Hommage au Professeur Jacques Waardenburg
Jacques Waardenburg (1930-2015).
C’est ainsi que nous appelions notre ami hollandais Jacobus Diederik Jan Waardenburg auquel le DIHSR voulait rendre hommage à juste titre cet automne. Nommé professeur ordinaire à charge d’enseigner la science des religions à la Faculté de Théologie en 1987, JW a marqué cette dernière de trois manières différentes, avec sa naïveté joueuse de batave qui avait enseigné de longues années la science des religions à l’Université d’Utrecht.
Sur le plan épistémologique, il a clarifié le statut de sa discipline en la démarquant de la théologie dans une perspective plus proche de la tradition de l’histoire des religions que de la Religionswissenschaft. En ce faisant, il a donné de l’espace aux autres disciplines s’inscrivant dans la perspective des sciences sociales et humaines des religions, reconnaissant en particulier l’autonomie et la spécificité de la psychologie et de la sociologie des religions, alors enseignées dans cette même Faculté un peu à titre subsidiaire.
Cette attitude lui a permis de proposer, puis de créer en 1989 le Département interfacultaire d’histoire et de sciences des religions. Pour moi, cela constitue sa contribution majeure et novatrice à l’enseignement universitaire. En créant un espace où les différentes disciplines traitant du religieux étaient appelées à collaborer et à affronter leurs points de vue, JW a favorisé le décloisonnement de la Faculté de théologie en offrant, dans le cadre d’un programme d’études réfléchi, ses enseignements aux étudiants en Lettres ainsi qu’en Sciences sociales et politiques, favorisant de cette manière une compréhension plus globale, ne réduisant pas le religieux à un texte ou à un fait social. Il n’est pas anodin de souligner que le DIHSR a pu, en raison de son offre de formation, contribuer de façon déterminante à l’élaboration du programme d’histoire et sciences des religions proposé à titre de branche à option dans les gymnases de ce canton. Il a pu également assurer la formation des enseignants de cette matière, couronnée par un titre délivré par la Faculté des Lettres.
Le DIHSR a ainsi favorisé le développement d’un enseignement sur la religion, évitant les critiques adressées à un enseignement de la religion, à un moment où les disciples de la laïcité auraient été tentés de rayer cette matière des programmes scolaires. Il a ainsi permis d’anticiper les conséquences du changement socio-religieux. De plus, en utilisant le capital de connaissances de trois Facultés, il a donné une image de l’Université de demain où, en raison de la complexité des phénomènes sociétaux, il est devenu indispensable de recourir au savoir de multiples disciplines ne s’inscrivant pas forcément dans le même vivier facultaire.
Les spécialistes de la science des religions ont déjà fait l’éloge de sa production scientifique. Sur ce point, et c’est le troisième apport de JW que je voulais souligner, sa passion pour le dialogue chrétiens-musulmans avait aussi un caractère prémonitoire. Au moment où nos médias focalisent l’attention sur l’Islam en Suisse en organisant une information coordonnée, il serait bon de se souvenir des efforts de JW pour dégager la tradition musulmane des préjugés et des stéréotypes qui alimentent le feu des controverses et provoquent la violence. En ce sens, JW a balisé le terrain pour qu’un archevêque catholique syriaque puisse déclarer Oui, un vivre ensemble islamo- chrétien est possible (voir Le Temps du 4 décembre 2013, p.11).
Les funérailles de JW ont eu lieu à Amersfoort, le 15 avril. Une cérémonie d’adieu est prévue à Lausanne au mois de juillet, permettant de saluer celui qui a quitté son enseignement en 1995.
Roland J. Campiche
Prof. honoraire UNIL
Ch. de La Paisible 95
1806 Saint-Légier