Au fil des émotions. Ethnographie d'une parole sous tension
Sous la direction de Laurence Kaufmann, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
Ce travail cherche à analyser les différentes facettes des émotions dans la communication de bénévoles d’une association d’aide d’urgence par téléphone. À la fois possibilisantes et contraignantes nos sentiments nous orientent avec plus ou moins d’intensité dans nos activités privées et professionnelles. Dès lors, il sera question, au travers d’une ethnographie de l’association « La Main Tendue » de Lausanne, d’observer comment les émotions participent au parcours des bénévoles. Effectuer des services de permanence de soutien par téléphone exige des compétences communicationnelles – être ajusté·e et répondre tant aux attentes des personnes qui appellent qu’aux objectifs que s’est fixé l’association – mais aussi personnelles – il faut pouvoir encaisser ces appels éprouvants. Consciente de ces enjeux, l’association propose un encadrement orienté autour du collectif. Pour observer ce phénomène au mieux, nous partirons de la formation des bénévoles, de leur accompagnement lors des premiers mois jusqu’à ce qu’ils et elles deviennent, au fil d’un parcours quasi initiatique, des répondant·e·s de la Main Tendue avant d’observer ce que met en place l’institution pour continuer à soutenir ses membres par la suite, notamment au travers de groupes de partage et de soirées d’équipe. Par l’immersion ethnographique dans ces différents lieux, nous souhaitons déplier la circulation des émotions portées par les bénévoles afin de proposer une analyse fine des enjeux émotionnels qui pourraient très bien dépasser le cadre de cette étude de cas.
Expérience de la maladie chronique d’enfants vivant avec une épilepsie. Entre prescription médicale et proscription des crises, des co-temporalités inscrites dans la chair
Sous la direction de Daniela Cerqui Ducret, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne et Sophie Arborio, Université de Lorraine et Centre de Recherche sur les médiations à Metz
Contribuant à la constitution d’une anthropologie hospitalière des enfants dédiée aux maladies chroniques, cette thèse consiste à penser l’expérience d’enfants vivant avec une épilepsie, pathologie stigmatisante et empreinte d’un lourd bagage socio-historique. Afin d’y répondre, cette recherche ethnographique vise à interroger le sens donné à la maladie à travers la manière dont les pratiques de prescriptions sont élaborées et réappropriées par enfants, proches et professionnels de la santé les entourant. Dépassant les simples objectifs de soins, la prescription médicale se veut une véritable action politique, au sens où elle met en forme la relation entre les patients, leur entourage et l’institution soignante dans toutes les dimensions de pouvoir du soin: économiques, sociales, culturelles et symboliques. Les sens multiples que peut revêtir la prescription montrent par ailleurs que les objectifs identifiés par ces différents acteurs ne sont pas forcément les mêmes, et peuvent amener à des décalages en termes d’attentes et de pratiques. Ainsi, entendre leur savoir acquis à travers leur pratique de la maladie, donne lieu à une réflexion récente en anthropologie, qui permettrait non seulement de revisiter les fondements épistémologiques des dichotomies experts/profanes ou savoir/expérience, mais également de dépasser celle qui sépare soignants/soignés dans leur rapport à la connaissance.
Négocier les frontières du visible : La « pornographie alternative » dans l'espace public
Sous la direction de Gianni Haver, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
Résumé à venir.
« Avec amour et rage » Ethnographier les ressorts émotionnels de l'engagement politique : le cas du collectif Extinction Rebellion
Sous la direction de Laurence Kaufmann, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
La remise en compte de valeurs hégémoniques à travers des actions menées par des mouvements citoyens, notamment en ce qui concerne le rapport de la société à l’environnement, est un sujet au centre des préoccupations politiques et sociales actuelles. Extinction Rebellion (XR) est un mouvement « en lutte contre l’effondrement écologique et le réchauffement climatique » d’origine anglaise et basant ses actions sur les principes de la désobéissance civile non violente. Celui-ci a su faire parler de lui au milieu de cette effervescence tant par ses actions fortement médiatisées et parfois impressionnantes que par sa rapide extension à travers le monde. Dans le cadre de ma thèse de doctorat, je mène une ethnographie participative au sein d’une section de ce
collectif basée à Lausanne en Suisse romande. La question des valeurs à défendre est au centre des fondements de XR et chaque nouveau membre se doit d’y adhérer afin de pouvoir faire ses premiers pas au sein du mouvement. L’écoute et le partage des ressentis, des émotions et des inquiétudes (les siennes et celles des autres) se retrouvent également au centre des préoccupations du collectif. Il semble dès lors que les émotions puissent être perçues et analysées en termes de ressorts à l’engagement politique en sein du mouvement. Elles sont partagées et mises en commun afin de « faire collectif » à travers elles et passent ainsi d’émotions individuelles à des émotions collectives potentiellement mobilisables lors de discours et évènements publics.
