Par ordre d’apparition dans le colloque
Dominique CARDON
Médialab, Sciences Po, Paris
Un troisième printemps de l’IA ?
Profitant des réussites spectaculaires des techniques de deep learning, les promesses de l’Intelligence artificielle (IA) sont revenues occuper le débat public. Dans cette communication, on se propose de retracer quelques aspects de l’histoire de l’Intelligence artificielle relatifs au débat classique opposant le cognitivisme au connexionnisme. L’actuel « troisième printemps de l’IA » se caractérise, dans l’histoire des sciences et des techniques, par le retour du paradigme connexionniste qui avait été marginalisé lors du « second printemps » de l’Intelligence artificielle dans les années quatre-vingt. Il s’agira de montrer comment la nouvelle vague de promesses de l’IA constitue à la fois un retournement des stratégies scientifiques issues du machine learning et un effet des opportunités nouvelles offertes par les données massives et les nouvelles capacité de calcul. À travers cette généalogie, il sera alors possible de faire un diagnostic sur le décalage entre les perceptions publiques de l’IA (issus des représentations d’une « machine intelligente ») et la réalité des calculs effectués aujourd’hui par les techniques de deep learning.
Dans un deuxième temps, on s’attachera à caractériser la nouvelle manière de calculer la société conséquente à la généralisation des techniques d’apprentissage (dites d’IA) dans les services numériques. Elles proposent en effet de calculer la société d’une manière qui ne correspond plus aux exigences de centralité, d’univocité et de généralité des méthodes statistiques distribuant les individus autour de la moyenne selon une loi normale. Dans les environnements numériques, la multiplication des enregistrements contribue à une augmentation considérable du nombre des variables disponibles au calcul. Renouant avec les techniques inductives de l’analyse des données, les calculateurs numériques ne cherchent pas à réduire et à stabiliser l’espace des variables pertinentes. Les causes deviennent inconstantes et sont associées par le calculateur dans des assemblages changeants en fonction des objectifs locaux requis par la prédiction de l’environnement des différents utilisateurs. Le déplacement de la statistique sociale organisée autour des catégories et d’une loi normale vers une statistique personnalisant la prédiction pour chaque individu se caractérise par une radicalisation de l’incertitude sur les causes du comportement individuel. C’est en ce sens que les nouveaux formats de calcul de l’IA proposent une réponse calculatoire aux formes d’individuation de nos sociétés tout en fabriquant un environnement sociotechnique qui encourage ce processus.
Dominique BOULLIER
Digital Humanities Institute (DHI), Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL)
Décisions artificielles ou décisions complexes dans les organisations
Un nouvel âge de l’informatisation des organisations se présente avec le Machine Learning : il affecte la décision en automatisant désormais les tâches expertes mais paramétrables et probabilisables. Ce défi oblige à réviser ce qui constitue les décisions dans chaque métier. Les échelles de complexité des computer sciences (Turing, Kolmogorov, Vapnik et Chervonenkis) deviennent des critères essentiels pour qualifier les problèmes mais aussi les décisions. Nous les examinerons dans trois situations : 1/ les choix d’algorithmes de la part des « Machine Learners » (Mc Kenzie) comme ceux qui répondent aux challenges de Kaggle, 2/ les sciences sociales et leurs stratégies d’enquête et de mises à l’épreuve, 3/ le travail ordinaire du management dans le capitalisme financier numérique, ce qui doit conduire à le distinguer du leadership.
Boris BEAUDE
Laboratoire d’études des sciences et des techniques (STS Lab), Université de Lausanne
Coexister avec nos artifices
Les révolutions industrielles furent au cœur de profonds changements de l’organisation du travail. Par leurs raffinements dans la maîtrise de la vapeur, puis de l’électricité, elles ont fondamentalement remis en cause les forces mécaniques animales et humaines, au profit de celles des machines, plus puissantes, plus efficientes et plus systématiques. L’artisanat, dans ce qu’il a de local, de singulier et de manuel, fut confronté à la puissance des machines, à la production standardisée et aux économies d’échelles. Cette puissance mécanique permit de transporter la production plus loin et à moindre coût, faisant du monde un marché déjà intense à la veille de la Première Guerre mondiale. L’humanité fut dès lors questionnée dans sa capacité à résister à une telle concentration des moyens de production, opposant non seulement les travailleurs aux machines, mais aussi au capital. Mais à mesure que cette maîtrise de l’énergie et de la matière s’est accrue, les emplois faisant appel à la force ont certes très largement disparu, mais au profit de nouvelles activités, qui occupent à présent l’essentiel des emplois des démocraties à économie de marché. La « destruction créatrice » semble avoir opéré sans failles.
