catégorielle, il semble important d’observer comment des marqueurs de sexe peuvent être plus ou moins prononcés par l’enfant, donnant lieu à une représentation graphique qui, au final, pourra être considérée par sa correspondance à une catégorie construite (Riegel & Kaupp, 2005).
Dans la présente étude, 399 dessins ont été évalués, et ont chacun reçu deux scores dimensionnels (sur une échelle de type Likert) pour les traits féminins et masculins, respectivement. Le marquage genré de la figure représentée a pu être abordée par la nature continue des données, et ainsi rendre compte d’une évolution constante d’intensité avec l’âge de l’artiste. Partant de ces scores dimensionnels, une re-catégorisation, sur base de la moyenne, a permis de classer les dessins en quatre catégories: femelle, mâle, asexuée et polysexuée.
Au-delà de cette complémentarité de méthodes, il est marquant de constater que la distribution des catégories retenues, selon l’âge et le sexe reconnu de l’enfant, est similaire à celle des héros chez l’enfant (Holub et al., 2008).
Ces résultats sont interprétés à la lumière d’une théorie socio-cognitive rendant compte de l’internalisation des normes de genre et de son évolution, correspondant à l’apprentissage social, au développement cognitif et aux aspects motivationnels individuels (Bussey, 2011; Bussey & Bandura, 1999).
__________
Références:
Brandt, P.-Y., Kagata Spitteler, Y., & Gillièron Paléologue, C. (2009). La représentation de Dieu: Comment les enfants japonais dessinent Dieu. Archives de Psychologie, 74 (290-291), 171-203.
Bussey, K. (2011). Gender identity development. In Handbook of identity theory and research (pp. 603- 628). Springer New York.
Bussey, K., & Bandura, A. (1999). Social cognitive theory of gender development and differentiation. Psychological review, 106(4), 676.
Dandarova, Z. (2013). Le dieu des enfants: Entre l'universel et le contextuel. In P.-Y. Brandt, & J. M. Day (Eds.), Psychologie du développement religieux: Questions classiques et perspectives contemporaines (pp. 159-187). Genève: Labor et Fides.
Holub, S. C., Tisak, M. S., & Mullins, D. (2008). Gender differences in children’s hero attributions: Personal hero choices and evaluations of typical male and female heroes. Sex Roles, 58(7-8), 567-578.
Ladd, K. L., McIntosh, D., & Spilka, B. (1998). Children's God concepts: Influences of denomination, age and gender. International Journal for the Psychology of Religion, 8, 49-56.
Riegel, U., & Kaupp, A. (2005). God in the mirror of sex category and gender. An empirical-theological approach to representations of God. Journal of Empirical Theology, 18(1), 90-115.