La photographie de presse : de l'actualité à l'iconisation.
Sous la direction de Gianni Haver, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
« Migrant mother », « Napalm Girl », « La piétà du Kosovo » : autant de clichés qui ont marqué l’histoire visuelle contemporaine. Ces photographies, arrachées à l’instant, dépassent leur fonction documentaire pour s’imposer comme des symboles universels. Pourtant, toutes les images issues de l’actualité sociopolitique n’ont pas la même destinée. Pourquoi certaines deviennent des icônes alors que d’autres sombrent dans l’oubli ? Qu’est-ce qui confère à une photographie le pouvoir de transcender l’évènement pour s’inscrire dans la mémoire collective?
Cette thèse interroge ce moment charnière où une image ne se contente plus de documenter l’actualité, mais devient l’évènement lui-même. Dans une approche sociohistorique inspirée des Visual Studies, cette recherche interroge le rôle des images dans la construction des représentations collectives. Plutôt que d’appréhender la photographie comme une simple illustration de l’actualité, elle la considère comme un objet social, dont la trajectoire est façonnée par des médiations successives. La photographie est un artefact culturel en perpétuelle transformation, dont le sens évolue au gré des contextes historiques et des usages culturels. L’image iconique n’est pas figée : elle est un espace de négociation où se croisent acteurs médiatiques, institutions et publics, chacun contribuant à la redéfinir.
Pour comprendre cette transformation, cette recherche s’appuie sur un corpus de quinze photographies, sélectionnées pour leur pertinence scientifique, leur cohérence thématique et leur représentativité historique. Loin d’être un phénomène spontané, l’iconisation d’une photographie est le résultat d’un processus social structuré, d’un schéma récurrent articulé autour de quatre grandes phases : visibilisation, valorisation, légitimation et symbolisation. Ce processus, où se mêlent visibilité médiatique, reconnaissance institutionnelle et réappropriation culturelle, façonne le statut des images et les transforme en références visuelles partagées. En interrogeant les rouages de cette fabrique de l’icône, cette recherche s’offre tel un regard sur la construction des symboles et leur rôle dans la perpétuation des valeurs morales.
Histoire sociale du jeu vidéo en Suisse romande (1972-2000)
Sous la direction de Gianni Haver, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
Ce projet de thèse vise à problématiser l’Histoire du jeu vidéo, à la fois sous l’angle du local, en s’intéressant à la Romandie, et sous un angle de la réception depuis sa démocratisation en 1972 jusqu’en 2000.
Alors que les études du jeu vidéo ont émergé en définissant formellement leur objet (Triclot, 2011), l’Histoire du média s’est retrouvée reléguée à une histoire des jeux vidéo, concentrée sur la production et reconnue pour son américanocentisme (Wolf, 2014 ; Donovan, 2015 ; Blanchet & Montagnon, 2020).
Cette recherche propose de profiter des apports des play studies, (Triclot, 2011 ; Zabban, 2012/3) qui offrent une alternative théorique à l’approche formelle du jeu vidéo, pour questionner la variété des expériences ludiques subjectives, les réceptions et les pratiques ordinaires du jeu vidéo et leur ancrage dans des contextes matériels, spatiaux, temporels et culturels particuliers (Zabban, 2012/3 ; Ter Minassian et al., 2021). Ainsi, dans le sillage des local game histories, (Swalwell, 2021) qui cherchent à concurrencer le discours dominant de l’industrie étatsunienne, ce travail cherchera à cartographier et documenter au niveau romand la production, la distribution et la réception de la culture vidéoludique. Ce travail s’inscrit alors en complément aux initiatives émergeantes de documentation et patrimonialisation du jeu vidéo Suisse. (Pfister & Rochat, 2021 ; Javet & Pellet, 2015)
Pour mener cette recherche d’Histoire sociale (Prost, 1996), ce projet articule un travail de critique de sources archivistiques avec les outils de l’Histoire orale (Descamps, 2015 ; Ritchie, 2010 ; Leavy, 2011) qui permettent de pallier les limites des sources matérielles et logicielles pour documenter les expériences ludiques subjectives. Considérant l’urgence de récolter de tels témoignages vue la disparition inéluctables des acteur.ices (Blanchet & Montagnon, 2020), cette synergie méthodologique permettra de construire et interroger une mémoire inédite – locale et indexée aux pratiques ordinaires – du jeu vidéo.