S’il est convenu de situer les deux premières révolutions industrielles comme étant celles de la vapeur, puis de l’électricité, une troisième révolution, plus récente, se serait développée avec l’informatique et une quatrième, déjà à l’œuvre, associerait la capacité de traitement de l’information à la capacité mécanique des automates. La problématique actuelle de la relation entre l’IA et le travail se situe ainsi à l’intersection de deux composantes majeures du travail : ses fonctions cognitives et ses fonctions mécaniques. Les analogies entre cognitions humaines et artificielles sont réactivées avec une rare intensité, dès lors que les fonctions mécaniques faisant appel à des processus cognitifs spécialisés, tels que la conduite de véhicules et la manipulation de stocks dans des dépôts, sont susceptibles d’être déléguées à des machines dans des proportions non concevables, il y a deux décennies à peine. À mesure que les machines repoussent les limites de leurs champs d’application, c’est le propre de l’humain qui se trouve questionné, non seulement d’un point de vue ontologique, mais plus radicalement d’un point de vue pratique et contingent. Quelle est la place d’un individu dans un environnement qui associe le travail comme valeur élémentaire de l’inclusion sociale, la concurrence comme fondement de la justice et de l’efficience, et le monde comme horizon expérimental ?
Afin de cadrer la relation entre l’IA et le travail, nous proposons de contextualiser ce débat dans l’histoire récente de nos artifices, en soulignant à quel point la pluralité des intelligences artificielles mérite d’être située, pour mieux en saisir les conditions pratiques du déploiement actuel et à venir?! Pour cela, nous insisterons sur deux enjeux majeurs : d’une part, au même titre que les révolutions précédentes, les IA ne sont pas plus analogiques à nous même que ne le furent les machines à vapeur ou que ne le sont les chaines de production robotisées actuelles. Elles nous surpassent largement dans les fonctions limitées auxquelles elles sont affectées. D’autre part, le débat sur les limites des IA actuelles au regard de notre intelligence « globale » doit être relativisé dans le contexte du travail, dès lors que cette intelligence est rarement sollicitée.
Nous proposons ainsi d’éviter absolument l’écueil des idéalisations respectives des IA comme des humains, et de questionner plus précisément les conditions pratiques de coexistence avec nos artifices. L’enjeu de la relation entre IA et travail est en cela inévitablement technique, mais il est plus encore politique, au sens le plus étendu. Le déploiement des IA et leurs conjonctions avec les dispositifs mécaniques couvriront des activités de plus en plus nombreuses, mais il ne se manifestera certainement pas comme substitution aux activités actuelles. Ce monde à venir est au contraire à inventer, car si la peur de l’IA est celle de notre difficulté à la penser, elle est plus encore celle de notre éventuelle incapacité à en redistribuer les efficiences particulières. Dis autrement, si l’IA, dans ce qu’elle incarne de plus effrayant, annonçait la fin du travail, pour quelles raisons fondamentales et pour qui cela serait-il un problème ?
Anna JOBIN
Visiting Scholar, STS Program, Tufts University, Boston & Laboratoire d’études des sciences et des techniques (STS Lab), Université de Lausanne
Algorithms, data, and automation: Google’s algorithmic advertising system at work
Google, allegedly the most valuable brand in the world, reported a record revenue of over $110 billion in 2017, generated mostly through automated online advertising (Alphabet 2018). Laying the economic foundations for many of the services we take for granted nowadays, online advertising is an illuminating example of an algorithmic system at work. Accordingly, this contribution will present algorithms, data, and automation in the context of Google’s online advertising activities. As necessary ingredients of an automated system that draws on AI, algorithms and data are, on the one hand, presented as well-defined conceptual entities. On the other hand, it will be argued that, in practice, they are inextricably intertwined and may, thus, be more usefully understood as ‘algorithmic systems’. As such, an algorithmic advertising system at work invites a reflection both on the tasks it performs and on the way it ‘becomes’ within and through the work of humans (Seaver 2017). For all while building strongly on automation to ‘do’ online advertising, Google also relies on people, ‘advertisers’, to interact with its algorithmic system; the work of this heterogenous group of professionals, in turn, depends heavily on Google. Therefore, it will be shown how the algorithmic system takes shape in the discursive practices of the people who interact with it.