Polarization and solidarity in the context of crisis: a mixed-method study of online and offline mobilization during the COVID-19 pandemic
Sous la direction de Laurence Kaufmann, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
At first sight, the European debate around Covid-19 polarized society into two camps: the majority of citizens who supported the political crisis management, and so-called “corona skeptics” who protested against protective measures. Even if some research suggests that a strong social media use correlated with weak support of the political crisis management, less is known about doing solidarity at corona rallies and news reception in digital arenas. These social practices may have amplified risk perception, but also helped to make sense of the permanent confrontation with bad news by integrating crisis narratives in trajectories of personal experience and biography. Motivated by the widely discussed question of whether the Covid-19 pandemic increased the polarization of society, this article-based thesis uses (1) participant observation and field interviews with street activists in Germany and France, (2) a qualitative and quantitative analysis of news reception in commented citation cascades on X/Twitter, and (3) an investigation on opinion leaders in digital news dissemination chains.
Du sang et de l'encre. La médiatisation des conflits armés : l'invasion russe de l'Ukraine de 2022 et les médias helvétiques.
Sous la direction de Gianni Haver, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
Résumé à venir.
Sociophénoménologie. Rassembler les sciences sociales autour de l'expérience d'un rappeur romand.
Sous la direction de Laurence Kaufmann, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
L’interrogation au point de départ de mon projet de recherche se situe dans une volonté d’éclairer sous un nouveau jour ce que l’on nomme en sociologie « l’ontologie des collectifs », en d’autres termes leur nature, en basant ma réflexion sur les liens pouvant réunir l’expérience phénoménologique et l’expérience publique. Face à un diagnostique de décollectivisation et de dépolitisation de la société, ma thèse propose une série de déplacements de l’attention scientifique sur les plans empirique, épistémologique et méthodologique. Je me suis ainsi intéressée aux processus de communication et de publicisation que l’on peut rencontrer dans le hip-hop et le rap sur un terrain romand. Pour mener mon enquête, je me suis appuyée sur le suivi d’un rappeur, LK, et sur son expérience vécue en première personne du singulier, notamment de l’écriture, afin de décrire plus finement les médiations permettant de comprendre l’expérience publique, potentiellement politique, et ses enjeux. À partir de données de natures diverses (vidéophénoménographie, entretiens d’explicitation, corpus de chansons, corpus de graffitis du collectif de LK nommé LES UNS) et à la suite d’analyses détaillées mobilisant une pluralité d’outils prenant l’expérience au sérieux, deux résultats principaux et originaux ont pu être développés. Le premier est relatif au suivi de LK et montre que les différents modes d’existence du monde social décrits en sociologie correspondent en réalité à des niveaux de conscience différents chez l’individu. Le second résultat est lié à la configuration relationnelle proposée par LES UNS qui se déploie à partir des médiations propres à l’écriture. En pratiquant un genre de rap que je qualifie d’autographique, le collectif hip-hop se présente comme un collectif d’expression de soi s’appuyant sur une mise en forme et en sens d’une face sombre de l’altérité à soi. Cette dernière nous donne à penser la possibilité même de l’intersubjectivité et nous amène à interroger de manière plus générale les conditions de vie en commun et l’engagement politique du point de vue de subjectivités tourmentées et abîmées par la vie.
"Il faut vous montrer optimiste, sinon on ne suit pas". Prise et emprise du traitement de la question écologique à la Radio Télévision Suisse
Sous la direction de Laurence Kaufmann, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
Cette thèse vise à articuler une sociologie des problèmes publics avec une sociologie du journalisme et des médias autour de l’enjeu de la crise écologique. Le but général de cette recherche est de participer, à partir de la RTS, à la compréhension du rôle que jouent les médias de masse en Suisse dans la figuration que la société suisse se fait d’elle-même, de son environnement et de leurs rapports ; ainsi que dans les (re)configurations du problème de la crise écologique. Elle s’appuie sur un travail de mémoire de master faisait apparaître que les questions écologiques au 19h30 sont naturalisées, individualisées et se régulent dans l’activité marchande réunissant le pôle des producteurs ‘‘verts’’ et celui des ‘‘citoyens consommateurs responsables’’, le tout organisé autour d’une « prise de conscience ». Cette thèse vise, d’une part, à prolonger ce travail par la reprise et développement de l’analyse au-delà du seul journal télévisé (19h30) et au-delà des seules années 2018 et 2019. D’autre part, il vise à développer et enrichir l’analyse ‘‘externe’’ des émissions diffusées par des entretiens avec les journalistes qui les produisent et par un travail ethnographique dans la RTS pour en comprendre les conditions de production.
359° ... et nous et nous ? Les exclus de l’inclusion. «Politique inclusive » et mesures « ségrégatives » : une ethnographie du « concept 360° » du Canton de Vaud.
Sous la direction de Laurence Kaufmann, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
Depuis l’introduction du « concept 360 » dans le canton de Vaud, l’école promeut une politique d’inclusion visant à intégrer la grande majorité des élèves dans les classes ordinaires. C’est ce que la Direction Générale de l’ Enseignement Obligatoire nomme « une école à visée inclusive ». Cependant, le nombre d’élèves scolarisé·e·s dans des institutions parapubliques, sous le coup de mesures dites « ségrégatives », n’a pas diminué depuis dix ans. Cette recherche ethnographique s’ancre au cœur même des mesures ségrégatives, à savoir une institution d’enseignement spécialisé. C’est à partir de cette institution que ce travail se propose de décrire et d’analyser la manière dont se construisent les frontières entre inclus·e·s et exclu·e·s, les « raisons » qui permettent, ou non, une inclusion en milieu ordinaire ou encore les conséquences de la ségrégation sur les enfants, leurs familles et leurs enseignant·e·s. En travaillant à partir d’observations de terrain, mais également en analysant les documents établis par l’école et qui mènent à une rupture de la scolarité en classe ordinaire, je souhaite mieux comprendre les processus affectifs, argumentatifs et pratiques qui mènent aux diagnostics, notamment à celui, éminemment polysémique, des « troubles du comportement ». Plus généralement, cette recherche cherche à saisir la vie de tous les jours des élèves, de leur famille et des professionnel·e·s ainsi que les contraintes pratiques et les enjeux relationnels qui façonnent leur quotidien, parfois loin de l’inclusion abstraite que le Canton met littéralement « en valeur ».
Corps normés, corps incarnés, corps symbolisés. Anthropologie réflexive et ethnographie des TCA
Sous la direction de Laurence Kaufmann, Université de Lausanne et sous la co-direction de Laurence Godin, Université de Laval
En développant une approche anthropologique en trois volets (auto-endo-ethnographie, ethnologie des récits de vie, anthropologie institutionnelle) et en mobilisant trois formes d’épistémologies anthropologiques (anthropologie réflexive, anthropologie compréhensive et explicative, anthropologie comparative), la présente recherche ambitionne de rendre compte de ce qu’est « vivre avec un TCA » et des logiques de sens qui soutiennent l’entrée de certains individus dans de telles carrières considérées comme « déviantes ». En comprenant les raisons d’émancipation de ces nouvelles problématiques dites « civilisationnelles », il s’agira alors de trouver les moyens de décrire ces carrières en les réinsérant dans leur univers sémantique pour trouver les moyens de les comprendre, de les apprivoiser et de les accompagner avec l’ambition de produire des données capables de soutenir la création de nouveaux outils utiles à l’organisation médicosociale de leur prise en charge."
La communication visuelle de l'UDC. La mobilisation des héritages visuels et la provocation maîtrisée dans la politque suisse
Sous la direction de Gianni Haver, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
Depuis les années 1990, l’UDC a subi une transformation, en passant d’un parti bourgeois traditionnel à un parti moderne et populiste. Dès lors, la Nouvelle UDC se différencie de l’UDC d’avant 1992 aussi par une approche plus professionnelle des médias et du marketing politique. Cette thèse s’intéresse à la communication visuelle de la Nouvelle UDC dans son ensemble, c’est-à-dire à son discours publicisé par le biais de l’image. L’étude des codes visuels em-ployés sera abordée par la manière dont les démocrates du centre construisent symbolique-ment des catégories sociales. Le deuxième accent de recherche consiste en l’étude des images mentales collectives, des stéréotypes et des héritages visuels mobilisés. Ces différents ques-tionnements sur la communication visuelle de la Nouvelle UDC nous permettront non seule-ment d’étudier sa construction de sens et ses stratégies de persuasion à travers le visuel, mais aussi de comprendre les enjeux au sein de la société suisse actuelle (des conceptions de la réalité courante, ses jugements de valeurs, ses craintes etc.) ainsi que le fonctionnement de la communication politique de ce parti. Le corpus de départ considérera la communication visuelle ainsi que la totalité des supports de communication utilisés par la Nouvelle UDC au niveau national et régional. Le corpus élargi se composera des matériaux visuels et verbaux ainsi que des entretiens qualitatifs qui servent à révéler des fonctionnements et des héritages du premier corpus. Pour l’interprétation des matériaux visuels provenant de la communication officielle de ce parti, nous envisageons un cadre analytique pluriel : analyse de contenu, analyse du discours, analyse iconographique et iconologique et approche centré sur les acteurs ainsi que socio-historique.