Antonio A. CASILLI
Telecom ParisTech, et Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS)
Le « dernier kilomètre de l’automation » : micro-travail et inégalités planétaires à l’heure des plateformes numériques
Le débat actuel autour de l’impact de l’automation sur le travail est marqué par les prophéties dystopiques du « grand remplacement » des humains par les technologies intelligentes, par la disparition de 47% des emplois et par les fantasmes de la gouvernance algorithmique du travail. Ceux-ci représentent autant de discours d’accompagnement de l’essor des plateformes numériques dont les modèles d’affaires sont de plus en plus structurés autour de l’automation des processus métier.
Cependant, une énorme quantité de travail est exigée aujourd’hui, justement pour enseigner aux machines à apprendre. Le fonctionnement des équipements intelligents, des voitures sans conducteur et des assistants virtuels est basé sur les données produites par les usagers, lesquelles doivent être annotées, étiquetées, qualifiées, raffinées ou augmentées. De plus en plus de plateformes sponsorisent ou s’appuient sur des marchés de micro-travail. Des services spécialisés de délocalisation extensive permettent l’allocation massive de micro-tâches standardisées à des myriades de fournisseurs non spécialisés en échange de rémunérations allant de moins d’un centime jusqu’à quelques dollars. Ce micro-travail représente le « dernier kilomètre de l’automation », couvrant les tâches résiduelles d’opérations de traitement de données, que des humains non qualifiés peuvent résoudre à moindre coût et avec plus de précision que les processus automatiques.
Mechanical Turk, MightyAI, TryRating, RaterHub, UHRS, Zhubajie améliorent des systèmes d’apprentissage automatique respectivement d’Amazon, d’IBM, d’Apple, de Google, de Microsoft et d’Alibaba. Néanmoins, le micro-travail est principalement réalisé par des millions de personnes dans les pays à revenu faible et intermédiaire d’Asie du Sud (Philippines, Inde, Bangladesh) et d’Afrique (Madagascar, Kenya, Tunisie). Ceci est emblématique d’une caractéristique spécifique des économies contemporaines, l’émergence de « chaînes logistiques virtuelles » mondialisées. Les inégalités classiques Nord/Sud se reproduisent à une échelle considérable. D’autant que le micro-travail ne représente pas un phénomène résiduel mais un véritable marché du travail. Les estimations de cette «micro-main-d’œuvre» mondiale oscillent entre 40 et plus de 100 millions.
La centralité du travail est alors réaffirmée, à condition de jeter un regard derrière les rideaux de l’automation, pour observer le recours généralisé de la part des plateformes à des modalités intensives de captation de la valeur à partir des micro-tâches réalisées par des êtres humains afin de, justement, entraîner les intelligences artificielles, calibrer les algorithmes, faire circuler les véhicules autonomes—et parfois même se faire passer pour un chatbot.
Isabelle BERREBI-HOFFMANN
Laboratoire Interdisciplinaire de Sociologie Economique (LISE), Conservatoire des arts et métiers (CNAM), CNRS, Paris
De la bureaucratie aux algorithmes : Enquête sur les formes de gouvernance du travail dans la région du grand Boston.