Mots-clés : UDC, communication visuelle, propagande, populisme, politique suisse, sociolo-gie de l’image, analyse de l’image.
Anne Siggen est titulaire d'un Bachelor en sciences des religions de l'Université de Fribourg et d'un Master en sciences sociales de l'Université de Lausanne dans la spécialisation Culture, communication et médias. Son mémoire de Master a fait l’objet d’une recherche-action sur la question de la prise en charge de parents de jeunes converti·es à l’islam, dans le domaine de la prévention des radicalisations violentes en Suisse romande.
Elle effectue actuellement une thèse en sociologie sous la direction de Philippe Gonzalez dans le cadre de l’enquête Lead Agency, « Fundamentalism and foundationalism : crossed perspectives » [FNS 100019E_218970]. Elle mène une ethnographie au sein de l’aumônerie de l’armée suisse et traite de la façon dont les aumônier·ères issu·es de communautés évangéliques négocient leurs convictions lorsqu’ils·elles dispensent un accompagnement spirituel dans une institution publique. La recherche vise à montrer comment l’activité d’aumônier contribue au quotidien à la constitution des mondes sociaux et religieux des acteur·ices, dans une perspective critique et collaborative.
Les limites du dicible en question. Socio-histoire de la loi antiraciste suisse
Sous la codirection de Philippe Gonzalez, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne et Baudouin Dupret (Sciences Po Bordeaux)
En 1994, le peuple suisse vote l’entrée en vigueur d’une norme pénale contre le racisme. La Suisse rejoint le cercle des démocraties qui, au 20e siècle, se dotent de lois pour lutter contre les discriminations raciales, ethniques et religieuses. L’histoire de la loi antiraciste remonte aux années 1980 lorsque des associations antiracistes, des communautés juives et des politicien·ne·s de gauche comme de droite se mobilisent pour mettre en place une protection juridique contre les « actes de racisme ». Ces mobilisations s’inscrivent dans un contexte national tendu, au carrefour de trois problématiques fortement connectées : alors que la Suisse commence à légiférer sur la question de l’asile au début des années 1980, la fin de la décennie est marquée par une recrudescence des activités de groupes d’extrême droite et des violences commises envers les étranger·e·s ainsi que les requérant·e·s d’asile. La nécessité d’une loi contre le racisme s’impose progressivement. Après des années de travail législatif, la loi est adoptée par l’Assemblée fédérale en 1993. Contestée par référendum, principalement par plusieurs formations d’extrême droite, la loi est finalement soumise au peuple et acceptée en septembre 1994 à plus 54% des votant·e·s.
Ce projet de thèse a pour ambition de réaliser une socio-histoire de la norme pénale contre le racisme suisse. Il se décline en deux grands axes de recherche. Le premier axe retrace la genèse de la loi antiraciste (1980-1995) en analysant les mobilisations, les débats publics et le travail législatif dont elle a fait l’objet. Le second axe étudie l’application de la loi à partir de l’analyse de plusieurs affaires de discrimination raciale qui ont émergé dans l’espace public suisse, des jugements rendus et de la jurisprudence. Ces axes sont abordés au prisme d’une approche qualitative plurielle et d’un matériau empirique large croisant discours publics, archives, entretiens et observations.
Cette enquête socio-historique vise à montrer comment et pourquoi la Suisse s’est dotée d’une loi contre le racisme. Elle retrace les façons dont une pluralité de protagonistes investit les arènes publiques pour (re)définir l’espace du dicible et pour façonner notamment les contraintes juridiques qui pèsent sur la parole publique. Ce cas d’étude permet ainsi d’observer une collectivité politique aux prises avec les limites de sa liberté d’expression, un enjeu au cœur des sociétés démocratiques.