L’arrivée d’algorithmes intelligents qui épaulent, organisent et parfois remplacent nombres de taches et d’activités productives et de services, inquiète depuis quelques années, les démocraties sociales. L’intelligence artificielle qui produit algorithmes, robots et « bots » à même de transformer l’emploi et de définir l’avenir du travail est au cœur d’une pensée du changement et du futur des Etats de droit. Une série de rapports internationaux (contradictoires) depuis 2015 tentent d’en imaginer l’impact et/ou les questions éthiques qui risquent de surgir, comme les régulations et institutions à inventer, pour conserver à la fois des droits fondamentaux et conforter un équilibre social fragilisé. Mais, de quelles transformations parle-t-on ? Cette communication propose de contribuer, en sociologue du travail et des organisations, à l’identification des formes de gouvernance du travail liés à un capitalisme des données et au machine learning. Peut-on identifier des acteurs émergents, des métiers et des professions des données, des formes de gouvernance quantifiées de l’individu et d’organisation du travail qui diffèrent de la gouvernance par indicateurs financiers qui l’a précédé ? Quels rapports entre individus et institutions, entre individus et travail se re-définissent-ils à travers, par exemple, des outils de quantified self? Au delà des questions fondamentales de possibilités de la surveillance et de protection de la privacy, peut-on déjà identifier les configurations de pouvoir économique qui s’installent et les contre-pouvoirs qui émergent? A partir de deux années d’observation et d’enquête dans une trentaine de lieux (entreprises, plateformes, start-ups, makerspaces, medialabs, centre de recherche en AI et en internet studies…) de l’éco-systéme d’innovation, recherche et d’économie collaborative de la région de Boston (2015-2017), j’interrogerai certains des usages de l’AI au travail. En quoi posent-ils (ou non) à nouveaux frais, des questions de gouvernance, de pouvoir, de régulation, de relations employeurs/employés? Je m’appuierai sur trois exemples qui articulent intelligence artificielle et travail, issus de cette enquête, puis proposerai, à partir de ces cas empiriques, une classification des questionnements qui s’y rapportent. Je concluerai sur quelques premiers résultats sur les tentatives de régulation en cours aux Etats-Unis et en Allemagne.
Olivier GLASSEY
Laboratoire d’études des sciences et des techniques (STS Lab), Université de Lausanne
Travailler pour l’intelligence artificielle : l’humain au service de l’apprentissage de la machine
Les débats relatifs aux développement de l’IA dans le domaine du travail se focalisent principalement sur les enjeux relatifs aux modifications, voir aux substitutions potentielles de l’activité humaine. La communication proposée s’intéresse à une phase se situant en amont de ces scénarios et qui se trouve déjà largement amorcée : la capture de l’activité humaine. Dans de multiples domaines d’activité, de manières rémunérée ou bénévole, des humains par leurs pratiques informent les IA (contributions en ligne, images, paroles, gestes, etc..). Ces processus de traduction et d’internalisation touchent aussi bien des dimensions cognitives complexes que des actions de la vie quotidienne (manières de se déplacer, de porter son attention, de se saisir d’objets). L’activité humaine numérisée constitue un des ingrédients du Deep Learning et participe pleinement à la montée en puissance des IA. Ces captures automatisées et agrégées sont en phase de devenir un domaine économique stratégique à part entière. Ces initiatives nous apparaissent comme un point d’accès privilégié pour appréhender la nature des transformations à l’œuvre. Comme l’illustre le slogan d’une entreprise spécialiste du domaine, elles inscrivent en effet leurs actions dans le cadre plus large d’une promesse d’humanisation: « We teach machines to perceive the world like humans ». Nous proposons de nous focaliser sur l’analyse à différentes échelles de ces entreprises de traduction massive. A partir d’une série de cas concrets, nous interrogerons comment ces modalités de captations participent à la fois de logiques de dépossessions et de rationalisations dont les IA sont le vecteur performatif. L’hypothèse finalement discutée sera le fait qu’avant même leur avénement annoncé nous travaillons, déjà, largement pour les IA.
Yann MOULIER BOUTANG
Connaissance, organisation et systèmes techniques (Costech), Université de Technologie de Compiègne (UTC)
IA, travail, emploi, activité : parallèles historiques et singularité du moment
Deux positions principales s’affrontent sur l’incidence de l’IA sur le machinisme et sur l’emploi : la première optimiste considère que l’IA ne constitue qu’une réplication d’un phénomène bien connu depuis la révolution industrielle, celui de la « destruction créatrice » qui aboutira à un retour à une situation d’équilibre avec la création des nouveaux emplois. L’autre très pessimiste pense que les destructions d’emploi ne seront plus compensées, avec toutes les incertitudes qu’une telle évolution implique. On entrera dans ce débat à partir de deux questions. La première est le parallèle historique que l’on peut tracer entre la révolution industrielle 1750-1850 et la situation créée par la révolution numérique (1985- 2020) en revenant sur deux points forts : le changement d’opinion de David Ricardo entre 1817 et 1823 (analysé par John Hicks) et le fragment de Marx sur les machines dans les Grundrisse de 1857-58. Quel enseignement peut-on tirer de ce parallèle ?
Pour tenter de cerner la singularité de l’âge des machines de seconde génération (avec IA donc) et la crise actuelle, on distinguera ensuite trois sphères, celle la plus large de l’activité humaine, la seconde du travail, c’est-à-dire de l’échange de travail contre de l’argent, celle enfin la plus restreinte, de l’emploi (essentiellement mais pas seulement du salariat). L’impact de l’IA (donc de la seconde révolution numérique ) sur ces trois sphères est différencié en ce qu’il dépend étroitement des formes institutionnelles que revêt la codification salariale. Mais il faut tenir compte également de ce que les rapports entre ces trois sphères changent dans le capitalisme cognitif dans le sens d’un bouclage totalement nouveau. L’inclusion des externalités (aussi bien positives que négatives) dans les dispositifs de capture de la valeur économique modifie l’articulation des trois sphères et ce que l’on nommait du travail productif.
Ce deuxième moment d’analyse permet de faire un retour sur les conclusions de Ricardo comme sur celles de Marx et de prévoir des quiproquos ou des journées des dupes à la fois drastiques et réjouissantes.
Mohamed CHETOUANI
Sorbonne Université, Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique, CNRS (UMR 7222)
Interactions interpersonnelles avec des machines
Dans un futur proche, les humains et les robots sociaux agiront en tant que membres de la même équipe en travaillant sur des objectifs communs, par exemple. En robotique sociale, l’approche actuelle repose sur l’analyse, la modélisation et la génération de comportements verbaux et non-verbaux, individuels et observables avec une méthodologie exploitant fortement des questionnaires psychométriques. Or, les travaux récents en Psychologie et en Neurosciences ont montré que l’interaction sociale n’est pas une simple somme de comportements individuels mais repose sur des couplages complexes, physiologiques et comportementaux.
Les comportements mutuels qui se produisent au cours de l’interaction interpersonnelle fournissent des aperçus uniques sur les complexités des processus sous-jacents à la coordination homme-robot. En particulier, l’interaction interpersonnelle, le processus par lequel deux personnes ou plus échangent des informations par des messages verbaux (ce qui est dit) et non-verbal (comment c’est dit) pourrait être exploité pour établir une interaction et informer sur la qualité de l’interaction.
Dans cet exposé, nous présenterons nos récents travaux sur l’apprentissage social pour (i) détecter des traits individuels tels que la pathologie et l’identité au cours d’interactions homme-robot, (ii) apprendre des tâches à partir de signaux d’enseignement non étiquetés. Nous décrirons également comment ces cadres pourraient être utilisés pour étudier les mécanismes de coordination et en particulier lorsqu’il s’agit de pathologies telles que les troubles du spectre autistique.
Daniela CERQUI, THEMA, Institut des Sciences sociales, Université de Lausanne
Koorosh MASSOUDI, Centre de recherche en psychologie du conseil et de l’orientation (CePCO), Institut de psychologie, Université de Lausanne
De l’interchangeabilité entre l’humain et la machine. Regards croisés entre anthropologie et psychologie
La quatrième révolution industrielle est en marche : Après avoir extériorisé sa force physique dans la machine, l’humain lui a aussi dans un deuxième temps délégué des tâches décisionelles. Plus récemment, une nouvelle étape a été franchie avec l’apparition de robots appelés à effectuer des tâches qui impliquent une dimension relationnelle. Accepter l’idée que ces dernières puissent être effectuée indifféremment par un humain ou par une machine suppose que l’indifférenciation entre le vivant et le non vivant héritée de la cybernétique soit poussée à son comble. Elle suppose aussi que le terme « relation » soit défini en vertu d’une définition de l’humain et de la vie en société bien particulière. Enfin, une telle redistribution des tâches a un impact important sur les professionnels de la relation d’aide qui peuvent se sentir niés dans leurs compétences fondamentales, leurs valeurs essentielles et le sens qu’ils attribuent à leur travail. Nous nous proposons d’interroger cette conception de l’être humain, qui le rend interchangeable avec la machine jusque dans ses relations, aussi bien d’un point de vue anthropologique que psychologique.